Journal de notre bordLettre no 166 (le 23 juillet 2015)Bonsoir à toutes et à tous, La situation des Grecs pourrait se dire en une chanson qui serait une libre adaptation de celle de Pete Seeger chantée en français par Graeme Allwright : « Ils en avaient déjà jusqu’à la ceinture mais la Troïka disait toujours au sergent Tsipras d’avancer. » L’ironie est nécessaire pour détruire tout ce qu’il peut y avoir de factice, de gênant, d’illusoire, d’encombrant et de vain dans la vie politique. Les épisodes qui viennent dernièrement de marquer l’actualité européenne l’illustrent bien. Il faut donc commencer par apprécier à sa juste valeur démonstrative les agissements du gang des sinistres créatures de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne. Ils incarnent à merveille le talon de fer du capital posé lourdement sur la nuque du peuple grec. Ils ont révélé avec une clarté aveuglante bien des enjeux et à quelles extrémités ils étaient prêts. Ils obligent les différentes composantes politiques de la gauche en Grèce et dans les autres pays européens à clarifier leurs positions, à choisir vraiment leur camp et à faire preuve d’imagination. Ils nous contraignent à une réflexion beaucoup plus poussée si nous ne voulons pas sombrer dans un état de morne résignation ou nous perdre en colères et lamentations impuissantes sur la méchanceté de ces gens-là après leur lâche agression perpétrée contre la Grèce dans la nuit du 13 au 14 juillet. Ils ont dynamité avec une détermination sans faille toute velléité de leur résister à un niveau uniquement gouvernemental national. Ils ont fait litière des illusions dans la possibilité de mener une politique sociale, keynésienne, sans toucher aux intérêts fondamentaux des capitalistes ; illusions qu’avait le gouvernement de Syriza et que gardent peut-être encore, malgré cette expérience cinglante, quelques esprits attardés au sein des partis et mouvements de gauche en Europe. L’avenir le dira car les lignes vont bouger. Les jusqu’au-boutistes du style Schäuble ont toujours été dans l’histoire les meilleurs pourvoyeurs des prises de conscience conduisant à des révoltes et des révolutions. Y avait-il une fissure exploitable dans le couple franco-allemand permettant de mener une telle politique sociale ? En six mois de confrontations épuisantes avec les mandataires des créanciers, Alexis Tsipras et ses collaborateurs ont eu largement le temps de vérifier qu’il n’en était rien. Son négociateur, Varoufakis, en a témoigné sans ambages. L’UE (ça doit vouloir dire Union des usuriers européens), cette union politico-financière a finalement très bien fonctionné, avec une habile répartition des rôles, pour écraser et humilier le peuple grec. Ce n’est pas qu’il n’y ait aucune divergence de vue entre Paris et Berlin, loin de là. Mais rien de consistant n’était exploitable par les représentants d’un petit pays aux marges de l’Europe qui a eu l’outrecuidance de vouloir remettre en cause les plans d’austérité en votant massivement pour Syriza il y a six mois. Sur le fond, les intérêts fondamentaux des deux plus grandes puissances impérialistes de la zone euro sont convergents, et bien sûr congruents avec ceux du FMI. La Grèce se retrouve dans une position semi-coloniale, sous mandat franco-allemand. Son Premier ministre souriant qui portait avec un certain panache bien des espoirs a été transformé en un petit soldat, la tête à l’envers, devant marcher droit sous la férule de la Troïka. L’ironie de l’histoire est amère, mais elle agit comme un révélateur des forces en présence et de leur nature. Elle amène déjà l’aile gauche de Syriza à s’émanciper et à envisager une orientation plus conforme à ses idéaux et aux aspirations de ses électeurs, en alliance avec les autres organisations de gauche et d’extrême gauche. Le pôle dynamique dans l’accomplissement du coup de force de Bruxelles a été la droite allemande accouplée à la droite extrême, aussi bien en Allemagne qu’aux Pays-Bas, en Pologne ou en Finlande, avec aussi comme supplétifs la fine fleur de la social-démocratie allemande représentée par le vice-chancelier et ministre de l’économie Sigmar Gabriel. Dans les « négociations » délirantes du 13 au 14 juillet, François Hollande et ses collaborateurs ont joué le rôle de soigneurs pour maintenir Alexis Tsipras sur le ring et qu’il s’en prenne plein la figure par Angela Merkel et Wolfgang Schäuble jusqu’à sa reddition. Il était à point pour signer n’importe quoi après quinze heures de menaces et de chantages. Les experts français et Hollande (que l’échec de Syriza ne peut pas attrister, on s’en doute) ont joué un rôle de faux jetons. Cela