Culture & Révolution

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Journal de notre bord

Lettre no 167 (le 14 septembre 2015)

Bonsoir à toutes et à tous,

Après de nombreux commentaires sur la photo traumatisante du
petit Aylan Kurdi, mort noyé comme des milliers d’autres
migrants avant lui, dans une indifférence jusqu’alors
impressionnante, la formule suivante a été fréquemment
employée : « Au-delà de l’émotion… ». Il serait peut-être
plus décent et plus juste de maintenir notre émotion bien
vivace, au cœur de notre nécessaire et impérative réflexion
sur les causes et les conséquences possibles de ce drame
majeur qui s’invite au cœur même de l’Europe, comme jamais.
Même s’il est difficile de se mettre à la place des autres,
il n’est pas interdit d’essayer. Cela peut être
éventuellement salutaire. Donc si nous essayons de nous
mettre à la place de migrants syriens, kurdes, irakiens,
afghans, libyens, érythréens, soudanais ou maliens, nous
sommes en situation de dire : « Nous sommes autant chez nous
ici en Europe que les touristes européens l’ont été dans nos
pays pendant des décennies. Ils ont toujours été bien
accueillis lorsqu’ils sont allés admirer les merveilles de
l’Afghanistan naguère, de la Syrie, de la Jordanie et de
l’Égypte, ou quand ils ont passé de belles vacances sur les
plages de Tunisie ou du Maroc, sans entendre les cris des
opposants qui se faisaient torturer. Ils ont apprécié
l’hospitalité des autochtones. Ils ont pris du bon temps
mais c’est fini.

Les beaux voyages dans nos pays du sud sont terminés.
En Égypte, l’armée ne sait pas distinguer un touriste
d’un combattant islamiste. C’est à notre tour de vous rendre
visite, mais ce n’est pas pour admirer votre patrimoine
artistique. Vous ne pouvez plus venir chez nous parce que,
nous Syriens par exemple, nous n’avons plus supporté la
dictature de Bachar al-Assad. Nous nous sommes soulevés
pacifiquement en 2011. Nous avons lutté pendant plusieurs
années, sans armes, sans soutien même moral à notre
révolution démocratique qui n’a pas eu le temps et les
conditions requises pour devenir une révolution sociale.
Et c’est à cause de cette absence d’enthousiasme et même
d’intérêt en Europe pour nos révolutions démocratiques et
laïques au Moyen-Orient et au Maghreb que vos gouvernants
ont pu saccager nos révolutions en aidant financièrement et
militairement, de façon directe ou indirecte, les forces
réactionnaires les plus barbares. »

« Nous les Kurdes, qui avons été en première ligne à Kobané
et ailleurs pour combattre Daech, l’État islamique, nous
nous faisons terriblement réprimer actuellement par les
soldats, les policiers, les snipers de Erdogan, un
gouvernant islamiste qui a reçu le feu vert de Barak Obama
et de François Hollande pour nous écraser ainsi que pour
briser les forces de gauche en Turquie ».

Si nous nous remettons à présent et momentanément dans la
peau de citoyens français, il nous faut dire que les
mouvements massifs de soutien aux migrants en Hongrie contre
l’ignoble gouvernement d’Orban, l’accueil chaleureux et
efficace de milliers de citoyens allemands et autrichiens
ont sauvé l’honneur de l’Europe que nous voulons, une Europe
de la solidarité, de l’amitié entre les peuples. Car n’en
déplaise aux germanophobes de tous poils, c’est parce que
des milliers d’Allemands se sont mobilisés spontanément,
sans calcul aucun, pour accueillir et aider le flot des
migrants désemparés, qu’ils ont forcé la main à Angela
Merkel et permis, au moins pour un temps, à quelques
dizaines de milliers de migrants d’échapper à une situation
infernale.

