Titanic et autres contes juifs de Bosnie

d'Ivo Andric

Éditions Le Serpent à Plumes
Recueil de nouvelles, 199 pages

« Titanic » est le titre de la dernière et peut-être de la plus éprouvante des dix nouvelles de ce recueil mettant face à face un oustachi pitoyable venu terroriser un petit cabaretier juif. Trois histoires sont extraites de romans du même auteur « La Chronique de Travnik » et « Un pont sur la Drina ».

L'ensemble de ces histoires se dévore très vite et constitue une fresque sur le destin des Juifs de Bosnie, principalement séfarades : depuis leur expulsion brutale d'Espagne au XVIe siècle jusqu'à leur massacre par les nazis et leurs alliés oustachis pendant la Deuxième guerre mondiale. Certaines nouvelles sont comme teintées d'une couleur dorée qu'on retrouve chez un autre conteur balkanique, Panaït Istrati. Elles allient parfois humour et vérisme.

Les portraits très ramassés sont à la fois à l'eau forte et plein de délicatesse. Les personnages sont très variés, passant de l'amour de la vie à la déchéance, du jeu à la peur. Pour certains, il y a la reconquête permanente d'une dignité.



Le 4 septembre 2001

Hélène Dujardin

Voici quelques phrases extraites de ce livre :

Les Séfarades de Sarajevo :

« C'était une petite communauté, fermée par la force des circonstances et par ses propres habitudes, où il y avait de la fortune durement acquise, gardée avec peine et toujours menacée, et, beaucoup plus encore, une misère noire. » (page 13)

Progrès du mouvement ouvrier dans l'Empire austro-hongrois :

« Il est devenu socialiste ! So-ci-a-li-ste ! Comme si ce n'était pas suffisant d'être juif ! Ô grand Dieu, Dieu unique, qu'ai-je fait pour que tu me punisses ainsi ? Socialiste ! » (page 85)

«Au-dessus de la clôture renversée fleurissait un sureau aux branches enchevêtrées répandant une odeur capiteuse qui me semblait être l'odeur même de la vie. » (page 96)

Après la Première guerre mondiale :

« Il parlait d'un ton caustique et désespéré d'un homme qui a beaucoup perdu et qui peut désormais dire ce qu'il veut, en sachant bien que c'est sans aucun risque, mais que cela ne sert à rien. » (page 98)

La Bosnie en 1920 :

« Vous êtes pour la plupart habitués à réserver toute la force de votre haine à ce qui est près de vous. » (page 106)

« Car ce pays pauvre et arriéré où vivent entassées quatre religions différentes aurait besoin de quatre fois plus d'amour, de compréhension mutuelle et de tolérance que les autres pays. » (page 107)

Avant l'invasion de la Yougoslavie par les nazis :

« On plaisante beaucoup plus, en Bosnie, que ne pourrait le croire l'étranger qui regarde le pays par les fenêtres d'un train. Mais la plaisanterie est pesante et rude ; sans joie, si l'on peut dire ; accablante pour qui en fait les frais, elle montre que son auteur lui non plus n'a pas la vie facile. » (page 145)

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