Béton

de Thomas Bernhard

Éditions L'Imaginaire/Gallimard (janvier 2004)
Roman traduit de l'allemand, 158 pages

Rudolf vit seul dans une grande maison cossue de la campagne autrichienne. Il a largement dépassé la quarantaine et il est toujours harcelé par une maladie rare et grave qui provoque parfois des étouffements et de façon générale une grande fatigue. Cette maladie, le morbus boeck, n'est pas la seule cause de la solitude du narrateur et de son extrême malaise. Depuis des années il écrit des articles sur de grands compositeurs qu'il affectionne particulièrement. Il tente à présent d'écrire une étude sur Mendelssohn-Bartholdy sur lequel il a amassé une documentation surabondante. Mais la foule des obstacles psychologiques qu'il a intériorisés bloque son projet. Il ressasse de sombres pensées qui alimentent en permanence son dégoût, sa colère et son découragement.

Il est évidemment impossible pour lui de travailler en présence de sa sœur aînée, une femme d'affaires mondaine et sarcastique qui le domine et le dévalorise avec entrain. Mais lorsqu'elle vide les lieux pour regagner Vienne, comment ne pas craindre son retour inopiné ? Comment se débarrasser de sa présence écrasante, envahissante ? Comment ne plus penser à elle et à tous ces acteurs hypocrites de la comédie sociale où se retrouvent pêle-mêle les représentants de l'Église catholique, les politiciens du Parti socialiste autrichien, les journalistes, les spéculateurs et tous ces gens qui prétendent se sacrifier pour les pauvres « uniquement à cause de leur désir de gloire personnelle. » Il abhorre « ce monde qui croule sous les milliards et où le Secours catholique feint d'être charitable » en ramassant les dons des riches, comme sa sœur. Ce sont des gens qui font ainsi un placement pour se faire passer avec ostentation pour généreux et aimant leur prochain. Quant au gens du peuple, « les gens simples », il a eu l'occasion de découvrir que ce sont « les gens les plus compliqués qui soient ».

Les vitupérations permanentes de Rudolf contre toutes les impostures et contre sa propre faiblesse se développent en boucles et en spirales, avec une verve ahurissante et une lucidité implacable.

Pour engager enfin son travail et endiguer sa maladie, il envisage d'entreprendre un nouveau voyage à Palma. Le climat des Baléares lui sera-t-il salutaire ? A ce moment du récit vient s'enchâsser une autre histoire qu'il n'est pas question ici de révéler, une histoire qui intervient en contrepoint, comme un thème musical, simple, dramatique et profond.

Le 23 mars 2004

Samuel Holder

< < O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/critiques/Thomas_Bernhard-Beton.html

Retour Page d'accueil Nous écrire Haut de page