Mais il faut dire aussi que des centaines de bénévoles dans
plusieurs pays d’Europe, en Grèce, en Italie, en Suède ou en
France ont fait preuve et continuent de faire preuve d’un
dévouement admirable pour accueillir ces nouveaux migrants,
comme ils ont soutenu et aidé les migrants précédents sans
papiers. Deux types d’Europe se dessinent entre lesquelles
il va falloir choisir. Une Europe solidaire qui veut
supprimer les frontières, qui considère qu’il n’y a que des
êtres humains égaux devant tous vivre en bonne intelligence,
dans des conditions dignes de ce nom. En face, une Europe du
« chacun chez soi », une Europe des nantis, bardée de
barbelés et de policiers, alimentant la xénophobie et le
racisme et qui, livrée à ses égoïsmes nationaux, à ses
pulsions d’extrême droite et à ses concurrences d’intérêts
capitalistes finira par exploser en une série d’États
hostiles n’ayant plus rien en commun. On voit bien déjà à
quels affrontements misérables les gouvernants de l’Union
européenne se livrent à propos des quotas de réfugiés, quels
tris sordides et arbitraires ils entendent mettre en œuvre
entre réfugiés assimilables et immigrés économiques à
refouler dans leur pays d’origine ou au fond de la
Méditerranée.

Revenons à l’Europe solidaire, écologique et anticapitaliste
qu’il nous faut construire et étayer. L’arrivée de dizaines
de milliers de migrants supplémentaires a révélé les
réserves de générosité qui existent dans cette société.
Elle a le mérite de dévoiler toutes les hypocrisies et calculs
des politiciens. Elle peut être une chance de créer un monde
où les différences seront acceptées comme un enrichissement
humain commun, comme une opportunité pour sortir de la
prison ou de la tour d’ivoire de son « identité » nationale
ou d’ « Européen évolué » sur laquelle les migrants
devraient selon certains sagement prendre modèle.

Nous ne pouvons pas pour autant nous leurrer sur le fait que
cette arrivée massive de migrants pose des problèmes
politiques exploitables par l’extrême droite qu’il nous faut
examiner scrupuleusement et en en tirant toutes les
conséquences. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire
qu’il faut abolir les frontières, qu’il faut la libre
circulation de tout le monde et que nos gouvernants sont
condamnables car ils sont responsables de cette situation
désastreuse.

Tout cela est vrai et nous devons le dire, le répéter et
l’argumenter. Mais en rester là, c’est rester au milieu du
gué, ce qui est fort dangereux. Le dévouement des bénévoles
ne suffira pas à bien accueillir les nouveaux migrants alors
que les anciens migrants le sont déjà fort mal, que de
nombreux demandeurs d’asile en France (85 %) n’obtiennent pas
gain de cause.

Nous ne pouvons pas penser cette question indépendamment du
fait que des millions de gens en France et partout en Europe
qui ne sont pas des immigrés sont pauvres, au chômage, sans
abris, salariés précaires, salariés licenciés ou en instance
de l’être ou encore travailleurs indépendants en faillite et
tentés de se suicider. Dans une telle situation de
désespérance, les tensions identitaires et le repli dans le
cadre national est plus tentant que de mettre en commun ses
forces pour se débarrasser des responsables de cette
situation, les classes dirigeantes et les États à leur
service.

Cependant nous devons oser dire qu’il faut nous préparer
concrètement et de toute urgence à disposer d’une bonne
partie des biens, de l’argent, des habitations que possèdent
les gens fortunés et l’État sans rien en faire de
socialement utile. Nous avons besoin de prendre le contrôle
de ces biens et des ressources des classes dirigeantes pour
que les « damnés de la terre » s’unissent et améliorent
leurs conditions d’existence au plus vite.

C’est bien de cela dont nous devons avoir l’audace de
parler, de discuter, pour créer un nouveau mouvement
international à l’échelle de l’Europe dans lequel les
travailleurs, les chômeurs et les intellectuels
progressistes de toutes origines puissent se reconnaître
et agir.
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L’imaginaire de la Commune
En découdre
Voir le voir
Quinze ans
In situ
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L’IMAGINAIRE DE LA COMMUNE
La Commune de Paris de 1971 n’en finit pas de vivre et
d’être une source d’inspiration. « L’imaginaire de la
Commune » de Kristin Ross (éd La fabrique, janvier 2015,
186 pages) apporte des éléments nouveaux ou négligés,
et surtout il relance l’intérêt pour cette expérience
collective hors normes. Nous avions déjà attiré l’attention
sur un autre livre original de Kristin Ross sur la Commune,
« Rimbaud, la Commune de Paris et l’invention de l’histoire spatiale »
(voir lettre n° 159 du 7 juillet 2014).

