Ça y est enfin ! David Venegas Reyes « el Alebrije1 », membre du Conseil de l'APPO, militant de VOCAL (Voix oaxaquègnes
construisant autonomie et liberté), adhérent à l'Autre campagne (d'inspiration
zapatiste), a été libéré en fin d'après-midi (heure locale) mercredi 5
mars.
Cela faisait 11 mois qu'il était emprisonné au pénitencier d'Ixcotel, à
Santa Lucía del Camino, cette commune de la banlieue d'Oaxaca où a été
assassiné Brad Will. Son cas représente un parfait exemple de l'utilisation très
personnelle de la justice par le malgouverneur Ulises Ruiz Ortiz (URO), ou Ulises « Ruin » (vil,
bas) comme l'appelle VOCAL.
David avait été arrêté (enlevé, à vrai dire) le 13 avril 2007.
Heureusement pour lui, l'enlèvement avait eu un témoin, l'avocat Isaac Torres Carmona,
ce qui avait empêché que David ne disparaisse purement et simplement, comme tant d'autres.
Il avait été copieusement et longuement torturé, puis accusé de port d'armes
et de trafic de drogue. Pour faire bon poids, on l'avait aussi accusé de l'incendie du palais
de justice lors de la manifestation du 25 novembre 2006 ; on se souvient que cet incendie avait fort
opportunément détruit les dossiers comptables qui devaient permettre l'audit financier de
l'administration Ruiz Ortiz (voir note n° 19).
Ces accusations ne tenaient visiblement pas debout. David n'avait pas tardé à obtenir un
amparo fédéral. L'amparo (« protection ») est une sorte de
recours lointainement inspiré de l'habeas corpus anglosaxon, qui accorde la
« protection » de la justice fédérale à quelqu'un qui a
été manifestement accusé à la légère par la justice d'un
État. En l'occurrence, l'amparo ordonnait la remise en liberté
immédiate de David.
Le juge fédéral avait trouvé infondées les accusations imputées à
David ? Qu'à cela ne tienne ! Un juge local aux ordres en avait aussitôt fourni de
nouvelles, assorties d'un nouveau mandat d'arrêt. Que ces nouvelles accusations soient aussi
fantaisistes que les précédentes n'avait guère d'importance ; tout ce qui
comptait était de garder David en prison.
Et c'est ainsi qu'à quatre reprises, David a obtenu un amparo, et qu'à
chaque fois, pour le maintenir en détention, on a changé de chefs d'inculpation. Ceux-ci ne
vous plaisent pas ? Bon, je remballe, en voilà d'autres. L'exemple de David pourra rester dans
les manuels de droit pour illustrer ce qu'on appelle l'acharnement judiciaire !
La dernière fois, cependant, a été celle de trop. La juge de Tlacolula de Matamoros,
María de los Ángeles Vásquez García, s'est-elle trop précipitée
mardi dernier en rédigeant un nouveau mandat pour « attaques dangereuses » et
« résistance de particuliers », accusations qui figuraient déjà dans le
dossier précédent ? Toujours est-il que le tribunal fédéral a confirmé son
amparo et ordonné la mise en liberté immédiate de David.
Lors du meeting improvisé qui l'a accueilli à sa sortie de prison, Davis a
déclaré : « Je suis heureux d'être avec vous et prêt à continuer
la lutte pour un Oaxaca de justice et de liberté ». Il a ajouté qu'il sortait en
toute dignité, et capable de « regarder dans les yeux » parce qu'il n'a pas obtenu
sa liberté « par une concession du gouverneur, ni par une négociation sous la
table ».
Il est vrai que David n'a jamais courbé l'échine. Malgré le chantage d'URO
sur sa famille (voir note n° 20), il avait refusé de plier et écrivait,
dans une lettre du 2 mai 2007 : « Je me dis qu'il vaut mieux être prisonnier politique que
domestiqué et prisonnier au service du gouvernement ». Ses nombreuses lettres de prison, dont
une bonne partie au moins a été relayée par la liste de diffusion oaxacalibre@no-log.org , ont toujours attesté d'un moral
inébranlable.
Alors, même si on sait que cette libération n'est pas la fin de ses soucis, puisqu'il
reste encore sous le coup de certaines accusations et devrait passer en procès un jour, ne boudons pas
notre plaisir : félicitations, David, et bienvenue parmi les tiens !
6 mars 2008
Patrick Choupaut
1 Surnom intraduisible : l'Alebrije est une sorte de lutin né de la tradition populaire oaxaquègne.URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/solidarite-internationale/2008-03-09-Oaxaca-Note-27.html