Le titre original de ce roman est « Depuis les licenciements » (Since the
Layoffs). L'éditeur français lui a substitué « Un petit boulot »
mais ce titre convient bien aussi. Après une vague de licenciements qui a complètement
sinistré une petite ville, en l'occurrence américaine, il faut bien se résigner
à chercher un petit boulot.
Jake est un jeune qui est en train de tout perdre, son travail qualifié, sa petite amie, son
branchement au câble, ses appareils ménagers et bientôt probablement le respect le plus
élémentaire de lui-même. Jake est prêt à accomplir n'importe quel petit
boulot plutôt que de sombrer. Son copain Tommy est prêt à le dépanner en
l'embauchant dans le petit drugstore-station à essence dont il est le gérant. Jake retrouve
la sensation d'un travail épuisant mais en plus mal payé. Douze heures par nuit à
remplir des pots de café, laver par terre, remplir les présentoirs et gérer certains
clients mauvais coucheurs. Tommy travaille tout autant, avec l'angoisse d'être viré par
la hiérarchie de la chaîne Gas'n'Go si les profits générés par son
magasin sont jugés insuffisants. Sans parler de toutes les règles commerciales,
sécuritaires et légales qu'il faut appliquer scrupuleusement pour ne pas avoir
d'ennuis. « Je trouve bizarre que toutes ces règles soient appliquées de
façon plus stricte que jamais, alors que la ville est devenue pratiquement une poubelle. On pourrait
penser que ces choses-là n'ont plus d'importance, qu'on devrait nous laisser tous nous
effondrer en paix. Mais non. Les règles sont les règles. » (p. 49)
Là où plus grand-chose ne fonctionne, il y a encore la police qui est en état de marche.
Et les mafieux.
« Dans une ville où les trois quarts des hommes ont été licenciés au
cours des neuf derniers mois, les affaires qui profitent du désespoir sont florissantes. »
(p. 12) Le bookmaker Ken Gardocki a un bon job peu fatigant à proposer à Jake. S'il
était prêt à tuer certaines personnes avec la même conscience professionnelle
qu'il avait dans l'usine de pièces de tracteurs qui l'a licencié, il
épongerait ses dettes de jeux et pourrait s'en sortir rapidement.
Problème moral ? Non, dans un monde où les gros bonnets de la finance peuvent saccager la vie
de toute une ville sans état d'âme ni choc en retour, la morale a été
liquidée avec le reste. Ce qui ne veut pas dire que Jake est devenu un tueur qui a perdu « tous
ses repères ».
On lira avec plaisir cette histoire pleine de colère ironique contre l'injustice sociale.
Rire (noir) garanti.
Le 29 octobre 2004
Samuel Holder
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