Dans ce nouvel ouvrage sur la Commune, elle entend se
dégager de « l’histoire officielle dictée par le communisme
d’État d’un côté, et l’histoire nationale de la France
républicaine de l’autre. » (p. 10) On ne peut que se réjouir
qu’elle veuille explorer toute la dimension novatrice et
internationaliste qui existait bel et bien dans les débats
et écrits précédant la Commune, pendant les 72 jours qu’elle
a duré, et dans toutes les explorations intellectuelles
ultérieures qu’elle a provoquées chez d’anciens communards
comme Arthur Arnould, Élisabeth Dmitrieff, Eugène Pottier,
Louise Michel, Gustave Lefrançais ou Benoît Malon ; ou
encore chez des penseurs s’en réclamant comme le socialiste
William Morris ou les anarchistes Élisée Reclus et Pierre
Kropotkine. Ils et elles ont, chacun à leur manière, tenté
d’imaginer comment une autre société pourrait voir le jour
et comment elle pourrait fonctionner dans tous les domaines.
Le contenu du livre répond donc pleinement à son titre,
« l’imaginaire de la Commune ».

Il est étonnant et dommage que Kristin Ross ait accordé
aussi peu de place à la pensée du communard Paul Lafargue,
en particulier en laissant de côté son pamphlet, « Le Droit
à la paresse ». C’est d’autant plus étonnant qu’elle avait
consacré tout un chapitre de son précédent livre sur la
Commune à mettre en regard des idées et formulations de ce
texte fameux de Lafargue avec des phrases extraites d’ « Une
saison en enfer » d’Arthur Rimbaud. Notre regret n’a rien de
formel. La critique du travail par Lafargue, après avoir été
traitée pendant longtemps par les organisations du mouvement
ouvrier comme une plaisanterie divertissante qu’il ne
fallait pas trop prendre au sérieux, est non seulement en
concordance avec les développements de son contemporain
William Morris, mais reprend aujourd’hui tout son sens et sa
vigueur dans un contexte où il est perceptible par beaucoup
que le travail n’est pas une activité humaine normale, mais
qu’il fabrique et fait vivre le capital ainsi que son
sous-produit nécessaire, le chômage de masse.

Kristin Ross situe sa réflexion sur un autre terrain que
celui des historiens, ce qui n’est pas critiquable en soi.
Mais en négligeant de prendre en compte les travaux très
précis et documentés de certains d’entre eux, à commencer
par celui du communard Lissagaray et ensuite ceux de Jacques
Rougerie et de Robert Tombs (« Paris, bivouac des
révolutions », éd Libertalia, 2014), elle enjolive quelque
peu et homogénéise le contenu de la Commune en laissant
entendre qu’elle était internationaliste par essence. Or
l’événement se présente comme contradictoire, à la fois avec
des aspirations, déclarations et actes incontestablement
internationalistes et inspirés en fait par la minorité des
communards membres de l’AIT, mais aussi avec des tendances
patriotiques, voire cocardières. Si la Commune, comme toutes
les grandes rébellions, insurrections, révolutions, n’avait
pas été travaillée par des tendances contradictoires, on ne
comprendrait pas pourquoi certains communards comme
Rochefort ont pu ultérieurement soutenir le général
Boulanger ou d’autres se rallier à l’Union sacrée en août
1914. C’est le contenu riche et diversifié de la Commune qui
explique d’ailleurs les usages politiques multiples qui ont
pu en être faits jusqu’à nos jours et qu’a bien analysés et
informés Eric Fournier dans « La Commune n’est pas morte »
(éd Libertalia, 2013).

Ces remarques critiques n’enlèvent rien au caractère très
intéressant et même roboratif du livre de Kristin Ross. Il
est particulièrement bienvenu par ces temps où des formes
ouvertes ou sournoises de nationalisme et de restauration
des prestiges de l’État national rodent dans les rangs de la
gauche dans bien des pays. Le vent tonifiant de
l’internationalisme et de l’imagination d’autres rapports
sociaux qui parcourt ce livre devrait aussi remettre
d’aplomb le moral de celles et ceux qui ne voient pas
d’issue à la catastrophe actuelle provoquée par le
capitalisme.


