Journal de notre bordLettre no 145 (le 10 décembre 2012)Bonsoir à toutes et à tous, Deux lieux ont fait en France « la une de l’actualité » comme on dit : Florange et Notre-Dame-des-Landes. En nous jetant en pâture ces deux épisodes à la télévision de façon disloquée et déformée, il était bien difficile d’en saisir la signification. À Florange, comme d’ailleurs chez PSA, Petroplus, Sanofi, Doux et toutes les entreprises qui licencient ou vont licencier, il est apparu clairement qu’aucune solution ne peut venir ni des patrons ni du gouvernement. A Florange, la proposition de nationalisation temporaire relevait d’un effet de manche fleurant bon la démagogie nationaliste. Elle a d’ailleurs été reprise avec entrain par quelques figures de droite dont le fond de commerce est le protectionnisme assaisonné d’accents gaullistes d’un autre temps. Quant à l’agitation brouillonne et inutile de quelques politiciens de gauche jouant les avocats des salariés, elle peut leur permettre de jouer les pompiers dans l’avenir en cas d’explosion sociale. Dans la mesure où il ne s’agissait pas d’exproprier Mittal sans indemnités ni rachat, la proposition de Montebourg ne pouvait pas sauver les emplois et n’avait pour but que de créer de faux espoirs auprès des salariés afin de casser un peu plus leur moral et de permettre au gouvernement de passer ensuite à autre chose. Car il va avoir à refroidir bien d’autres dossiers brûlants du même genre avec l’aide complaisante des dirigeants syndicaux nationaux. Les responsables syndicaux locaux, plus ou moins proches des salariés selon les cas, pourront se fâcher verbalement tant qu’ils voudront, ils finiront par s’épuiser dans cet exercice dans la mesure où ils ne sortiront pas du cadre de leur entreprise et des « propositions concrètes de bon sens » et autres plans B dont ni l’État ni aucun patron ou éventuel repreneur n’a que faire. À cet égard, il serait bon d’en finir avec la rhétorique consistant à dire que sauver l’entreprise, sauver la filière acier, sauver la filière automobile, sauver les raffineries françaises, « c’est une question de volonté politique ! ». En fait le gouvernement actuel, tout comme le précédent, ne manque pas de volonté politique…pour servir les intérêts supérieurs des capitalistes. 20 milliards de cadeaux aux entreprises, augmentation de la TVA, mise en place progressive de mesures brutales contre les salariés pour augmenter la compétitivité et donc la profitabilité du patronat, tout cela indique la ferme volonté de Hollande et Ayrault de tenir un cap crédible et responsable à l’égard de la bourgeoisie, qu’elle soit française, européenne ou mondiale, peu importe. C’est à croire que certains sont toujours habités par la mythologie de « l’exception française » pour s’être imaginé que les gouvernants socialistes français feraient une politique un peu plus à gauche que Blair, Schröder, Papandréou ou Zapatero. Or si l’on veut bien regarder la réalité en face, nous avons bel et bien Hollandréou et Zapatayrault aux manettes, des commis zélés du capital financier. Les « Marchés » ont d’ailleurs apprécié leurs dernières mesures et celles qu’ils préparent puisque l’emprunt d’État à dix ans marche très bien, à un taux modéré très intéressant pour les gros spéculateurs. L’État, bras armé des grands intérêts privés et des puissances d’argent, modèle n’importe quel personnel politique à sa convenance, comme de la pâte à modeler dont il fait de consciencieux (et parfois confus) exécutants de ses injonctions. C’est comme si le robot étatique leur disait d’une voix synthétique : « Donne deux milliards de plus pour l’EPR, sinon mes amis « investisseurs » vont te boycotter ! Expulse les familles de sans papiers sinon tu n’es pas un homme à poigne digne de moi, l’État ! Envoie les gardes mobiles cogner sauvagement sur les manifestants pour rassurer mes amis du CAC 40 ! ». Et c’est bien ce qu’ont fait Hollande et Ayrault pour honorer leurs engagements à l’égard du groupe Vinci. Sauf que dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, il n’y a pas eu un Montebourg faisant diversion ni des appareils syndicaux protestant très fort mais empêchant les gens d’agir et de se coordonner. La logique démocratique réelle, anticapitaliste et fraternelle, regroupant des gens de toutes les générations, de diverses conditions, de plusieurs régions et même d’autres pays a pu fonctionner à plein, efficacement ; et ce n’est pas fini ! Le ministre de l’Intérieur a traité les manifestants obstinés et courageux de Notre-Dame-des-Landes de « kystes » risquant d’être durable et dont il fallait sans doute, selon lui, débarrasser le corps glorieux de la République française. Kystes nous sommes donc, selon le digne successeur de Sarkozy, Hortefeux et Guéant. Ce qui nous donne envie de rétorquer joyeusement (et durablement) : « Kystes anticapitalistes de toutes les régions et de tous les pays, unissons-nous ! ». Tournons le dos à ce gouvernement et à ses relais, sans rien en attendre. C’est notre propre volonté politique, sociale, bref humaine, qu’il nous faut mettre en œuvre pour empêcher tout empiétement dévastateur des intérêts privés, pour prendre le contrôle des entreprises et finalement de nos vies. ____________________________________________ Vitalité des révoltes dans les pays arabes L’art contre l’argent La Capitana Dernier souvenir de la peau Chaïm Soutine Violeta Parra Les fils du vent Cadeaux In situ ____________________________________________ VITALITÉ DES RÉVOLTES DANS LES PAYS ARABES Les femmes et les hommes qui luttent courageusement et opiniâtrement depuis près de deux ans dans les pays arabes contre les forces réactionnaires, que ce soit en Syrie, en Égypte, en Tunisie, au Soudan ou d’autres pays de la région, ne bénéficient pas en Europe d’un grand soutien ni d’un grand intérêt, y compris dans les milieux de gauche et d’extrême gauche. Et cela dans un contexte où la dictature de Bachar el Assad va peut-être enfin être abattue, où les forces de droite et d’extrême droite islamistes en Égypte et en Tunisie commencent à subir de sérieux revers et où les grèves, les occupations et les manifestations se multiplient et s’intensifient dans tous les secteurs. Seuls les Palestiniens suscitent encore quelques manifestations de solidarité, tout à fait justifiées au demeurant. Pourquoi cette situation paradoxale ? On peut bien sûr incriminer à juste titre les grands médias qui mentent, déforment la réalité et en cachent des éléments essentiels, tout particulièrement dans leur façon de « couvrir » ou plutôt de « recouvrir » les évènements en Égypte et en Tunisie. Il est vrai qu’ils déforment gravement notre représentation. Mais ne sont-ils pas payés pour cela ? N’est-ce pas leur rôle que de privilégier le bourrage de crânes et de consolider l’aversion ou l’indifférence à l’égard de certains peuples qui pourraient, qui vont peut-être un jour, remettre en cause l’ordre établi qui arrange les grandes puissances au Moyen Orient et au Maghreb ? Ce qu’il convient de mettre en cause, ce sont nos propres préjugés sur les peuples de ces pays qui nous exposent trop facilement à ne pas porter un regard critique suffisant sur les versions médiatiques des faits et les constructions mentales qu’elles confortent. L’un des préjugés, « de gauche » si l’on peut dire, a consisté à considérer d’emblée que les mouvements émancipateurs de ce qu’on a appelé le printemps arabe n’allaient pas bien loin et qu’ils étaient condamnés à être balayés à plus ou moins brève échéance par la contre révolution islamiste. Certains l’ont écrit et beaucoup l’ont pensé. Renversons les rôles. C’est un peu comme si des militants arabes nous disaient : « Quoi que vous fassiez en France, ça tournera mal, vous aurez un jour le Front National au pouvoir. Toutes vos croyances, vos illusions et votre longue histoire chargée de racisme et d’antisémitisme l’indiquent assez... » Or la condescendance fataliste à l’égard du printemps arabe n’a pas cessé d’être mise à mal par l’action obstinée des masses populaires, des femmes, des jeunes, des mouvements de gauche et révolutionnaires dans tous ces pays-là. Ainsi en Égypte ces forces se sont opposées à l’armée et aux islamistes et essaient même de dégager du pouvoir, Mohamed Morsi et les Frères Musulmans dont la côte s’est en grande partie effondrée. Ils se sont cru tout permis parce qu’ils avaient le soutien d’Obama et de l’armée égyptienne. Devant la menace des salariés mobilisés, des forces populaires et laïques, on voit aujourd’hui les concurrents d’extrême droite des Frères Musulmans, les Salafistes, faire bloc avec ces derniers. Cette sainte alliance réactionnaire est loin d’avoir gagné la partie tant le mécontentement social et politique est puissant et ressemble à une marée montante pouvant devenir une tempête et tout emporter. Pour une analyse approfondie permettant de comprendre