Taxi

de Khaled al Khamissi

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Actes Sud, 2009
190 pages, ISBN 978-2742785414

Merveilleux petit livre qui en 58 conversations dans quelques-uns des 80 000 taxis du Caire raconte et décrit la vie égyptienne des années 2005-2006.

58 dialogues dans une langue populaire pleine de blagues et d'humour, où les chauffeurs de taxi, qui ici, représentent la rue, le peuple égyptien, racontent leurs vies, leurs difficultés, les humiliations quotidiennes, la misère, leurs colères et leurs rêves au temps de Moubarak. La dédicace du livre, non traduite en français, disait : « À la vie qui habite les mots des pauvres gens, pour dissoudre le néant qui nous habite depuis longtemps. »

C'est la jeune femme voilée jusqu'aux yeux, qui se change dans le taxi pour mettre mini jupe et bas résilles afin d'aller à son travail de serveuse dans un café. C'est ce chauffeur de taxi qui ne connaît pas les rues parce que c'est son deuxième ou troisième travail de la journée. Ce sont le plus souvent ces commentaires sur la politique, le sport, l'éducation des enfants pour lesquels on se saigne mais qui ne sert à rien puisqu'il n'y a pas de travail au bout des études, c'est ce monde où demain les jeunes vivront moins bien qu'aujourd'hui, c'est la peur permanente de la police, les hantises de l'administration, la corruption omniprésente...

Et pourtant, ce livre est plein d'optimisme. Il y a l'humour bien sûr qui permet aux égyptiens de tout supporter. A défaut de pouvoir lutter, on rit. On rit de tout. On rit ensemble. Et en lisant ce livre, dans chacun de ses chapitres de une ou deux pages, on passe des larmes au rire, du conte moral à la brève de comptoir, de la description sociologique la plus fine aux commentaires autour d'un match de foot, d'une nouvelle de Pirandello à une autre de Maupassant.

On se dit en lisant ce livre après la révolution de 2011 qu'il était prémonitoire, tellement la révolte et l'espoir sourdent de chacune de ces nouvelles, même les plus noires. La seule question qu'on se pose c'est : est-ce que ces chauffeurs de taxi, et le petit peuple qu'ils représentent, étaient place Tahrir, se sont sentis entièrement représentés par ce qui s'y passait ? Parce que les critiques qu'ils font du régime et de son président dans ces 58 saynètes recouvrent toutes l'espoir d'une vie meilleure pour les plus pauvres, une dimension sociale révolutionnaire explosive valable pas seulement pour l'Égypte mais pour la planète entière.

L'auteur a prévu de publier un livre sur la place Tharir en septembre de cette année. Vivement septembre !

Le 30 mars 2011

Jacques Chastaing

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