EN DÉCOUDRE
Le concept de classe ouvrière est trop souvent utilisé comme
bouche trou dans les articles et les argumentations sans que
cela renvoie à une réalité humaine vivante et complexe.
Il faut donc saluer la contribution de Fanny Gallot à la
compréhension de cette réalité dans son livre « En découdre,
Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la
société » (éd La Découverte, 283 pages, avril 2015). Lorsque
l’on parle de la classe ouvrière ou du mouvement ouvrier, ce
n’est pas le rôle joué par les femmes qui vient spontanément
à l’esprit. Les ouvrières n’apparaissent qu’à la marge dans
bien des études historiques, sociologiques ou politiques.
L’étude à la fois synthétique et détaillée de Fanny Gallot
comble donc à sa façon une lacune tout à fait flagrante.
Elle est centrée sur la période qui va de l’« insubordination
ouvrière » des années 1968 où les jeunes ouvrières voulaient
« en découdre » jusqu’aux années de fermetures des usines
employant de nombreuses ouvrières au début des années 2000.
Ces fermetures donneront lieu à des luttes longues et
très dures menées par ces ouvrières qui avaient trente ans
de plus, mais se battaient cette fois pour garder leur emploi
et comme toujours pour leur dignité.

C’est au cours de cette période d’une trentaine d’années que
des ouvrières se sont affirmées comme actrices de luttes
importantes et comme personnes s’efforçant de faire valoir
leurs besoins et leurs aspirations émancipatrices dans
l’usine et en dehors de l’usine. Dans les années 1960, les
jeunes filles qui se font embaucher dans des entreprises
comme Chantelle ou Moulinex ne vont pas du tout reproduire
les comportements bien souvent soumis aux patrons et aux
chefs de leurs aînées. Quand l’une d’elle « pique une crise
de nerfs » parce que les conditions de travail sont
intolérables, cela se traduit souvent sur le champ par une
grève de ses collègues. Quand elles auront mené des grèves,
parfois avec occupation, séquestration du patron ou de
cadres, se soldant par des résultats concrets ou un franc
succès, il est clair que le sentiment d’avoir la honte
d’être une ouvrière sera définitivement balayé.
La solidarité, l’humour et les plaisanteries vont parfois
se frayer un chemin avec des effets durables au quotidien,
se substituant aux comportements fatalistes ou de mesquine
concurrence entre elles. Tout cela fera régresser le pouvoir
des petits chefs et l’autoritarisme sans bornes des patrons.
Certaines ouvrières vont chercher à conquérir une place au
sein des syndicats. Ce sera de haute lutte qu’elles y
parviendront, face à des responsables syndicaux considérant
les femmes comme incapables d’exercer de telles
responsabilités. L’une d’elle, Georgette Vacher, ouvrière de
Calor (Lyon) prendra de plus en plus de responsabilités à la
CGT mais en se sentant plus utilisée que reconnue. Les
tensions et attitudes hostiles à son égard seront telles
qu’elle se suicidera la veille du congrès de l’UD en
novembre 1981. A la maison, les ouvrières syndicalistes
auront à faire face à des maris mécontents que le
militantisme de leur épouse puisse avoir des répercutions
sur les tâches familiales. Elles auront mené avec
obstination un combat féministe de fait, sans pour autant
toujours bien accueillir le langage et parfois les
injonctions des militantes féministes.

Fanny Gallot met constamment en parallèle les
transformations qui s’opèrent sur le terrain de l’usine et
du cadre familial, avec celles qui sont introduites au
niveau législatif sous la pression de multiples luttes et
mobilisations à l’échelle de la société française au cours
de ces trois décennies. Ces transformations concernent aussi
bien le droit à l’avortement et la contraception que les
améliorations du droit du travail, actuellement démantelé
plus rapidement qu’elles n’ont été conquises.

L’auteure s’est appuyée sur de nombreux entretiens avec des
ouvrières de Chantelle, Moulinex, Lejaby et Renault-Flins.
Elle a mobilisé toutes les ressources écrites et
audiovisuelles existantes sur le sujet, que ce soit des
témoignages, des romans, des films ou des documentaires. Ce
livre découle d’une thèse universitaire obéissant aux lois
du genre, mais il est vivant et se lit avec beaucoup
d’aisance. Il ne manquera pas d’intéresser ou de passionner
toutes celles et tous ceux qui ont vécu cette période ou,
plus jeunes, qui pressentent qu’elle leur a laissé un legs
précieux pour mener les combats d’aujourd’hui.