fait un peu penser aux psychologues américains qui ont assisté aux séances de tortures de prisonniers menées par la CIA à Guantanamo et Abou Graïb. Sans eux, ça aurait été pire disent toujours ces gens ayant bonne conscience. Le choix donné à la Grèce par les canailles politico-financières était le suivant : « Préférez-vous mourir à la suite d’une longue asphyxie en restant dans la zone euro, ou préférez-vous qu’on vous coupe la tête tout de suite en vous éjectant de la zone euro (et bien sûr en fermant immédiatement tous les robinets de liquidités monétaires et en organisant un embargo implacable contre votre économie déjà mal en point) ? Cette deuxième option avait et a toujours la préférence de Schäuble qui menace Merkel de démissionner si on ne se débarrasse pas un jour définitivement de la Grèce par un Grexit. C’est le choix entre la peste et le choléra qui est donné à la Grèce depuis des mois par la Troïka. Comment sortir de ce piège, telle est la question vitale qui mérite qu’on s’y attarde. Elle a d’ailleurs des conséquences allant bien au-delà de la Grèce. LA GRÈCE ENTRE ESPOIR ET DÉSILLUSION Il n’y a pas de solution à l’échelle de la Grèce seule, car la machine qui peut broyer ce pays fonctionne sur une large échelle, européenne et même mondiale. Toutefois, il faut examiner en premier lieu quels étaient et quels sont encore les atouts du peuple grec. Alexis Tsipras et celles et ceux des élus et militants qui le suivent encore, bon gré mal gré, se sont fourrés dans une impasse et deviennent des courroies de transmission des volontés de la Troïka. C’est leur problème. Le peuple grec, s’il garde assez d’énergie et de lucidité, n’est pas dans une impasse. Il l’a montré majoritairement lors du référendum où le « non » aux mesures d’austérité des institutions européennes l’a largement emporté. C’était un vote courageux car les pressions contre les partisans du « non » ont été considérables. C’était un vote de défi et un refus de la fatalité, du « il n’y a pas d’alternative », du fameux TINA, « There is no Alternative » de Margaret Thatcher, qui est l’alpha et l’oméga de l’idéologie capitaliste. Plus de 80 % des jeunes de 18 à 25 ans ont voté non. L’enthousiasme a été au rendez-vous le soir même de la victoire du « non », du « OXI ». Les gens avaient redressé la tête, ils en étaient fiers et ne sont pas près de l’oublier. Cela pouvait être un premier acte ouvrant une brèche libératrice, cela peut encore le rester si la population persiste, lutte et s’organise. Les milieux financiers européens et les riches en Grèce ont eu peur de la victoire du OXI. Mais Tsipras a été également effrayé et s’est immédiatement déballonné. Il a réagi comme un responsable syndical qui, après avoir convoqué une assemblée générale et appelé avec succès ses camarades à faire grève, ne trouve rien de mieux que d’aller aussitôt trouver les syndicats jaunes, hostiles à la grève (dans son cas, les partis de droite et le PASOK « socialiste ») pour faire face à cette embarrassante situation (en jargon politicien, on appelle cela « l’unité nationale »). Ce chef syndical veut leur soutien pour aller ensuite négocier à froid avec leurs patrons de combat. Pour amadouer ces patrons, il écarte un délégué perçu comme trop combatif (Varoufakis) et avant même de rencontrer les gens de la direction, il fait avaler quelques grosses couleuvres à l’assemblée des délégués élus (le Parlement) consistant à renoncer par avance à toute une série de revendications fondamentales. Les gens de la direction (Merkel, Hollande, Draghi et cie) ne sont pas forcément de grands stratèges, des maîtres au jeu des échecs, mais quand on a un adversaire qui effectue une série de reculades après avoir réussi un coup d’éclat décisif (le « non » au référendum), il n’y a plus qu’à foncer en avant et à l’écraser. Échec et mat, Game over. En bafouant le résultat d’une consultation démocratique qu’il avait lui-même organisée, Tsipras a retourné sa veste avec une série de conséquences dont on ne vient de voir que le début : la répression policière des manifestants devant le Parlement, l’expulsion des ministres hostiles au diktat du 14 juillet, l’augmentation des prix des denrées et services de première nécessité, l’expulsion des familles endettées de leur logement, etc. On doit s’attendre à un fort tangage aussi bien au sein de Syriza, de la gauche et de l’extrême gauche et de la société grecque, avec des chocs en retour contre la Troïka. Avec aussi de forts remous y compris sur la scène politique et intellectuelle allemande où le putsch du clan des durs mené par Schäuble a indigné les syndicalistes et toutes les