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Journal de notre bord

Lettre no 134 (le 13 octobre 2011)

Bonsoir à toutes et à tous,

Les soucis nous accablent : garder son travail, trouver un
travail, payer ses factures et ses traites, garder la santé
ou la retrouver, soutenir les membres de sa famille, etc.
Et pourtant nous aurions de bonnes raisons de relever la tête,
de nous réjouir des luttes et contestations qui se
multiplient dans de nombreux pays et qui finiront bien par
entamer le fatalisme, la sinistrose que les profiteurs du
système ont instillé dans nos cerveaux en nous répétant en
boucle et sur tous les tons : « Il n'y a pas d'alternative !
Il n'y a pas d'alternative ! Il n'y a pas... ». L'effet
hypnotique n'est pas garanti à long terme.

Comme si cela ne suffisait pas, l'hebdomadaire britannique
« The Economist » a titré en page de couverture au début du
mois : « Be afraid ! » Ces adorateurs du capitalisme
commencent à s'effrayer de la tournure que prend la crise de
cette économie dérégulée qu'ils ont adorée sans modération.
Ils craignent très sérieusement son écroulement, ils pestent
contre les gouvernants qui ne font rien et ils aimeraient
bien nous faire partager leur peur : « Soyez effrayés parce
que rien ne peut contrôler et freiner la course à l'abîme de
ce système. »

Sauf que dans les pays arabes, en Europe, au Chili, en
Bolivie, à Mayotte, à Saint-Domingue, bien des opprimés,
exploités, endettés, indignés et carrément révoltés ne
voient pas les choses comme eux. Il y a une alternative.
Cela commence à se voir dans les rues où on manifeste et sur
toutes les places de la liberté qui poussent comme des
champignons en cet automne.

C'est à présent à New York et dans la plupart des grandes
villes des États-Unis que souffle un vent de contestation du
système. Le mouvement commence à gagner certaines villes en
Suisse comme Zurich, Bâle et Genève.

Pour celles et ceux qui ont rejoint le campement né le
17 septembre à Manhattan, c'est une expérience de liberté
et de bonheur imprévu que de défier collectivement Wall Street
et ses forces destructrices, celles du profit effréné qui
enfoncent des centaines de millions de gens de par le monde
dans la misère et la précarité, qui provoquent les guerres
et compromettent les chances de vie sur la terre.

L'arme de l'initiative imprévue a encore frappée. Car il y a
peut-être des analystes qui s'en doutaient, qui avaient vu
des signes précurseurs ; mais, au jour d'aujourd'hui, ils ne
peuvent pas nous dire où les futurs craquements et
rébellions vont se produire. Cela n'a d'ailleurs aucune
importance et c'est même un atout que les gens qui
détiennent les pouvoirs politiques, militaires, policiers,
financiers et industriels ne sachent pas quand ni comment
les peuples vont s'insurger.

Les médias et les politiciens américains marchent sur des
œufs et ne préfèrent pas trop, pour l'instant, attaquer et
dénigrer ce mouvement, même si cela n'a pas empêché des
autorités locales à New York et récemment à Boston de
procéder à des arrestations massives.

La vraie démocratie est en train de se faire, de se
réinventer sur le terrain selon des critères inverses de
ceux en cours dans la société fondée sur l'argent, les
hiérarchies, les concurrences et les rapports de forces :
pas de violence dans les relations entre les gens, l'écoute
de tous les points de vue, l'organisation commune et
paisible de la vie (nourriture, crèche, questions
sanitaires, informations, etc.). Il y a là des lieux qui
sont des espaces de liberté, à la fois des espaces
d'opposition et de réflexion sur les rouages de l'économie
et de la société. On trouvera sur les sites
http://occupywallst.org/ et http://www.occupytogether.org/
des textes et des vidéos d'un grand intérêt pour comprendre
ce mouvement initié par des jeunes mais qui est également
rejoint par des moins jeunes ou des anciens, militants,
journalistes, syndicalistes ou citoyens de base.

