Culture & Révolution

Sommaire

Liste par thèmes

Journal de notre bord

Lettre no 174 (le 2 février 2017)

Bonjour à toutes et à tous,

L'humanité est confrontée à une catastrophe silencieuse
et en grande partie invisible. En règle générale, les
différentes formes de pollution ne se voient pas (ou si
peu) et ne font aucun bruit. Les pesticides, les radiations
nucléaires, les additifs nuisibles dans l'alimentation, les
ondes électromagnétiques ou les nanoparticules sont d'une
parfaite discrétion qui permet à une infime minorité
d'individus de s'enrichir sans vergogne et sans limites.
Par contre les effets des diverses pollutions commencent à
affecter un très grand nombre d'êtres humains à
l'échelle planétaire. On assiste à une véritable
explosion des cancers, des diabètes, des allergies
invalidantes, des accidents cardiaques et des pathologies
pulmonaires et neuronales.

Simultanément, certains amusent la galerie médiatique en
s'extasiant sur les perspectives riantes du transhumanisme,
c'est-à-dire de la gadgétisation du corps humain qui
serait « augmenté » grâce aux nouvelles technologies.
Laissons pour l'instant le « philosophe » Luc Ferry ou
le « scientifique » Joël de Rosnay à leur enthousiasme
aussi puéril qu'irresponsable. La perspective qu'une
poignée de richards et d'hommes d'État comme Donald Trump
puissent vivre jusqu'à 150 ans, en étant en pleine forme
et avec des pouvoirs de nuisance augmentés, n'a rien de
particulièrement enchanteur. Ceci dit, je ne mets pas en
doute que ce soit possible. La capacité à inventer des
choses stupides ou monstrueuses est a priori sans limite à
partir du moment où elle permet de faire bondir les
profits.

Revenons à ce qui est certain et pas seulement possible, et
qui concerne plusieurs milliards d'individus dont les
capacités, loin d'augmenter, sont de plus en plus en voie
de diminution à cause de maladies, de handicaps et même de
malformations chez les bébés. En effet, nous subissons un
système qui est en train de nous asphyxier et impacte
déjà en profondeur notre corps, notre qualité de vie, et
malheureusement aussi notre façon d'envisager ces
problèmes. Sous prétexte de refuser le catastrophisme,
l'indifférence ou le fatalisme sur ces questions
accompagnent largement ce processus dévastateur.

En première ligne, comme victimes de ces agressions
silencieuses et invisibles, se trouvent les ouvriers.
Viennent ensuite les agriculteurs et certains artisans. Que
ce soit dans le secteur de la chimie, de la pétrochimie, du
nucléaire, de la métallurgie, du bâtiment, des transports
ou de l'agroalimentaire, les ouvriers sont en contacts
permanents avec des agents polluants. À titre d'exemple
bien connu, si des personnes de diverses catégories
sociales ont pu être touchées par les effets de l'amiante,
ce sont cependant les ouvriers et les ouvrières qui ont
été et sont encore les plus frappés. Le capitalisme
détruit une bonne partie de la classe ouvrière, au sens
matériel le plus palpable, sans parler des très nombreux
accidents du travail et des conséquences du stress ou de la
fatigue.

Étant les plus gravement atteints par toutes les formes de
pollution engendrées par l'économie de profit, les
ouvriers et ouvrières, les agriculteurs et agricultrices
devraient théoriquement être en première ligne dans la
lutte contre la pollution puisque c'est leur santé et même
leur vie qui est en jeu. Ce n'est pas le cas. Il est
important de comprendre pourquoi. Un chantage permanent
s'exerce sur eux. Il faut bien gagner sa croûte comme on
dit, c'est l'évidence même pour tout le monde. Dénoncer
les entrepreneurs qui polluent, c'est se retrouver très
vite licencié. Ce serait même subir les reproches et
pressions de ses collègues : « Tu veux couler la boîte
ou quoi ? Tu veux que le tôlier délocalise et qu'on se
retrouve tous à Pôle Emploi ? » Du coup, même les
syndicalistes les plus combatifs ne se sentent pas trop
l'envie de mettre les pieds dans le plat. Alors les
salariés encaissent en silence, ils en tombent malades et
parfois ils en meurent, assez souvent avant la retraite ou
quelques mois après.