composantes de la gauche dignes de ce nom. Tout le monde, (y compris les économistes libéraux) s’accorde pour dire que ce nouveau mémorandum extorqué à la Grèce ne donnera rien et n’est pas applicable. À mots couverts, le FMI le laisse entendre. Toutes les contractions de l’économie mondiale restent béantes, surtout au moment où la croissance chinoise marque sérieusement le pas et où les Bourses chinoises ont connu un krach inquiétant, colmaté momentanément par des sommes énormes injectées par l’État chinois. On relèvera au passage que la dette grecque correspond seulement à 10 % des sommes qui sont parties en fumée au cours du krach récent des Bourses de Shanghai et Shenzhen. Cela illustre bien que la dette grecque est une question de principe pour les créanciers, et assez peu un risque financier. Retenons que si un risque systémique existe, il se situe plutôt à Pékin et fort peu à Athènes. COMMENT SORTIR DU PIÈGE ? Revenons à la situation en Grèce qui se présente à la fois tumultueuse, douloureuse pour les classes populaires, mais aussi riche de possibilités. Cette situation nécessite d’ouvrir plus avant la réflexion sur les mesures salutaires qu’il faudrait prendre et préciser qui pourrait les prendre. Les débats se sont trop focalisés et englués sur la seule question de savoir s’il fallait rester dans la zone euro ou la quitter. On peut reprocher à Tsipras et à la majorité de Syriza bien des choses, mais pas d’avoir tenté d’explorer la possibilité de rejeter les mesures d’austérité tout en restant dans la zone euro. Après tout, c’est exactement cela que les 61 % de votants pour le non ont exprimé. Vouloir d’emblée sortir de la zone euro et présenter cela comme une solution comportait le risque d’entraîner une banqueroute brutale, d’aller au devant des souhaits de la droite dure allemande et de conforter les positions souverainistes de toutes les composantes de l’extrême droite européenne. A l’époque du capitalisme mondialisé, le repli sur l’État-nation conduit à dérouler un tapis rouge vers le pouvoir aux formations d’extrême droite. Car elles pousseront la logique de l’État-nation jusqu’au bout, en pratiquant un protectionnisme dévastateur, en mettant des murs et des barbelés tout autour, en expulsant les « étrangers », en muselant et réprimant brutalement les « traîtres à la patrie ». Le souverainisme ne peut pas être de gauche. Mais il va comme un gant (de fer) à Poutine et à Marine Le Pen. On peut certes déplorer que le gouvernement de Tsipras n’ait pas du tout préparé l’éventualité d’un Grexit, soit imposé par l’Union européenne (et qu’on ne peut toujours pas exclure), soit une sortie volontaire pour échapper au chantage permanent de la Troïka. Éric Toussaint du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) avait par exemple suggéré dans ce cas d’introduire une monnaie électronique parallèle à l’euro, de préparer une réforme monétaire redistributive favorisant les moins riches, de concevoir un contrôle strict des mouvements de capitaux et de procéder à un audit de la dette grecque amenant le pays à ne pas payer les dettes illégitimes et même illégales. Ces idées n’ont pas été reprises par Syriza. Il n’y a pas eu de plan B soigneusement préparé, accompagné de mesures radicales permettant d’éviter une déroute dont seules les classes populaires feraient les frais. D’autres ont brandi l’arme du retour à la drachme qui est apparue à juste titre comme un sabre en carton pouvant en plus se retourner contre le pays, avec une inflation galopante à la clef ainsi que le blocage des importations et des exportations pour cause de monnaie dévaluée comme le Mark en 1923, avec en plus un marché noir des euros. Bien des citoyens grecs n’ont pas considéré sans danger le retour à la drachme. Tous les sondages et déclarations des citoyens jeunes ou moins jeunes ont systématiquement exprimé qu’ils préféraient rester dans la zone euro. C’est ce qui explique que la position actuelle de Tsipras n’apparaisse pas, pour l’instant, totalement déraisonnable aux yeux de nombreux Grecs, par crainte du pire et en l’absence de propositions plus crédibles. D’un ton suave, Jean-Claude Juncker, qui dirige la Commission européenne, avait fait comprendre que le peuple grec ne devait pas se suicider (en sortant de la zone euro) sous prétexte que les institutions européennes étaient en train de le faire crever à petits feux. Quand on a été ministre des finances pendant des années d’un paradis fiscal (le Luxembourg) et qu’on est soi-même richissime, on sait trouver les mots qui apaisent les millions de Grecs personnellement endettés, victimes du chômage, atteints dans leur