VOIR LE VOIR
Le livre de John Berger, « Voir le voir » a été réédité à
l’identique, textes et illustrations, par B42 (mars 2014,
168 pages). Avant qu’il ne soit à nouveau épuisé, il est
souhaitable de se le procurer d’une manière ou d’une autre.
C’est à une critique accessible et percutante des images de
l’art ou de la publicité, et des façons de les voir que John
Berger s’était livré en 1972 dans une série d’émissions
télévisées de la BBC. Ces émissions avaient trouvé un
prolongement dans un livre, « Ways of Seeing » traduit pour
la première fois en français en 1976 (éd Alain Moreau). Il
s’agissait d’une critique menée collectivement par John
Berger avec un artiste, Sven Blomberg, un critique d’art,
Chris Fox, un graphiste, Richard Hollis, et un producteur de
la BBC, Michael Dibb.

Étrange époque que ces années 70 où un point de vue
anticolonialiste, féministe, marxiste non orthodoxe et se
réclamant ouvertement de la réflexion critique de Walter
Benjamin, pouvait s’exprimer sans retenue, avec une
radicalité malicieuse sous des dehors de paisible pédagogie.
Et cela au cours de quatre émissions sur une chaîne
télévisée grand public… Le propos est en partie daté car les
technologies de l’information n’avaient pas encore
proliféré. Mais il n’est pas dépassé pour autant. John
Berger se livrait à une attaque mordante de la critique
d’art snob et conformiste, celle qui plane au-dessus des
classes sociales sans les voir, et s’extrait des conditions
sociales et historiques dans lesquelles les œuvres d’art ont
été produites (et, depuis le XIXe siècle, reproduites
industriellement). Cette polémique n’a rien perdu de sa
nécessité et a gardé toute sa fraîcheur novatrice. On a
l’impression qu’il faut repartir de zéro dans ce domaine
comme dans bien d’autres.

Après avoir fait un commentaire d’un tableau de Franz Hals,
qui est manifestement la critique féroce de notables qui
dominent socialement cet artiste hollandais réduit à la
misère, John Berger écrit : « La mystification {d’une
certaine critique d’art} consiste à occulter par le
raisonnement ce qui autrement serait évident. » Dans ce
sillage, il décrypte le sens hypocrite de certains thèmes
convenus chez quelques grands peintres, comme celui de la
femme nue tenant un miroir chez Memling ou Le Tintoret :
« Vous peigniez une femme nue parce que vous aimiez la
regarder, vous lui mettiez un miroir dans la main puis vous
intituliez le tableau « Vanité », et ce faisant vous
condamniez moralement la femme dont vous aviez dépeint la
nudité pour votre propre plaisir. »

Mais ce n’est pas seulement la façon de voir les tableaux
artistiques et de saisir leur contenu qui se trouve
interrogée, mais toutes les images et en particulier celles
de la publicité et des reportages d’actualité. « Toute image
est une construction de l’homme, quelque chose de vu qui a
été recréé et reproduit ». En conclusion de ce livre fin et
accessible, John Berger indique qu’il est « à prolonger par
le lecteur... »


QUINZE ANS
Le site Culture et Révolution vient de fêter ses
quinze ans. C’est un adolescent ayant dans l’ensemble de
bonnes manières, mais il reste fondamentalement rebelle
vis-à-vis des embrigadements de toutes sortes. Peut-être
va-t-il fuguer un jour et l’on n’entendra plus parler de lui ?
Peut-être va-t-il persister à proposer des textes qui vous
intéresseront, vous irriteront ou vous laisseront
indifférents ? Il est à l’âge où l’on voudrait que poésie et
politique révolutionnaire ne fassent qu’un pour briser
toutes les chaînes et aller jusqu’au bout des possibles.
C’est un âge difficile qui dure parfois toute la vie chez
certaines et certains. Quoi qu’il arrive, il s’appellera
toujours Culture et Révolution, parce que les révolutions
qui négligent la culture sous ses formes diverses sont
vouées à l’échec ou à la dégénérescence ; et parce que les
cultures qui tournent le dos à la révolution sont vouées à
s’étioler, à tourner en rond et finalement à disparaître.


IN SITU
Le contre-philosophe Michel Onfray exerce une attraction
étrange auprès d’une partie du public de gauche. Nous avons
mis en ligne sur notre site une contribution de Laurent
Cavelier mettant en évidence sa façon de maltraiter
l’histoire : « La contre-histoire de la philosophie de
Michel Onfray... contre l’histoire ».


Bien fraternellement à toutes et à tous,

José Chatroussat (Samuel Holder)

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