Il en va de même dans le secteur agricole. Il est déjà
tellement difficile de survivre financièrement pour nombre
de fermiers ou d'éleveurs que non seulement ils sont les
premiers à réclamer des assouplissements dans les règles
européennes (coûteuses pour eux) en matière sanitaire,
mais ils considèrent trop souvent comme des traîtres les
rares hommes et femmes de leur profession qui ont dénoncé
la dangerosité des produits cancérigènes épandus sur les
champs ou dans les vignobles. Qu'on soit salarié ou
auto-exploitant de soi-même, nous sommes pris à la gorge
par la nécessité de gagner suffisamment d'argent pour
vivre. Le capital nous fait taire et nous discipline ainsi
efficacement.

Il faut insister sur le fait que la condition salariale
suppose un contrat implicite donnant le droit aux patrons de
s'en prendre à la santé de leurs employés, avec rarement
des mobilisations importantes en retour sur ce terrain. En
règle générale, les travailleurs se sentent plus
légitimes pour s'engager dans des luttes afin d'obtenir de
meilleurs salaires ou empêcher des licenciements que pour
exiger que leur santé soit préservée. Ils savent, là
encore implicitement, que sur ce plan, ils ont peu de
chances d'être efficaces ; car d'ailleurs le problème
dépasse largement le cadre de leur entreprise. C'est aussi
une des raisons majeures pour laquelle nous devons maintenir
la perspective de l'abolition du salariat à l'échelle
mondiale.

Mais la catastrophe silencieuse provoquée par les pollueurs
capitalistes ne s'arrête pas aux producteurs. Elle atteint
les consommateurs et tous ceux qui doivent respirer l'air en
zone urbaine ou près des axes routiers et des zones
d'épandage. Elle touche les gens à la campagne qui vivent
à proximité des champs et vignobles gorgés de produits
toxiques. Dès qu'on entre dans la sphère de la
consommation, et non de la production où les ouvriers et
ouvrières ruinent et gâchent leur existence, une
inquiétude et des protestations commencent à sourdre avec
plus de vigueur par le biais de l'intervention d'activistes
et d'enquêtes de scientifiques et de journalistes
indépendants qui ne sont pas légions mais qui commencent
à alerter une petite partie de la population. Au passage,
nous vous recommandons à nouveau la lecture éclairante de
l'enquête de Roger Langlet, « Nanotoxiques »(Actes Sud,
2014), sur la toxicité des nanoparticules que cachent
soigneusement les groupes industriels, les institutions
étatiques et européennes et certains scientifiques payés
grassement pour mentir ou enterrer les recherches qui
pourraient être probantes et inquiétantes.

Il est urgent de tourner le dos aux politiciens qui
n'abordent même pas ces problèmes et qui se contentent
d'un petit discours sur « la nécessité de la transition
énergétique », sans bousculer les intérêts des
capitalistes, bien sûr.

Il est surtout urgent de créer une coopération efficace
entre salariés, consommateurs et scientifiques honnêtes.
___________________________________

Trumpisme et grand capital
Une histoire de fantômes
L'usine nuit et jour
Stoner
In situ
___________________________________

TRUMPISME ET GRAND CAPITAL
Nous abordons à présent une forme de catastrophe qui est
tonitruante et qui nous saute aux yeux. Elle risque
d'envahir notre actualité pendant un bon moment. L'accès
au pouvoir aux États-Unis d'un petit gang de milliardaires
d'extrême droite est qualitativement encore plus grave que
celui d'un Reagan ou d'un Bush. Il révèle l'émergence
d'un phénomène politique qu'on pourrait appeler le
trumpisme et qui trouve déjà son expression dans bon
nombre d'autres pays.
Plusieurs chefs d'États réactionnaires comme en Russie, au
Royaume-Uni, en Israël ou au Japon, ainsi que toutes les
formations d'extrême droite en Europe et ailleurs, se sont
réjouis de la victoire de Trump. L'étudiant qui a
massacré six personnes dans une mosquée à Québec était
cohérent dans ses convictions : il admirait à la fois
Donald Trump et Marine Le Pen. On voit quels peuvent être
les effets d'une telle fascination.

A la réflexion, Donald Trump apparaît comme la figure
idéale pour incarner sans fard le capital dans le moment
historique actuel. Dans son style, cet Ubu Roi hystérique a
sans doute eu des prédécesseurs dans l'empire romain ou au
début du XIXe siècle avec le président Andrew Jackson.
Mais si on s'en tient à notre époque, d'autres personnages
ont inauguré cette façon de s'afficher sans retenue comme
nationaliste, raciste, xénophobe, misogyne, homophobe,
vulgaire et plein de fric.