santé et touchés de plus en plus par la malnutrition… Au point de dégradation actuelle de la situation sociale quotidienne qui va s’aggraver, il est urgent que les associations, syndicats et composantes de la gauche et de l’extrême gauche élaborent et présentent un plan de mesures concrètes de sauvetage qui apparaissent crédibles aux travailleurs, chômeurs de tous âges, agriculteurs et travailleurs indépendants en faillite ou au bord de la faillite. Le réalisme résigné ou désabusé, qui est probablement le sentiment majoritaire et dont bénéficie momentanément le gouvernement remanié de Tsipras, ne va pas se maintenir sur une longue période devant la brutalité des coups qui vont être portés. Il ne suffira pas de protester, de multiplier les grèves, les blocages, les manifestations et les lancements de cocktails molotov sur les forces de police. Il faudra formuler des exigences et les faire appliquer efficacement. La nationalisation des banques et de toutes les institutions financières s’impose dans l’avenir, et le plus tôt serait le mieux. Mais nationaliser des caisses vides n’offrirait pas beaucoup d’opportunités. Encore faut-il empêcher la fuite des capitaux et consacrer l’argent disponible à des investissements répondant strictement aux besoins de la population dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’énergie et des transports notamment. Encore faudrait-il multiplier les coopératives et renforcer tous les réseaux de l’économie solidaire et écologique. Nous ne parlons pas d’une nationalisation de façade mais de transformer les banques en un service authentiquement public. Il serait vital de mettre en œuvre un impôt progressif sur le revenu frappant donc prioritairement les grosses fortunes sans exception. Encore faut-il mettre en place un réseau d’application et de contrôle de cette levée des impôts par des fonctionnaires et des citoyens honnêtes et motivés face à des individus accoutumés à dissimuler leurs richesses. Le propos ici n’est pas de définir un programme précis et complet mais d’insister sur le fait que toute mesure utile à la population doit obligatoirement et avant tout être appliquée par des personnes faisant partie de cette population ou étant réellement au service de cette population. Bref, ces mesures de sauvetage ne sont pas du ressort d’un appareil d’État corrompu, bureaucratique, au mieux inefficace et au pire totalement nuisible. L’embellie qu’a représenté le succès de la campagne pour le « non » au référendum n’indique pas pour autant que la situation est révolutionnaire ou même prérévolutionnaire en Grèce. Cependant elle montre que des possibilités existent pour qu’un nouveau mouvement démocratique du type de celui de la place Syntagma et de toutes les places en Grèce, comme en mai et juin 2011, refasse surface et permette aux diverses personnes et organisations politiques, syndicales et associatives d’intervenir, de débattre et de soumettre leurs argumentations et leurs propositions afin de trouver collectivement une issue au piège dans lequel se trouve le pays. Au demeurant, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que des mouvements comme Syriza ou Podemos n’auraient jamais émergé sans les mouvements qui ont surgi un jour sur les places Syntagma et Puerta del Sol. Un retour des militants à la source de leur existence permettrait de trancher bien des nœuds gordiens. Auto-organisation ? Auto-émancipation ? Ce sont des mots qui ont eu tendance à disparaître dans les commentaires sur la Grèce. Nous les réintroduisons, non pas comme des formules magiques, mais comme des notions recouvrant des démarches et des pratiques tout simplement cruciales. POUR UNE EUROPE DU COMMUN ET DE LA SOLIDARITÉ Il faut redire avec force ce qui manque singulièrement dans la plupart des analyses concernant la Grèce : la solution des problèmes en Grèce ne se situe que partiellement en Grèce. La solution est au minimum européenne et de toute façon internationaliste. Nous avons pu observer qu’en dépit des tiraillements entre les différents mercenaires politiques à la tête de la Troïka, ils savaient s’unir au moment décisif pour écraser un pays. Contre ce bloc transnational qui mène la danse pour le compte des banques et des grands groupes capitalistes, la partie est perdue si un vaste front unique internationaliste ne voit pas le jour. La radicalité initiale et tout à fait fragile d’organisations telles que Syriza ou Podemos ne peut absolument pas faire le poids à elle seule, même si ces formations ont permis une politisation très utile et de faire une expérience où chacun a pu prendre une plus juste mesure des obstacles et des