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Journal de notre bord

Lettre no 157 (le 27 avril 2014)

Bonsoir à toutes et à tous,

« L’Europe ! La mondialisation ! La crise ! La croissance !
L’État ! La dette de l’État ! La France ! Les intérêts de la
France ! La compétitivité de la France ! » Dès qu’on se
laisse aller à écouter ou à lire les informations, on
constate un usage inflationniste de ces mots et de ces
expressions. Ce sont les éléments d’un petit théâtre
langagier permanent, répétitif, ronronnant, tranquillement
mensonger qui est ennuyeux à périr et provoque la nausée dès
qu’on y prête attention. Mais cela n’a pas encore suscité un
mouvement de contestation, de rejet massif des lecteurs, des
auditeurs et des téléspectateurs. Il faut donc toujours
examiner ce qui se cache derrière ces termes qui nous sont
présentés comme exprimant des réalités évidentes.

Ces mots ont-ils un sens en eux-mêmes ? Pourquoi
devrions-nous croire en ces fétiches, à ces grands ou petits
démons ou divinités qu’ils sont censés désigner ? Ce qu’ils
ont en commun avec le capital financier, c’est d’être
fictifs si on les passe au crible de critères véritablement
humains. Et tout le problème est de savoir si nous avons
envie de craindre ces fétiches du capitalisme et de nous
sacrifier pour qu’ils continuent à avoir un semblant de
réalité. Car si nous y croyons et si nous nous sacrifions
pour eux, c’est nous qui perdons en réalité, qui devenons
moins réels, qui finirons par nous dissiper dans une nature
dénaturée par toutes les exploitations et pollutions. Nous
sommes les ingrédients qui sont incorporés dans la vaste
machinerie de l’univers marchand. Et si nous refusons ce
destin, il nous faut déjà mettre en cause les guirlandes de
mots ronflants et d’arguties qui accompagnent ce processus
destructeur.

C’est ainsi qu’il apparaît nécessaire de cibler les faux
débats qui se développent actuellement autour du mot Europe.
Il serait raisonnable de considérer que l’Europe n’est
qu’une appellation géographique, du reste imprécise, d’une
certaine zone de terres émergées de la planète terre, tout
comme l’Asie ou l’Afrique. Mais il n’en va pas ainsi dans
la sphère des débats politiques courants. L’Europe qui
intéresse les intervenants est seulement celle qui est
organisée sous la houlette d’une armature institutionnelle
appelée « Union Européenne ». À partir de là, une empoignade
de pure diversion peut commencer. Les citoyens sont appelés à
être « pour ou contre l’Europe », « pour ou contre l’euro ».
Si cela ne débordait pas la concurrence classique entre
les politiciens bourgeois de gauche, de droite et
d’extrême-droite où chacun joue sa partition « pour » ou
« contre », tout le monde étant de toute façon bien d’accord
pour maintenir les fondamentaux du système capitaliste, il
n’y aurait pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Cependant,
on assiste à une véritable dérive qui affecte une partie de
la gauche dite antilibérale qui propose d’en finir avec
l’Europe au lieu d’en finir avec le capitalisme. Dans la
foulée, l’idée d’un autre monde, l’altermondialisme, risque
fort de passer à la trappe.

Ainsi dans le numéro d’avril du « Monde diplomatique »,
Frédéric Lordon publie un large extrait de son dernier livre
sous le titre « Un peuple européen est-il possible ? ». En
s’appuyant de façon tout à fait abusive sur un philosophe du
XVIIe siècle, Baruch Spinoza, il démontre que la réponse est
non. Dans une hypothèse qui se veut optimiste, il concède
« qu’on peut peut-être faire État européen... mais pas avec
n’importe qui. Et manifestement, pour l’heure, pas avec
l’Allemagne. »

Les jeunes et moins jeunes Allemands qui ont apporté leur
appui à Notre-Dame-des-Landes ou qui ont manifesté contre la
centrale nucléaire de Fessenheim apprécieront. De même que
les syndicalistes et travailleurs allemands qui rencontrent
leurs collègues français, organisent des actions de
solidarité et ont manifesté à bien des reprises avec eux à
Bruxelles.

La position souverainiste de Lordon et de quelques autres,
avec leurs mesures de protectionnisme national, la sortie de
l’euro et la croyance dans les vertus de l’État-nation,
conduit très logiquement dans le contexte français à la
germanophobie. L’État français et la bourgeoisie française
ne demandent pas mieux.