Lorsqu'ils étaient au pouvoir, Berlusconi et Sarkozy
avaient déjà adopté en grande partie cette posture et
cette façon de mettre sans arrêt leur public sous tension
en créant le buzz en permanence par leurs décisions
réactionnaires et leurs déclarations choquantes.
Comparativement, ils pratiquaient encore un trumpisme de
petits amateurs, à la tête de petits pays. La différence
avec Trump est dans le calibre du pays et les conséquences
sur la scène mondiale. Elle est aussi dans la façon dont
il s'est emparé du pouvoir.

Il n'a pas eu besoin de s'adosser à un parti comme Sarkozy
ou Berlusconi. C'est en bravant et ridiculisant ses
concurrents dans le Parti républicain qu'il a progressé. Il
n'a pas eu besoin d'obtenir la majorité des votants comme
les règles électorales de la Ve république y obligent
celui qui veut gagner au deuxième tour. Trump est
président en ayant obtenu 2,8 millions de voix de moins
que Hillary Clinton. Sans pousser plus loin la comparaison,
ce qui serait ridicule, il faut rappeler que Hitler est
arrivé au pouvoir en janvier 1933 alors que son parti
était loin d'avoir obtenu 50% des voix aux précédentes
élections. Ceci pour faire remarquer simplement que bien
des institutions bourgeoises prétendument démocratiques
sont poreuses et laissent passer facilement vers le pouvoir
des personnages infâmes ou peu recommandables.

Sur qui s'est appuyé ce démagogue pour gagner en étant
nettement minoritaire en voix ? Pour faire vite, sur les
secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie, grande,
moyenne et petite. À quoi il faut ajouter une frange de la
classe ouvrière blanche dans certains États frappés par
les fermetures d'entreprises à qui Trump a promis monts et
merveilles.

À présent certains commentateurs semblent étonnés que
Trump tienne ses promesses avec des mesures
protectionnistes, racistes et xénophobes, des cadeaux aux
riches et la destruction de la déjà bien mince couverture
sociale des plus pauvres. Ce n'est qu'un début : si elles
ont un peu désarçonné et désappointé certains grands
patrons en Californie qui recrutent à l'échelle mondiale,
elles n'ont aucunement désespéré Wall Street. Il y a huit
jours, les « marchés » ont explosé de joie. Le Dow
Jones a battu tous ses records, de même que le Nasdaq.

Le trumpisme, avec son tournant protectionniste, donne le la
et le tempo à l'intérieur des USA et à l'échelle
internationale. Il est une forme d'adaptation de la
première puissance mondiale aux désordres mondiaux qui
risquaient de l'affaiblir en restant sur une orientation
trop libre-échangiste. Le noyau dur de la bourgeoisie des
USA rebat les cartes et se prépare à la fois à une guerre
commerciale et à des guerres tout court de grande ampleur.
Le budget de l'armée va encore augmenter. Les accords se
feront au cas par cas avec des partenaires privilégiés
comme le Royaume-Uni. L'économie de pays comme le Mexique
ou comme ceux de l'Union européenne risque de s'affaiblir
ou de sombrer dans l'opération.

C'est à des guerres encore plus brutales contre les
peuples, contre les pauvres et contre les salariés du monde
entier que Trump et ses acolytes se préparent, de même que
leurs semblables dans le monde. Car ils savent que le
système capitaliste dans son ensemble et l'économie
américaine en particulier sont fragiles et passablement à
bout de souffle, ne sachant plus où investir, comment
gratter des points de compétitivité pour maintenir la
progression des profits. Des guerres de toutes sortes sont
probables. La lutte internationale des travailleurs et des
opprimés devra prendre une nouvelle ampleur pour y faire
face.


UNE HISTOIRE DE FANTÔMES
L'Inde est un pays qui compte 1,2 milliard d'habitants. Cela 
vaut la peine qu'on s'y arrête un instant. Surtout quand
c'est la romancière et activiste Arundhati Roy qui nous en
parle dans « Capitalisme : une histoire de fantômes »
(éd Gallimard, septembre 2016, 149 pages, traduit par
Juliette Bourdin). Dans ce recueil d'essais, elle nous livre
un tableau implacable des forfaits commis par la classe
dirigeante indienne, en synergie avec les groupes
capitalistes transnationaux.