La force et l'ampleur du mouvement sont impossibles à
prévoir. Mais une nouvelle mondialisation se développe et se
construit, celle des révoltes, des refus, des résistances,
des désobéissances et des luttes de toutes sortes, pour une
autre vie, ensemble, sur cette planète qu'il nous faut
sauver.
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Le stade primaire de la démocratie
Freedom
La parole est au poète
Compositrice inconnue
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LE STADE PRIMAIRE DE LA DÉMOCRATIE
Beaucoup de gens aiment qu'on leur demande leur avis et
aimeraient pouvoir se prononcer un peu ou beaucoup sur les
grandes questions. Les primaires du Parti socialiste ont
bénéficié de cette aspiration bien compréhensible ainsi que
celle de virer Sarkozy.

Pour ne pas trop passer pour des oligarques ringards, la
plupart des politiciens de droite, (à part quelques aigris
et Sarkozy lui-même), ont préféré dire que la consultation
des primaires était une bonne idée. Au demeurant elle n'est
pas follement nouvelle. Aux États-Unis, cette procédure
rituelle ne relève pas en soi d'un démocratisme échevelé.

D'ailleurs, plutôt que d'organiser des débats publics où
tout un chacun auraient pu intervenir, le Parti socialiste
a préféré, à l'instar des Démocrates et Républicains
américains, s'en tenir avant tout aux shows télévisés, bien
ficelés et formatés. C'est un genre de foire aux opinions et
aux formules ronflantes qui n'engagent pas celles et ceux
qui les émettent. En somme, il s'agit de spectacles de
diversion, à défaut d'être divertissants. Dans ces
conditions, la seule question est de savoir qui sera PDG
(Président), qui sera DRH (Premier ministre) en mai 2012
de l'entreprise France, endettée par les cadeaux aux riches,
délestée de ses services publics mais toujours prête à
rançonner les classes populaires, à renflouer les banques et
à garantir la belle vie à la bourgeoisie. L'équipe de
Sarkozy est tellement usée jusqu'à la corde, même si elle
continue à trancher dans le vif de notre pouvoir d'achat et
de nos droits élémentaires, que les gros médias contrôlés
par des gens du CAC 40 comme Bouygues, Lagardère ou Bolloré,
ont fait le choix de crédibiliser à fond l'opération des
primaires socialistes. Car ils sont réalistes et ne seraient
pas contre une nouvelle équipe « fraîche » à leur dévotion,
qui fasse un temps illusion et prenne des décisions
« lourdes » comme dirait François Hollande. Ce seront des
mesures d'aide au capital sous toutes ses formes qui ne
manqueront pas de démoraliser la population comme le fait
Papandréou en Grèce ou Zapatero en Espagne. Mais entre
temps, la population peut aussi se passer de ces gens-là,
prendre des chemins de traverse pour inventer une démocratie
vivante, directe, émancipatrice.


FREEDOM
À l'automne 2001, l'écrivain américain Jonathan Franzen
avait publié un roman très réussi, « Les corrections »
(éd de l'Olivier, réédité en collection de poche Points)
qui avait fait un peu scandale par sa verve sarcastique sur
le mode de vie des couches moyennes américaines, au moment
où toute la classe dirigeante et la plupart des intellectuels
et journalistes en appelaient à l'unité de la Nation pour
faire la guerre aux « terroristes ».

Son dernier roman, « Freedom » (éd de l'Olivier, août 2011,
718 pages), en est d'une certaine façon la suite
chronologique, même si la famille qui est au cœur de ce
récit n'est pas la même.

La tonalité en est sensiblement différente. Franzen a
beaucoup moins le cœur à railler les illusions, les
névroses, les ridicules et les stéréotypes qui habitent ses
personnages pour la plupart à la fois lucides et
pathétiques. Il les montre dans les situations les moins
glorieuses, avec une sorte d'acharnement désolé. Les deux
mandats de Bush ont été dévastateurs et ont jeté un voile de
tristesse et de frustrations inextinguibles, y compris chez
des gens qui ont cru à la fable des armes de destruction
massives de Saddam Hussein ou qui ont pratiqué le cynisme
à haute dose pour faire fortune et dans leurs relations
intimes.

Cependant Franzen sait mener son affaire, maintenir
l'intérêt et même la pression sur le lecteur qui est pris
dans une nasse peu agréable mais n'a pas envie pour autant
de sauter un paragraphe. Il montre les tiraillements et
contradictions béantes d'une jeune femme championne de
basket, d'un fils qui veut être millionnaire à vingt ans,
d'un rocker talentueux qui ne voudrait pas se ranger, d'un
mari ou de parents animés par des préoccupations écologiques
ou de gauche. Il montre surtout à quel point, toutes les
relations sociales et en particulier familiales sont
marquées par la concurrence entre les individus, pour
dominer, être reconnu, être aimé ou même détesté.