Dans une tribune de « Libération » du 24 avril, Cédric
Durand, Razmig Keucheyan et Stathis Kouvélakis ne vont pas
aussi loin que Lordon mais s’engagent dans la même voie. Ils
nous révèlent ce qu’ils estiment être aujourd’hui « La vraie
nature de l’internationalisme ». On apprend avec étonnement
qu’il y aurait selon eux « un internationalisme des classes
dominantes ». En fait, il y une internationalisation du
capital, ce qui n’a rien à voir avec l’internationalisme.
Mais les auteurs ont besoin d’opérer ce glissement
sémantique, créant la confusion, pour affirmer : « L’UE est
une incarnation de cet internationalisme du capital »,
« L’Euro est au cœur de cet internationalisme des classes
capitalistes européennes... ».

Partant de là, selon eux, un internationalisme nouveau,
correspondant aux intérêts des « classes subalternes » (sic)
se trouve formulé dans leur conclusion : « Rompre avec
l’Europe pour sortir du cauchemar néolibéral : c’est
peut-être cela le véritable internationalisme ».

Les auteurs ne sont pas encore totalement sûrs d’eux, ce qui
nous laisse un léger espoir de les convaincre qu’ils
s’engagent dans une impasse dangereuse. Car sur quoi repose
leur étrange internationalisme ? Il consiste à espérer qu’un
gouvernement vraiment de gauche arrive au pouvoir dans un
pays de l’Union Européenne pour que tout puisse commencer à
basculer favorablement dans tous les domaines. Ce
gouvernement remettrait en cause les traités européens et
quitterait la zone euro, reprendrait sa monnaie nationale
pour reprendre le contrôle de son budget.

Suivons-les un moment dans leur rêve d’un gouvernement 
« vraiment de gauche, s’attaquant courageusement aux méfaits
du néolibéralisme et quittant donc le cadre de l’Union
européenne ». Et que ferait l’État du pays concerné, celui
de la Grèce par exemple dans l’hypothèse où le dirigeant du
parti de gauche Syriza se retrouverait à la tête d’un tel
gouvernement aussi radical ? Admettons, ce qui nous est très
difficile, que l’intéressé, Tsipras, ne se dégonfle pas
alors comme une baudruche, comme Léon Blum en 1936 face au
fameux « mur de l’argent ». Donc il décide d’annuler la
dette de la Grèce, de ne plus acheter d’armes à la France et
à l’Allemagne. Il décide d’imposer fortement les armateurs
et l’église orthodoxe richissime et de renationaliser ce qui
a été privatisé. Eh bien l’État grec n’appliquerait pas ses
décisions. Il n’y a que la population grecque véritablement
en révolution qui pourrait le faire avec ses propres modes
d’organisation et d’intervention.

L’État n’est pas une instance neutre prête à appliquer des
mesures lésant les intérêts des classes dominantes. Le faire
croire est une escroquerie intellectuelle, surtout depuis la
terrible expérience vécue il y a quarante ans par le peuple
chilien avec le coup d’État de Pinochet.

L’Union Européenne et tous les traités qui vont avec ont
d’ailleurs été concoctés par des chefs d’État et leurs
experts. Elle n’a pas surgi tout à coup pour dessaisir de
gentils États nationaux de leurs prérogatives sociales.
Tout cela a été voulu et organisé, à la fois par les hommes
d’État, les banquiers, les chefs de grandes entreprises,
toute une classe dirigeante qui, à l’ère de la
mondialisation des flux du capital, pianote allègrement sur
un vaste clavier de pouvoirs et d’institutions
complémentaires : FMI, Banque Mondiale, OMC, Commission
européenne, Banque centrale européenne, mais aussi et plus
que jamais les appareils d’État nationaux dont il est
absurde de penser que les classes dominantes peuvent se
passer.

Du reste l’État français, qu’on nous présente comme
« obéissant » peureusement dans tous les domaines aux ordres
de la Commission européenne, a suffisamment d’indépendance
pour mener la guerre au Mali et en Centre Afrique, sans
rendre aucun compte à Bruxelles, ni à personne d’ailleurs en
France. De même que cet État français, avec Mitterrand,
Juppé et Védrine entre autres, a pu mener une politique
absolument abominable au Rwanda de 1990 à 1994 sans que les
autres instances internationales comme l’ONU ou l’Union
Européenne n’élèvent la moindre protestation.

