Encore une femme noire américaine et non des moindres, la
pianiste et chanteuse Nina Simone. Soit dit pas du tout en
passant, elle a une trajectoire qui a croisé celle d’Angela
Davis. Dans « Nina Simone, roman » de Gilles Leroy (éd
Mercure de France, mai 2013, 267 pages) la tragédie de
Birmingham est un épisode qui a marqué douloureusement cette
artiste et lui a inspiré une chanson, « Mississipi Goddam ».
Elle aussi s’est engagée courageusement dans le mouvement
des Droits civiques pendant des années mais l’a aussi quitté
dans l’amertume.
Gilles Leroy a réussi dans ce roman à faire vivre Nina
Simone sous notre regard de façon extrêmement crédible. Les
faits constitutifs de son existence tourmentée sont par
ailleurs connus et elle a elle-même écrit son
autobiographie. Mais l’invention romanesque permet de vibrer
et souvent de rire avec la diva, « la grande prêtresse soul »,
à la fois flouée et adulée. Elle est saisie dans les
dernières années de sa vie quand elle s’était réfugiée dans
une villa dans le sud de la France, entourée d’ « anges
gardiens » qui ne songent qu’à l’arnaquer jusqu’à ce que
mort s’en suive, avec l’aide de l’alcool, de médicaments et
d’une rage insurmontable.
C’est presque du début à la fin, Nina Simone qui parle et
revisite sa vie, sa carrière, celle dont elle n’avait pas du
tout rêvée. Car la gamine surdouée voulait devenir une
grande pianiste classique et non pas une chanteuse. Un gros
soupçon de racisme a brisé ses ambitions quand elle a été
refusée à un concours où elle avait interprété les trois
compositeurs qu’elle adorait par-dessus tout, Bach, Chopin
et Debussy.
Ces influences pianistiques, l’amateur de belle musique
prenante, émouvante, les découvrira après avoir refermé ce
roman qui sonne fort et juste, en écoutant un des premiers
albums de Nina Simone, « My Baby Just Cares for Me ». Elle
n’aimait pas cette chanson, précisément parce qu’elle n’a
jamais trouvé un homme prenant soin d’elle.
Le 16 mai 2013
Samuel Holder
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