ce qui se joue en Égypte, nous conseillons la lecture attentive de l’article récent de Jacques Chastaing, « Égypte : la révolution en permanence » sur le site de Carré rouge, http://www.carre-rouge.org/. Pour découvrir des éléments importants concernant la société et les luttes en Syrie, on lira également sur le site de Carré rouge la « Lettre ouverte de la gauche révolutionnaire syrienne pour soutenir la révolution populaire syrienne ». L’ART CONTRE L’ARGENT Chez les habitants de Lens, l’ouverture d’un vaste musée sur l’ancien carreau d’une mine a suscité des réactions contrastées. Il n’est pas difficile d’imaginer que certains qui vivent mal dans cette région, d’un salaire ou d’une retraite misérables, d’une indemnité de chômage, d’un RMI, d’un RSA ou d’une aide alimentaire, restent insensibles ou considèrent comme une insulte à leur condition l’arrivée d’un musée prestigieux doté d’une collection de chefs-d’œuvre pour la plupart pillés par l’État français au fil des siècles. On ferme des usines et on ouvre un musée avec tout le tralala médiatique et le Président Hollande en personne qui vient se pavaner alors que par ailleurs il a décidé de ratatiner le budget de la culture. Mais il est également facile de comprendre et de partager la joie que de nombreux habitants de Lens, jeunes et moins jeunes, peuvent éprouver avec l’arrivée de ce musée et de ces œuvres qui peuvent les inciter à créer et à rêver d’un monde plus beau. D’autant plus que tous les enfants en CM2 de l’agglomération ont eu la possibilité de visiter le Louvre à Paris. Même si la création du Louvre-Lens est ambiguë et représente à l’évidence une opération politicienne et financière qui n’a d’ailleurs que peu de chance de faire régresser le chômage dans les parages, il est réjouissant que des gens se passionnent pour différentes formes d’art à cette occasion. Les serviteurs de l’argent cherchent toujours à récupérer, à étouffer ou à tuer la création artistique. Combattre l’emprise de l’argent sur l’art comme sur toutes les activités sociales fait partie de notre ordre du jour permanent. LA CAPITANA C’est l’histoire d’une femme éprise de liberté et qui veut changer le monde. D’origine juive argentine, Mika Etchebéhère, née Feldman en 1902 a fini ses jours à Paris en 1992. C’est aussi l’histoire de son compagnon Hipolito Etchebéhère, né en 1900, porté par les mêmes aspirations et tué au début de la révolution espagnole de 1936, à la tête d’une colonne du POUM (Parti d’Unfication Marxiste), « quand la révolution était encore belle » écrira Mika. Ce sont deux grands oubliés de l’histoire du XXe siècle car ayant été exclus du Parti communiste argentin, ayant rallié l’opposition de gauche trotskyste, ayant eu ensuite des désaccords avec Trotsky et ayant combattu avec le POUM sans y adhérer formellement, aucune organisation ne s’est souciée de les faire connaître aux générations suivantes. La romancière argentine Elsa Osorio n’a découvert leur existence qu’en 1986. Il lui a fallu une enquête de plusieurs années entrecoupées de périodes d’hésitations, de scrupules et de déconvenues et finalement d’un encouragement amical décisif avant de s’engager dans l’écriture de son roman « La Capitana » (éd Métailié, août 2012, 334 pages). Pour construire son récit, elle s’est appuyée sur des témoignages de personnes ayant connues Mika et sur de nombreux textes et carnets rédigés par elle. À notre connaissance, nous ne disposions jusqu’alors en français que de deux documents de la main même de ce couple d’intellectuels internationalistes qui furent amis notamment avec Alfred et Marguerite Rosmer et avec Kurt et Katia Landau. Mika Etchebéhère avait relaté son expérience de combattante révolutionnaire en Espagne dans « Ma guerre d’Espagne à moi » paru chez Denoël en 1975 et réédité en 1998 dans la collection Babel d’Actes Sud. C’est après la mort tragique de son mari qu’elle s’est retrouvée à la tête d’une colonne du POUM avec le grade de capitaine, d’où le titre « La Capitana ». Elle s’est imposée naturellement à ces combattants révolutionnaires un tantinet machistes par son courage mais aussi par son attention affectueuse au sort de chacun et par son intelligence des gens et des situations, y compris stratégiques. Les combattants anarchistes apprécièrent tout autant ses qualités que ceux du POUM. On disposait aussi d’une brochure remarquable d’Hyppolite Etchebéhère, « 1933 : La Tragédie du prolétariat