Construire un nouvel internationalisme permettant de faire
tomber toutes les frontières et d’en finir avec le
capitalisme passe donc par des analyses claires, prenant en
compte tous les rouages et modalités du système, et mettant
au jour leur fonctionnement, leur synergie, leurs
contradictions.

Il y a un renouveau de la pensée critique, affranchie à
l’égard de la dévotion envers l’État national et s’efforçant
d’imaginer un au-delà du capitalisme. Citons par exemple
trois contributions récentes sur lesquelles nous aurons
l’occasion de revenir : « Commun, essai sur la révolution au
XXIe siècle » de Pierre Dardot et Christian Laval, « Adieux
au capitalisme » de Jérôme Baschet et « Comme si nous étions
déjà libres » de David Graeber. De telles recherches sont
d’autant plus intéressantes et encourageantes que les bases
d’un véritable mouvement internationaliste sont en train de
se reconstituer au travers des expériences collectives à
l’œuvre sur tous les continents, à partir de luttes
diverses, d’expérimentations démocratiques, de tentatives
pour faire vivre des relations humaines différentes.

Les tribuns accédant à la tête d’un gouvernement ne nous
sauveront pas. Nous sommes toutes et tous nos propres
sauveurs ; et nous aurons à défaire et à détruire tous les
points d’appui du système pour inventer un autre monde.
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33 Newport Street
Le compagnon Patrick Choupaut
L’imagier du bonheur
Jours de lumière
In situ 
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33 NEWPORT STREET
Richard Hoggart qui vient de disparaître à l’âge de 95 ans
était un intellectuel très connu en Grande-Bretagne et
beaucoup moins en France. Son livre, « La culture du pauvre »
(« The Uses of Literacy », publié en 1957 et traduit en
1970) avait marqué nombre de sociologues. Mais il ne faut
pas manquer de savourer la première partie de son
autobiographie, « 33 Newport Street », qui a été rééditée
récemment en collection de poche avec une nouvelle
présentation d’un des traducteurs, Claude Grignon (éd Points
Seuil, 381 pages).

Est-ce de la littérature ou de la sociologie ? Le sous-titre
proposé par l’éditeur laisse la question en suspens :
« Autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires
anglaises ». Hoggart lui-même avouait qu’il aurait toutes
les peines du monde à définir ce qu’est la littérature et ce
qu’est la sociologie. A la lecture, il apparaît que c’est le
meilleur de l’une et de l’autre qui se trouve dans ce livre
très vivant. Il nous fait découvrir toutes les nuances et la
complexité des milieux populaires du Yorkshire textile et
minier au travers du comportement, des habitudes et des
façons de parler des personnes qu’il a côtoyées et observées
avec une sagacité confondante. Il ne se prive pas de mettre
toutes ces observations en résonance avec des personnages de
la littérature anglaise dont il avait une connaissance
approfondie.

Son enfance se déroule dans un quartier ouvrier de Leeds.
Il a perdu son père à un an et demi et sa mère à huit ans.
C’est donc dans l’environnement de sa grand-mère
particulièrement aimante et de tantes et oncles aux
personnalités contrastées (l’insupportable tante Ethel
notamment) que le jeune Bert, qui choisira plus tard de
s’appeler Richard, emmagasine une foule de notations sur les
gens des classes populaires, leur culture, leur façon
d’appréhender le monde. Il y a des constantes ou des
formules récurrentes comme de ne pas « se prendre pour plus
qu’on est » ou d’avoir « le respect de soi ». Mais il y a
aussi une foule de différences selon les quartiers, les
métiers ou la position un peu plus haut ou un peu plus bas
dans la hiérarchie sociale. « Ce qui choque ici ne choque
pas ailleurs » relève Hoggart. Il nous invite ainsi à
échapper à une perception homogénéisant la classe ouvrière
comme un tout cohérent, ou au contraire une perception qui
nous ferait passer à côté des logiques collectives subtiles
qui sont à l’oeuvre.

Allant souvent d’une période à l’autre de sa vie en toute
décontraction, des années trente aux années soixante-dix,
Hoggart attire aussi notre attention sur ce qui change et
sur ce qui perdure, voire résiste dans la façon d’être et de
penser des gens, dans leur rapport à la maladie, à la mort,
à la sexualité et à la pudeur, à la politique, aux
festivités et aux loisirs dans le cadre familial, dans les
clubs populaires, les pubs ou les lieux publics.

