Lorsqu'on s'engage dans la lecture de ce livre, on ne part pas pour une
petite promenade tranquille mais pour une grande pérégrination dans les espaces du
nord du Middle West et de la Californie, avec même une incursion au Sud de la Floride. Ce
roman opère également une plongée vertigineuse dans l'histoire des
Etats-Unis depuis plus d'un siècle ; plus particulièrement à
l'époque des guerres contre les peuples indiens entreprises à la fin du
XIXe siècle. Il montre que les plaies anciennes de l'Amérique sont
toujours vivaces.
Nous sommes en 1986 dans une ferme prospère du Nebraska, avec ses chevaux, ses chiens, ses
oies mais aussi ses serpents et ses coyotes qui rodent aux alentours. Dalva est une
Américaine de 45 ans, belle, toujours active, toujours prête à monter sur sa
jument pour un long périple, toujours prête à prendre un avion pour New York ou
San Francisco pour régler un problème ou prendre un emploi. Elle a " un
huitième de sang indien " dans les veines. Sa mère Naomi a grandi dans une
famille pauvre pendant la Dépression des années trente et elle a épousé
un fermier en partie d'origine indienne qui s'est maintenu à flots et est devenu
riche. Le père de Dalva est mort pendant la guerre de Corée.
Dalva a exercé plusieurs métiers surtout sociaux en milieu urbain. Les horreurs
d'une société détraquée par le pouvoir de l'argent et la
misère qu'il entraîne, elle connaît de première main. Un de ses
employeurs donne cette appréciation sur elle : " femme énergique, efficace et
chaleureuse, dépourvue de toute qualité de chef. " A un moment de sa vie, Dalva
porte cette appréciation sur elle-même : " j'étais trop impulsive et
uniquement préoccupée du présent ; moyennant quoi je me
désintéressais vite de toute stratégie globale. " (page 345).
Plusieurs quêtes douloureuses sont menées en parallèle : pour Dalva, celle du
jeune Indien, Duane, qu'elle a aimé passionnément et celle du fils qu'elle
avait eu avec lui à l'âge de seize ans, abandonné à une famille
adoptive. Michael, universitaire cynique, alcoolique et drôle, mène
l'enquête sur le passé sioux de la famille de Dalva, jalousement
préservé jusqu'alors des curiosités malsaines.
Jim Harrison parle des êtres humains avec autant de fougue, de
générosité que de délicatesse. Il rend leurs relations avec
l'histoire, les paysages et les animaux du grand ouest américain de façon
très prenante.
Ceux qui auront aimé " Dalva " doivent savoir ce qu'il leur reste à
faire : lire " La route du retour " (en 10/18) qui en est la suite tout aussi
passionnante.
Le 27 juin 2000
Samuel Holder