Il est assez ahurissant que la plupart des journalistes ou
des politistes parlent de l'Inde comme de « la plus grande
démocratie au monde ». Drôle de démocratie où l'armée
mène une guerre contre la population du Cachemire depuis
plus de vingt ans, ayant tué des dizaines de milliers de
personnes et en ayant mutilées et torturées 100 000.
Drôle de démocratie où au Gujurat en 2002, un massacre
programmé des musulmans a fait 1000 victimes.
L'Inde est un pays où l'armée fait la guerre aux pauvres
pour les chasser des terres récupérées par les grands
groupes capitalistes. « Deux cent cinquante mille
agriculteurs poussés dans une spirale de mort se sont
suicidés » relève Arundhati Roy dans une intervention
reproduite en conclusion devant des participants au
mouvement Occupy Wall Street. Le système du micro-crédit
qu'on ne peut pas rembourser n'est d'ailleurs pas pour rien
dans bon nombre de ces suicides.

Un des points forts et très documenté de ce livre concerne
le rôle des riches fondations occidentales et des ONG
financées par elles fonctionnant en connivence discrète
avec les autorités de l'État pour corrompre les
écrivains, les artistes, les chercheurs ou les
organisations militant sur le terrain des droits de l'homme
ou du féminisme. L'auteure écrit : « Dans l'univers
des ONG, qui a développé un étrange langage apaisant qui
lui est propre, tout est devenu un « sujet », une
question séparée, professionnalisée et portée par un
groupe d'intérêt. {…} Le financement a fait éclater la
solidarité comme jamais la répression n'a pu le faire. »
(page 51)

Ce brûlot percutant est d'autant plus appréciable qu'il
est très bien écrit, avec un sens de l'ironie qui frappe
là où ça fait mal nos ennemis et nos faux amis. Elle
écrit avec une clarté qui fait plaisir : « À un moment
donné, le capitalisme a réduit l'idée de justice aux
seuls « droits de l'homme », tandis que le rêve
d'égalité devenait blasphématoire. Nous ne nous battons
pas pour retoucher un système qui a besoin d'être
remplacé. »


L'USINE NUIT ET JOUR
Le courant de la littérature prolétarienne qui fut porté
à une époque par Henry Poulaille et Marcel Martinet est
toujours vivace. On le réduit trop souvent à une
littérature dite de témoignage alors que des auteurs,
ouvriers à forte personnalité, s'expriment de façon
originale sous la forme du roman, du récit ou de la
chronique journalière. Citons parmi eux Jean-Pierre Levaray
(« Putain d'usine », « Je vous écris de l'usine »,
éd Libertalia), Daniel Martinez (« Carnet d'un
intérimaire », éd Agone, 2003), Vincent Di Martino
(« Le Couloir de l'Horloge », éd Le Temps des Cerises,
2011) et Silien Larios (« L'usine des cadavres »
Éditions Libertaires, 2013). Les éditions Plein Chant
(www.pleinchant.fr) ont publié en septembre dernier
« L'usine nuit et jour, journal d'un intérimaire » de
Patrice Thibaudeaux. Une partie de cet ouvrage avait déjà
été publiée par le réseau « Échanges et Mouvement »
en 2012, parmi d'autres textes sur les formes de résistance
au travail. Le livre a été étoffé avec d'autres textes,
des lettres et des illustrations de l'auteur permettant de
comprendre en quoi consiste le travail dans une usine de
galvanoplastie. Cette technique permet de rendre inoxydable
la surface des métaux, en l'occurrence dans un bain de zinc
en fusion. Toutes sortes de pièces en fer ou en fonte de
différents formats doivent au préalable être soulevées,
arrimées et stabilisées avec des chaînes et des fils de
fer torsadés plus ou moins gros. Le vacarme est effroyable.
C'est un travail physique particulièrement pénible à
l'accrochage, avant le trempage dans les bains d'acide et de
zinc, mais aussi au décrochage. C'est aussi un travail qui
nécessite un grand savoir-faire, de la précision et de la
prudence pour éviter les accidents ou un surcroît de
fatigue inutile.