allemand, Défaite sans combat, Victoire sans péril » publié sous le pseudonyme de Juan Rustico dans la revue « Masses » de René Lefeuvre et réédité par lui dans les cahiers Spartacus avec une préface de Mika. La lecture de cette brochure est tout simplement indispensable pour comprendre pourquoi le mouvement ouvrier allemand, théoriquement le plus puissant au monde et comptant des centaines de milliers de militants a pu être défait sans combat à cause des infâmes politiques des dirigeants staliniens et sociaux-démocrates. Or Hyppolyte et Mika Etchebéhère ont été des témoins directs de cette tragédie puisqu’ils ont vécu et milité à Berlin d’octobre 1932 à mai 1933. Et ils l’ont observée et analysée jour après jour avec une lucidité implacable. « La Capitana » met en perspective avec justesse les éléments connus sur ces deux drames majeurs qui ont conduit tout droit à la Deuxième guerre mondiale, que furent l’arrivée au pouvoir des nazis en toute légalité et sans résistance, et la trahison suivante en 1937, celle de la révolution espagnole par le stalinisme et la social-démocratie. Mais il en apporte bien d’autres, par exemple sur les luttes, les pogroms et la répression en Argentine en 1919. En 1968 à Paris, Mika était encore vaillante pour donner un bon conseil aux étudiants sur la façon de détacher les pavés au Quartier Latin ! Elsa Osorio s’est donnée les libertés d’une fiction romanesque pour aller au plus près de la vie de cette femme exceptionnelle dont elle dit dans un entretien que « toute sa vie a été d’une grande cohérence ». Elle ne suit pas la chronologie de façon linéaire mais on s’y retrouve très bien dans ce récit à plusieurs voix, entre la Patagonie, Berlin, Madrid ou Paris à différentes époques. La forme romanesque était également plus appropriée qu’une biographie pour raconter avec délicatesse la grande et belle histoire personnelle entre Mika et Hyppolyte Etchebéhère. Être amoureux et vouloir changer le monde avec enthousiasme, c’était tout un pour eux, l’un toujours attentif et à la hauteur de l’autre. La romancière sait bien que raconter cela frôle l’invraisemblable mais c’est bien ainsi qu’ils ont pleinement vécu. DERNIER SOUVENIR DE LA PEAU Russell Banks est un écrivain des États-Unis qui veut comprendre au plus profond et au plus juste pourquoi les gens agissent d’une façon qui peut surprendre et provoquer éventuellement un rejet ou une condamnation sociale. Il s’est lancé à lui-même un défi particulièrement difficile dans son dernier roman traduit sous le titre « Lointain souvenir de la peau » (Actes Sud, mai 2012, 446 pages) en prenant comme héros principal, le Kid, un jeune blanc d’une vingtaine d’années condamné pour délinquance sexuelle. Il est en liberté surveillée pour dix ans avec un bracelet électronique et vit sous un pont autoroutier d’une ville qui ressemble furieusement à Miami. Il est au milieu d’un petit campement d’autres délinquants sexuels sous surveillance. En fait le Kid, délaissé dès l’enfance par sa mère passant d’un amant à un autre, a été piégé à la suite de son addiction à la pornographie sur internet. Mais ensuite comment en sortir, comment survivre, quels liens accepter si ce n’est avec un animal qui lui au moins ne vous montre pas du doigt ? Russell Banks porte un regard à la fois humaniste et sans concessions sur la société actuelle. Son roman est magistral. Il se dévore dans l’urgence par la variété des personnages et des situations prises à bras le corps et par le suspense sans cesse relancer jusqu’à la dernière page. CHAÏM SOUTINE La rétrospective de l’œuvre de Soutine au musée de l’Orangerie à Paris fait tomber les idées toutes faites qui s’accrochaient de longue date à ce peintre tourmenté qui fut l’ami de Modigliani. Né dans une famille juive et pauvre près de Minsk, Soutine avait gardé dans sa tête tout un imaginaire rural particulier qui l’apparente à Chagall. Mais il fut aussi un artiste voulant s’assimiler en profondeur les secrets des grands maîtres hollandais du XVIIe siècle ou de Velasquez. Ce qu’on croyait n’être que violence ou incohérence nous apparaît sous le visage d’une recherche subtile des coloris et d’invention extraordinaire des formes en particulier dans ses paysages. Une autre révélation est son sens psychologique profond dans ses portraits de gens de petite condition sociale. Après des années de misère à Montparnasse, Soutine avait été soutenu par un couple d’amis, et reconnu