Sa narration est également très attentive aux lieux et aux
choses, et cela souvent de façon drôle et originale.
L’évocation d’un champ de grosse rhubarbe sauvage en lisière
de la ville souligne par exemple la différence avec la fine
rhubarbe bien propre qui sera vendue plus tard dans les
magasins.

L’autre aspect extrêmement plaisant de ce livre où l’on suit
le parcours de ce jeune parvenant à être lycéen puis à
intégrer l’université de Leeds, c’est la façon très
spontanée et très intelligente avec laquelle Hoggart exprime
son point de vue personnel, en homme bien calé à gauche mais
pas par conviction idéologique, bien qu’il ait fréquenté
assidûment les bibliothèques. Sa passion première était la
poésie et, de toute évidence, elle ne s’est pas éteinte avec
le temps.


LE COMPAGNON PATRICK CHOUPAUT
Notre camarade Patrick Choupaut qui vient de disparaître ne
laissera que d’excellents souvenirs à celles et ceux qui ont
eu l’occasion de le fréquenter, de militer ou simplement
d’avoir des échanges avec lui. Nous n’allons pas ici
reprendre ce qu’a été son parcours politique
anticolonialiste et internationaliste, ce que des camarades qui
l’ont connu longuement et de près ont fait ailleurs,
notamment sur le site du NPA, celui de Solidaires où il
participait à la commission internationale ou sur le site du
Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte
pour qui il traduisait depuis vingt ans les textes émanant
des zapatistes en signant El Viejo. Plusieurs de ses
articles ou textes traduits de l’espagnol sont également
disponibles sur notre site notamment sur les luttes au
Chiapas ou en Argentine.

Nous voudrions attirer l’attention sur deux textes que
Patrick nous a laissés et dont nombre de ses camarades
proches ignoraient parfois l’existence du fait de son
excessive modestie et aussi parfois du peu d’intérêt qu’ils
avaient suscité chez des éditeurs qui auraient pu les
publier. En 1994, juste au début de l’insurrection
zapatiste, il avait rédigé un essai de 63 pages intitulé
« Engels et les sauvages, Questions sur la genèse de l’État et
ses déplorables conséquences ». Ce texte d’un grand intérêt
comportait une critique de l’analyse dépassée d’Engels et
des développements sur les Guaranis, les jésuites et la
société du monde andin. En 1995, Patrick ajoutait un
chapitre « A propos de l’insurrection au Chiapas et des
postfaces en 2007 et 2008 rendant compte de son évolution
politique personnelle vers le communisme libertaire. Le
texte était resté sur son disque dur, de même qu’une étude
« Guaranis et jésuites, rencontre de deux mondes et
rendez-vous manqués ». Patrick avait proposé ce dernier
texte en 2012 à des catholiques progressistes adeptes de la
théologie de la libération mais nous ne savons pas si,
finalement, ils l’ont publié. Patrick nous avait confié que,
soit on trouvait son analyse trop anticléricale, soit on la
trouvait trop favorable aux jésuites du Paraguay…

À propos du texte « Engels et les sauvages », Patrick nous
avait écrit avec humour : « c’est du genre à ne plaire à
personne, ce qui pourrait expliquer que je n’aie pas trouvé
d’éditeur ». Vous trouverez ce texte, à l’époque de sa
rédaction trop marxiste pour les libertaires et trop
libertaire pour ses camarades trotskiste, sur le site de
Culture et Révolution :
http://culture.revolution.free.fr/au18esiecle/Patrick-
Choupaut-Engels-et-les-sauvages.pdf

Mais un travail important comme traducteur lui tenait
particulièrement à cœur et n’avait pas non plus trouvé
d’éditeur en France, en dépit d’une présentation de Michael
Löwy et d’une préface d’Hugo Blanco. Il s’agit des mémoires
passionnantes de Juan Bastias Rebolledo, un ancien militant
chilien du MIR, racontant sa vie dans les années 1967-1973
parmi les paysans mapuches sans terre. Cette fois, c’est la
revue de théorie critique Variations qui a accueilli ce
texte et accompli le travail d’édition. Vous trouverez ce
texte et ses préfaces, y compris celle autobiographique de
Patrick qu’il avait finalement consenti à rédiger à la suite
d’amicales pressions, en allant sur ce lien :
http://theoriecritique.free.fr/pdf/4emegeneration/V4G-
Rebolledo-Choupaut_Memoires.pdf

Nous laisserons la parole finale à Patrick qui concluait
ainsi dans une ultime préface à « Engels et les sauvages »
en février 2008 : « On pense que le temps des dogmatismes
est révolu, et qu’il serait bon que tous ceux qui désirent
le communisme libertaire y travaillent ensemble en oubliant
les vieux réflexes sectaires. Est-ce trop demander, ou trop
tôt ? ».