Dans ses interviews, Franzen a exprimé à quel point il
admire et s'inspire de grands écrivains comme Stendhal ou
Tolstoï. Certains critiques se sont gaussés de lui à ce
propos et on trouvé que « Freedom » ne dépassait pas le
niveau d'une série télévisée américaine. De toute façon
certaines séries ne sont pas dénuées d'intérêt ni de
sagacité ; et si ce roman n'est pas un chef d'œuvre, on ne
peut pas contester à son auteur ses qualités d'analyse de la
psychologie complexe de ses personnages désemparés. Les
appréciations sur le style et la qualité de la narration
sont question de goût personnel. Mais avec ce roman, on
dispose incontestablement d'un tableau original et
intéressant sur l'évolution d'une bonne partie de la société
aux États-Unis au cours des vingt dernières années.


LA PAROLE EST AU POÈTE
Dans la lettre n°55 du 7 avril 2005 que vous pourrez
retrouver aisément dans les archives du « journal de notre
bord », nous avions parlé du poète suédois Tomas
Tranströmer. Nous n'avons rien de consistant à ajouter aux
lignes que nous lui avions consacrées.

Dernièrement le prix Nobel de littérature lui a été
attribué. En soi l'événement n'apporte rien de plus à
l'intéressé et à son œuvre mais il aura peut-être la
conséquence heureuse de donner envie de lire ou de relire
certains de ses poèmes (« Baltiques », éd Poésie/Gallimard)
ou sa prose (« Les souvenirs m'observent » (éd Le Castor
Astral).

Lire un tel écrivain, c'est vivre pour un temps dans un
monde décalé, à la fois moderne et ancestral, et où la
nature a tous les droits, et avant tout celui de nous offrir
des rêves et sensations inusitées.


COMPOSITRICE INCONNUE
On peut aisément constater que l'histoire de la musique
occidentale a été jusqu'à une période récente avant tout une
affaire d'hommes. Le tableau se nuance quand on a
suffisamment de curiosité pour s'intéresser aux femmes
compositrices. La plupart restent encore inconnues comme
Fanny Hensel-Mendelssohn, Clara Schuman ou Louise Farrenc
dont nous avons eu l'occasion de parler.

Aujourd'hui nous allons attirer l'attention sur Mélanie
Bonis (1858-1937). Cette femme issue d'une famille modeste a
voulu être pianiste et composer de la musique alors que
personne ne l'y poussait. Elle réussit à entrer au
Conservatoire de Paris grâce à César Franck et elle eu à un
moment comme condisciple un certain Debussy.

Tombée amoureuse d'un chanteur, ses parents brisèrent son
idylle et l'obligèrent à quitter le conservatoire pour faire
un mariage à leur convenance avec un veuf déjà âgé, riche
industriel qui avait trois enfants. Devenue mère de famille
nombreuse, très croyante et toujours passionnée par la
musique, elle s'obstina malgré tout à composer en dépit de
ses obligations de mère et maîtresse de maison.

En entendant son premier quatuor, Saint-Saëns déclara. :
« Je n'aurais jamais cru qu'une femme fût capable de cela.
Elle connaît toutes les ficelles du métier. » !

Elle connut une certaine notoriété entre 1900 et 1910 car
ses œuvres originales s'inscrivaient dans la sensibilité du
courant symboliste qui influença également Debussy. Elle les
publia sous le nom de Mel Bonis pour cacher le fait que
c'était une femme qui les avait composées.

La jeune pianiste Maria Stembolskaya qui a fait ses études à
Bakou et à Moscou interprète avec beaucoup de panache un
certain nombre de ses pièces pour piano dans un
enregistrement intitulé « Femmes de légende », œuvres pour
piano (CD Ligia) Sept femmes de légende et 11 pièces. Ce
sont des morceaux extrêmement variées, humoristiques,
tendres ou tragiques.
D'autres jeunes interprètes ont à cœur de faire connaître
d'autres oeuvres


Pour conclure, nous remercions plus particulièrement celles
et ceux qui ces derniers mois ont découvert notre site, se
sont abonnés à cette lettre et sont les bienvenus.

Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
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  mél. : Culture.Revolution@free.fr
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