Dégraissez-moi ça !

Petite balade dans le cauchemar américain

de Michael Moore

Éditions La Découverte
210 pages

Ce livre mettra de bonne humeur toutes celles et toutes ceux qui se battent contre leur patron en particulier, les capitalistes en général et tous les politiciens à leurs bottes. Au passage ils y apprendront pas mal de choses sur la vie sociale et politique aux Etats-Unis.

Dans sa préface à l'édition française, l'auteur se présente lui-même : « Mon père était ouvrier de l'industrie automobile. Je n'ai pas de diplômes universitaires. Vous n'aurez pas souvent l'occasion d'entendre l'opinion d'un Américain dans mon genre. » Profitons-en car cela décoiffe dans le bon sens, celui de la lutte des travailleurs contre ceux qui les exploitent et les licencient. Il est réjouissant de constater que la tournée de promotion aux Etats-Unis de son livre a été un grand succès relayé ensuite par celui de son film « The Big One ». Son film précédent « Roger et Moi » était une dénonciation au vitriol de la façon dont General Motors à fait basculer toute la population travailleuse de Flint dans la misère.

Ce livre ne fait pas double emploi avec le film « The Big One » mais procède du même humour féroce. Puisque ce système basé sur la recherche du profit maximum est absurde et délirant, pourquoi ne pas pousser sa logique à fond les manettes pour le clouer au pilori ? C'est ce qui amène Michael Moore à suggérer que General Motors vende du crack, ce qui serait plus rentable que de vendre des voitures. Détournant le langage des réactionnaires, il s'en prend à ces « assistés », ces « feignants » et ces « parasites », les capitalistes bien sûr, qui empochent chaque année 170 milliards de dollars, rien que de la part de l'Etat fédéral américain, au titre de « l'aide aux entreprises ».

Personne n'est obligé d'apprécier toutes les plaisanteries de Mike mais tout le monde a le droit d'en rire de bon cœur. Dans le contexte politique et médiatique des Etats-Unis où les politiciens et lobbys réactionnaires sont omniprésents, certaines de ses facéties sont moins anodines qu'il n'y paraît pour un lecteur non-américain.

Son point de vue politique est celui d'un radical progressiste. Il n'est pas révolutionnaire. Personne n'est parfait. Mais un homme qui propose « dix façons de dégraisser les patrons » et écrit : « C'est au tour des patrons de trembler pour leur emploi » ne peut être entièrement mauvais. D'autant plus qu'il ne se contente pas de dénoncer mais encourage tous les salariés à s'organiser syndicalement et à agir sans relâche contre les patrons. Mais il est vrai que sur la question des délocalisations, Mickael Moore n'est pas très convaincant, aussi bien dans son livre que dans « The Big One ». Il faudrait être de mauvaise foi pour l'accuser de nationalisme, d'autant plus qu'en matière d'immigration, il est pour laisser entrer tout le monde aux USA, « sauf les fachos ». Cependant il n'échappe pas à un point de vue plus ou moins protectionniste à l'égard des travailleurs de son pays ou de sa région. Pour dépasser cette position étroite, il faut concevoir la lutte des travailleurs à l'échelle mondiale, comme celle d'une seule et même classe sociale. C'est d'ailleurs une question qui se pose à tous les syndicalistes, en France, aux Etats-Unis comme partout : protectionnisme ou internationalisme, il faut choisir.

Au fait, les révolutionnaires non plus ne sont pas parfaits. Même si nos idées sont vraiment les meilleures pour changer le monde, nous ne sommes pas très à l'aise dans l'emploi de cette arme qu'utilise Michael Moore contre les exploiteurs-licencieurs : l'humour corrosif qui contribue à ne pas se laisser dominer par ces gens-là.

Pour aller un tantinet dans cette direction, il faut lire et faire lire « Dégraissez-moi ça ! ».

Le 13 septembre 2000

Samuel Holder

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