L’IMAGIER DU BONHEUR
L’exposition « Carl Larsson, l’imagier de la Suède » se
déroule au Petit Palais à Paris jusqu’au 7 juin. Elle ne
doit pas être boudée sous prétexte qu’elle est sponsorisée
par Ikea. L’artiste n’y peut rien puisqu’il est né en 1853
et mort en 1919. Pour être précis, Larsson est plutôt
l’imagier du bonheur dans un coin de la Suède. Mais avant de
s’installer à Sundborn au nord de Stockholm avec sa femme
Karin qui était également peintre, il avait tenté de percer
en France en rejoignant une colonie d’artistes scandinaves
et anglo-saxons près de Barbizon. Tous peignaient sur le
motif, comme leurs collègues français impressionnistes. Nous
avons de cette période quelques beaux paysages de Larsson
qui font songer à la manière fluide et vivace de Berthe
Morisot.

Après des tentatives pour être reconnu comme grand peintre
ayant des commandes officielles en France puis en Suède,
c’est finalement dans un genre plus modeste et plus intime
que Carl Larsson va se révéler grand dessinateur et grand
aquarelliste. Sa femme Karin, qui a eu de nombreux enfants,
a renoncé à peindre mais a continué à être une artiste en
mettant en scène la vie quotidienne familiale avec un
mobilier particulier, des tapisseries et des apparentements
de couleurs vives et douces que son mari va se régaler à
peindre. Karin Larsson s’était en fait inspirée librement de
la démarche de William Morris et de ses amis anglais pour
mettre de l’art dans tout ce qui constituait son cadre de
vie. Les personnages qui inspirent Larsson sont les membres
de sa famille, sa femme, ses enfants, la nounou, dans
diverses circonstances, la pêche aux écrevisses, un repas en
plein air, l’attente des cadeaux à Noël ou la célébration
d’un anniversaire.

Tout pourrait être gentiment niais et ce n’est absolument
pas le cas. Larsson avait un tempérament tonique et comme un
appétit de bonheur à la suite d’une enfance où il avait
connu la pauvreté et la maltraitance de son père. Il croque
les attitudes de ses enfants avec une précision incroyable
et un humour délicieux. Il a aussi une franchise roborative
dans sa façon de peindre la nudité, que ce soit celle de ses
enfants, d’un modèle féminin en sous bois ou celle d’un
athlète coiffé d’une casquette à carreaux.


JOURS DE LUMIÈRE
Pour compléter ou pour remplacer la visite de l’exposition
au Petit Palais, nous recommandons le livre peu coûteux,
« Carl Larsson, Aquarelles et dessins » (éd Taschen), avec un
texte de Renate Puvogel qui donne toutes les informations et
tous les éclairages qu’on peut souhaiter sur cet artiste.
Les reproductions sont en plus de bonne qualité et réjouissent
l’oeil.

Pour découvrir sous une forme romanesque le contexte dans
lequel s’est développé le talent de Carl Larsson et de ses
amis scandinaves qui formèrent une colonie en France dans un
village sur le Loing, on lira avec plaisir « Sundborn ou les
jours de lumière » de Philippe Delerm (Folio, 1998). L’auteur
a adopté une forme épistolaire où quelques protagonistes de
cette aventure artistique proche de l’esprit des
impressionnistes nous emmène des paysages de Grez-sur-Loing
à ceux de Skagen au Danemark, chez Monet à Giverny et enfin
à Sundborn en Suède dans la famille de Carl et Karin
Larsson. C’est une évocation sensuelle et touchante qui
donne envie de se promener dans la nature et éventuellement
de sortir ses pinceaux.


IN SITU
Depuis la dernière lettre de mars, nous avons mis en ligne
un texte intitulé « Une poussée du FN, vraiment ? ».


Bien fraternellement à toutes et à tous, 

Samuel Holder

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