possibilités. Pour l’heure en Espagne, le leader de Podemos, Pablo Iglesias va peut-être faire perdre les prochaines élections à son mouvement en justifiant à fond le retournement de Tsipras et en se crispant de façon sectaire contre les autres composantes espagnoles de la gauche radicale ou révolutionnaire. Comme quoi, toute avancée et tout recul à un endroit de l’Europe ont nécessairement des répercussions dans d’autres pays européens, à un niveau ou à un autre. Le destin au pouvoir de « forces alternatives » de type Syriza et Podemos, dont les leaders s’en voudraient de se dire anticapitalistes de peur d’être ringards et du coup de perdre des élections, est de venir s’échouer au pied du « mur de l’argent », ou de se déconsidérer en s’y accrochant et en le défendant à leur manière plaintive et désolée, en répétant la formule de l’ennemi, « il n’y a pas d’alternative ». Le monde actuel est impitoyable avec les illusions néo-réformistes, mais il n’est pas tendre non plus avec ceux qui répètent en boucle quelques fades et, à la longue, ennuyeuses formules révolutionnaires toutes faites, sans jamais gagner la confiance des travailleurs dont ils parlent surabondamment. Car pour que les idées radicales, anticapitalistes, révolutionnaires gardent leur fraîcheur et tout leur sens, il faut qu’elles soient partagées, constamment nourries et reformulées dans un processus d’échange avec celles et ceux qui luttent et résistent, en rangeant au placard des accessoires handicapants, les postures avant-gardistes. Il s’agit d’en venir à une politique de l’écoute plutôt que de persister dans une politique du repli sur soi et de la déclamation bruyante et sectaire. Il faut donc remettre bien des choses à plat. Nous ne serons pas sauvés par des tribuns de gauche ou des tribuns révolutionnaires, plus ou moins talentueux ou plus ou moins médiocres. Nous devons nous passer des tribuns et, vis-à-vis des porte-paroles ou personnes en charge d’une responsabilité, nous avons intérêt à nous inspirer du principe zapatiste, « gouverner en obéissant ». Mais tout ce qui précède et qui a jusqu’à un certain point un caractère polémique assumé, vise à animer un débat nécessaire où absolument personne ne détient a priori toute la vérité (et si c’est le cas de quelqu’un ou d’un groupe, qu’il ne la garde pas jalousement pour lui et qu’il la partage généreusement et au plus vite avec tout le monde). En conclusion j’aimerais esquisser ce que pourraient être quelques éléments allant vers un front unique internationaliste européen. On peut appeler cela autrement, c’est le contenu qui importe. En Europe, les partis de la gauche radicale, les organisations d’extrême gauche et les divers collectifs et syndicats combatifs sont relativement faibles. Mais cela représente probablement quelques dizaines de milliers de personnes qui ont été révoltées par le coup de force politico-financier perpétré contre un petit pays déjà terriblement affaibli par la crise. Il y a là potentiellement le socle pour mener ensemble une vaste campagne contre nos gouvernants qui participent activement à une régression sociale tous azimuts qui frappe déjà durement la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, les pays baltes et les pays de l’est européen. Il y a là le socle pour mener une protestation forte à laquelle pourraient s’associer nombre d’artistes, de chercheurs, d’intellectuels de gauche, pour donner une voix plus forte à ce refus de l’Europe des nantis qui ruinent les peuples et ravagent notre environnement. Cela devrait s’accompagner d’actions de solidarité concrètes avec les travailleurs et chômeurs grecs, actions déjà en œuvre d’ailleurs, mais qu’il s’agit de multiplier et de densifier en passant par les réseaux militants et activistes actuels et en en créant de nouveaux. Nous devons clamer notre refus de cette Europe du fric, brutale et antidémocratique. Nous devons clamer que nous méprisons les frontières et les répressions engendrées par le système capitaliste. Nous devons déjà la construire partout où cela est possible à notre propre niveau comme les expériences zadistes en sont déjà des exemples. Nous représentons fièrement une autre Europe, une Europe cosmopolite et multicolore, une Europe des travailleurs, des pauvres, de la solidarité, de la mise en commun de toutes les ressources humaines pour le bien de toute la société et de notre environnement. Bien fraternellement à toutes et à tous, José Chatroussat (Samuel Holder) _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mél. : Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ |
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