On reçoit en pleine figure ce qui fait le quotidien actuel
de ces ouvriers intérimaires ou embauchés en CDI. L'auteur
a une expérience professionnelle accomplie, même s'il
reste depuis des années un intérimaire, affecté de
préférence à l'équipe de nuit et aux tâches les plus
épuisantes et les plus délicates. Il a un coup d'oeil
implacable sur tout le petit monde des gens de la direction
et de l'agence d'intérim, mais aussi sans concession sur
les collègues qui sont racistes, qui tirent au flanc pour
laisser la charge de travail aux autres ou sur les
« syndicalistes » qui fayottent la direction.
Mais il y a aussi les collègues gentils, fiables, toujours
prêts à donner le coup de main. Il y a aussi les bien ou
mal lunés, les plus ou moins alcoolisés ou drogués. On se
prend à être captivé par son récit au jour le jour où
il y a bien des éléments répétitifs, y compris
dramatiques, qui finissent par donner la nausée, ce qui,
somme toute, est nécessaire pour comprendre la condition
ouvrière aujourd'hui. Patrice Thibaudeaux est anarchiste,
mais il ne nous fait aucun développement sur ses
convictions. Les faits parlent d'eux mêmes. Il nous montre
une classe ouvrière en très mauvais état physique et
moral. Un livre à lire pour nous conforter dans un objectif
commun : l'abolition du salariat.


STONER
« Stoner » de John Williams (éd J'ai lu, 2015, 379
pages) est un roman étrange qu'on aimerait pouvoir
conseiller à ses amis. Premier obstacle, avons-nous encore
des amis aimant la littérature et pas seulement les
polars ? Deuxième obstacle, ce roman raconte une histoire
triste et par les temps qui courent, avons-nous vraiment
besoin de cela ?

« Stoner », publié aux États-Unis en 1965, a commencé
à être tiré de l'oubli grâce au grand romancier Colum
McCann dont nous vous avons déjà recommandé chaudement
« Les saisons de la nuit » et « Et que le vaste monde
poursuive sa course folle ». Colum McCann est un des plus
importants romanciers actuels. Son avis élogieux sur
« Stoner » a attiré l'attention d'Anna Gavalda qui a
convaincu son éditeur d'obtenir les droits de traduction en
français. Elle a fini par traduire elle-même ce roman à
la langue puissante et subtile, avec les peines que ça
implique et l'enthousiasme que cela suppose. Le résultat
est très convaincant. Anna Gavalda dit très justement dans
sa préface que « c'est un roman qui ne s'adresse pas aux
gens qui aiment lire, mais aux êtres humains qui ont besoin
de lire. »

Il est temps d'aborder le sujet de ce roman avant que les
derniers lecteurs de cette longue lettre ne se découragent
complètement. Le héros principal, William Stoner, est le
fils unique de paysans du Middle West extrêmement pauvres,
à la fin du XIXe siècle. Le jeune Stoner réussit à
intégrer l'université du Missouri en 1910 pour suivre des
études d'agronomie, tout en travaillant dur dans la ferme
d'un cousin germain pour payer ses études.
Son parcours bifurque lorsqu'il prend conscience que sa
vocation, pas seulement professionnelle mais existentielle,
est de se consacrer à la littérature dans ce qu'elle a de
plus exaltant chez les grands poètes ou grands dramaturges
dits classiques.

C'est l'histoire d'un homme intègre, solitaire parce que la
culture telle qu'il la vit l'éloigne de sa famille, mais ne
le rapproche pas pour autant des arrivistes, élèves ou
enseignants, qui peuplent en grande partie le monde
universitaire où il deviendra professeur. Il y a quelque
chose à la fois de glaçant et de bouillonnant de passion
dans la façon dont Stoner fait face au ratage de son
mariage et aux cabales contre lui à l'université. À
travers son destin, on suit les épisodes marquants de la
première moitié du XXe siècle aux États-Unis. Au fur et
à mesure que Stoner affronte les échecs, on s'attache de
plus en plus à ce héros fier, amoureux, inexorable dans
son attachement à ce que représente la culture comme
espace d'émancipation à faire partager.


IN SITU
Le 11 novembre dernier, nous avons posté sur notre site un
texte, « USA, France : la messe n'est pas dite » de
Laurent Cavelier, qui est une contribution à une réflexion
collective nécessaire sur le phénomène des démagogues se
disant « antisystème » comme Trump ou Marine Le Pen, et
comment les combattre.

Bien fraternellement à toutes et à tous,

José Chatroussat

_______________________________________

  Pour recevoir ou ne plus recevoir
    cette lettre, écrivez-nous:

  mél. : Culture.Revolution@free.fr
 http://culture.revolution.free.fr/
_______________________________________

< O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_174_02-02-2017.html

Retour Page d'accueil Nous écrire Haut de page