grâce au marchand Paul Guillaume et aux commandes du collectionneur américain Barnes. L’angoisse d’être arrêté par la gestapo à Paris sous l’occupation a précipité sa mort en 1943. VIOLETA PARRA « Gracias a la vida » est une chanson émouvante qui a été chantée par Mercédès Sosa et par Joan Baez. La chanteuse et artiste chilienne Violeta Parra (1917-1967) qui l’a créée a bien failli tomber dans l’oubli. Elle revient aujourd’hui dans la lumière. Et cela grâce à un livre écrit par son fils Angel Parra et grâce à un film « Violeta » de Andrès Woods dont le scénario s’appuie fidèlement sur ces souvenirs. Dans son livre « Violeta Parra, Ma mère » (éd écriture, septembre 2011, 189 pages) préfacé par Luis Sepulveda, le très sympathique Angel ne nous cache pas que sa mère n’était pas quelqu’un de tout repos. Cette femme ardente, rebelle, allait jusqu’au bout de toutes ses passions, sans jamais s’économiser ou peser le pour ou le contre ! Au travers des souvenirs et des rêves de son fils se dessinent non seulement le portrait d’une femme réinventant constamment sa vie mais aussi le portrait d’une population rurale ayant une riche culture musicale. Violeta Parra a voulu rencontrer toutes celles et tous ceux qui en étaient les dépositaires. Elle s’est efforcée de mettre au jour ce folklore authentique et de le renouveler par son propre travail créatif. Elle s’est adonnée également avec bonheur à la peinture et à la tapisserie. Mais après des années de voyages et de séjour en Europe, la reconnaissance de son travail artistique multiple dans son propre pays n’a pas été au rendez-vous, ce qui s’est ajouté au désespoir d’un amour perdu. Le livre d’Angel Parra et le film d’Andrès Wood « Violeta » (1h 50) qui passe actuellement dans quelques salles ne se contredisent pas mais les tonalités sont différentes. Il y a sans doute plus de drôlerie et d’anecdotes dans le livre et des couleurs plus âpres dans le film. L’actrice Francisca Gavilan n’interprète pas le rôle de Violeta Parra, elle l’habite avec une sincérité confondante, d’autant plus que c’est elle-même qui chante avec fougue et sensibilité son répertoire. Il reste à espérer que « Las ultimas composiciones de Violeta Parra » seront un jour disponibles en CD dans les bacs de l’hémisphère Nord. LES FILS DU VENT Le film « Les fils du vent » de Bruno Le Jean (1h 30) n’aura eu l’honneur de passer que dans deux salles à Paris et encore, pas tous les jours. Carrière brève et furtive, à l’image de ces gens du voyage qu’on s’ingénie à chasser dès qu’ils s’installent quelque part pour quelque temps. Ne laissez pas passer ce très beau documentaire sur la vie de quatre grands guitaristes manouches, Angelo Debarre, Moreno, Ninine Garcia et Tchavolo Schmitt. On voit en toute simplicité comment ils vivent et ressentent les choses. Cela fait du bien d’entendre les propos pertinents (en particulier d’Angelo Debarre) et généreux de ces artistes qui perpétuent l’art de Django Reinhardt que, modestement, ils savent inimitables. CADEAUX Tous les livres dont nous avons parlé dans cette lettre comme dans les trois précédentes pourraient aisément constituer de beaux cadeaux selon les goûts et pour des sommes raisonnables. Rappelons en particulier la parution en juillet dernier du stimulant et revigorant « Crack Capitalism » de John Holloway (éd Libertalia). Nous vous suggérons quelques autres ouvrages qui n’ont pas été excessivement mis en valeur par les critiques et les libraires mais dont l’intérêt ne fait aucun doute : « Du style tardif » du regretté Edward Saïd (Actes Sud), « Journaux de l’exil et du retour » de Günther Anders (Fage éditions, août 2012), « Les employés » de Siegfried Kracauer (éd Les Belles Lettres, septembre 2012) avec des recensions de Walter Benjamin, d’Ernst Bloch et Theodor W. Adorno, « Feel Like Going Home, Légendes du blues et pionniers du rock’n’roll » de Peter Guralnick (éd RivagesRouge, juillet 2012) et pour finir un bon petit polar d’un écrivain noir américain résidant à Paris, Jake Lamar, « Rendez-vous dans le 18e » (Rivages/Noir, juillet 2012). IN SITU Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne un article intitulé « Le massacre de Marikana et les grèves sans relâche des mineurs en Afrique du Sud ». Bonnes fêtes à toutes et à tous, Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mél. : Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ |
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