Journal de notre bordLettre n°77 (22 janvier 2007)Bonsoir à toutes et à tous, A la réflexion, adresser ses bons voeux à tout un chacun, à la volée comme le geste auguste du semeur chez le peintre Millet, comporte quelques difficultés. Les voeux à la louche comme vient de les pratiquer un président en fin de règne et peut-être d'impunité à l'égard de la Justice ont quelque chose d'un peu suspect quant au degré de sincérité. Les voeux servent alors surtout à rassurer et à réconforter celui qui les formule et espère malgré tout passer à la postérité pour un honnête homme. Le souhait particulier pour 2007 que nous pouvons adresser à nos lectrices et à nos lecteurs, en dépit des problèmes de santé, d'argent, d'emploi, de logement, de relations au travail ou en famille et autres embistrouilles pénibles, c'est de tenter malgré tout d'être heureux par toutes les voies possibles, dont celles des luttes, de la culture et des solidarités qu'elles créent. Comme disait le poète Jacques Prévert : " Être heureux ne serait-ce que pour donner l'exemple ". _______________________________________________ L'Afrique qui lutte L'amnésie du présent Le chômage et ses secrets Empathie et autisme Au pays du long nuage blanc La révolution à la tv The last show La crosse en l'air Américaine de Paris ___________________________________________ L'AFRIQUE QUI LUTTE Les médias dominants nous montrent une Afrique ravagée par la famine, le sida et les guerres ethniques et pratiquement jamais des Africains qui luttent pour changer leur sort. Il faut donc porter notre attention sur la Guinée où pour la troisième fois en un an une grève générale touche le pays. Les salaires dans ce pays tournent entre 20 et 40 euros par mois. La grève actuelle dure depuis douze jours. Elle s'est accompagnée de puissantes manifestations et d'une répression par l'armée qui a déjà fait dix morts sans parvenir à briser le mouvement. Les travailleurs, les lycéens et d'une manière générale la population exigent une hausse des salaires, une baisse du prix du riz, le départ des corrompus qui sont au pouvoir et le retour en prison de l'un d'entre eux, le millionnaire Mamadou Sylla qui a détourné allègrement des fonds publics. Comme bien d'autres pays africains, la Guinée est riche en ressources naturelles. Elle est le premier exportateur de bauxite. Les multinationales s'enrichissent sans pratiquement payer d'impôts et leurs complices locaux s'en mettent plein les poches. En dépit des lacunes de nos informations, des luttes de travailleurs, d'ouvriers, de fonctionnaires ou de paysans pauvres se poursuivent également au Bengladesh, au Bengale occidental, au Mexique, en Chine, etc. Luttes difficiles, souvent réprimées, isolées, divisées. Mais luttes qui mettent en évidence la nécessité de reconstruire une Internationale des salariés et des paysans pauvres du monde entier. L'AMNÉSIE DU PRÉSENT Sous l'enseigne du devoir de mémoire se cache bien souvent l'amnésie du présent. L'État français rend hommage avec un léger retard de plus de soixante ans aux rares hommes et femmes qui ont simplement et courageusement sauvé de la déportation des juifs. L'État français de Vichy livrait les juifs aux nazis. Simultanément à cet hommage tardif, les gouvernants actuels, leurs préfets et leurs policiers continuent la chasse à des enfants et des adultes étrangers qui ont fui des régimes dictatoriaux ou encore des pays où des bandes de fanatiques obscurantistes, nationalistes ou religieux, veulent les opprimer, les emprisonner, voire les massacrer. Heureusement, une poignée d'hommes et de femmes regroupés notamment dans le Réseau Éducation Sans Frontières s'efforcent de les aider, de les cacher et d'empêcher qu'ils soient séparés, expédiés dans un pays où ils risquent d'être livrés à la vengeance de bourreaux officiels ou officieux. Pour prendre connaissance des poursuites en cours et pour réagir, consulter le site : http://www.educationsansfrontieres.org/ LE CHÔMAGE ET SES SECRETS Nul n'ignore que le gouvernement s'ingénie à faire baisser les chiffres officiels du chômage tandis que le chômage réel continue fortement à progresser avec les ravages humains que l'on sait. En mars dernier, une jeune conseillère de l'ANPE, Fabienne Brutus, a livré des informations et des témoignages très précieux dans un livre intitulé " Chômage, des secrets bien gardés, La vérité sur l'ANPE " (éd J-C Gawsewitch). Sa réédition au Livre de Poche, (285 pages), va permettre à un plus grand nombre de découvrir le détail du fonctionnement du système du chômage en France. L'auteure décortique la façon dont le gouvernement nous ment dans son interprétation des chiffres, en particulier en ne comptabilisant que la catégorie 1 (" personne sans emploi, immédiatement disponible, recherchant CDI à temps plein ") alors qu'il y en a huit dans le classement de l'ANPE. Au lieu de passer en dessous de la barre des 10% de la population active, le chômage réel a largement dépassé la barre des 15%. La direction de l'ANPE déploie toute son imagination pour toiletter les chiffres dans le sens gouvernemental et concrètement pour radier des chômeurs par milliers sous divers prétextes. Le métier de conseiller accompagnant le chômeur dans ses démarches et lui faisant des propositions de poste ou de stage conformes à ses intérêts devient, sous la pression administrative, de plus en plus un métier consistant à culpabiliser les chômeurs et à les fliquer pour " faire du chiffre " de radiations. Qui plus est l'ANPE est talonnée et mise en concurrence par des officines privées de placement directement liées au patronat. Le chapitre " Une journée à l'ANPE " montre de façon vivante et mordante dans quelles situations impossibles se trouvent à la fois les conseillers et les chômeurs. L'hypocrisie et la nocivité du Plan dit de " cohésion sociale " sont mises en pièces de façon minutieuse. Un livre indispensable pour résister, avec des faits et des arguments, à tous les mensonges patronaux et gouvernementaux sur le chômage. EMPATHIE ET AUTISME La recherche scientifique cerne de mieux en mieux le phénomène de l'empathie, la capacité qui permet de percevoir immédiatement l'état d'esprit de l'autre et d'éprouver jusqu'à un certain point ce qu'il ressent. L'empathie semble reposer sur un réseau de neurones dit miroirs qui s'activent dans ce type de situations où l'on peut saisir les intentions d'autrui. La revue " Pour la Science " de janvier publie deux articles importants qui sont liés entre eux, l'un sur les neurones miroirs (dont on ignorait l'existence il y a dix ans) et l'autre sur l'autisme. Diverses expériences semblent mettre en évidence un dysfonctionnement du réseau des neurones miroirs chez des enfants autistes. Or un des aspects de l'autisme est la difficulté pour le sujet à entretenir des interactions sociales, par absence d'empathie. L'enquête est en cours mais elle apparaît déjà bien engagée et susceptible un jour d'atténuer les symptômes de l'autisme. AU PAYS DU LONG NUAGE BLANC Au sud du sud si l'on ose dire, à la lisière du monde, se trouve un pays encore moins connu que l'Australie, la Nouvelle-Zélande. A part quelques images touristiques ou sportives et aussi l'épisode dramatique et honteux du coulage du Rainbow Warrior par des agents secrets français dans le port de Auckland, nous ne savons pas grand chose de ce pays et de sa société sous nos latitudes. La littérature peut combler utilement nos lacunes. Une douzaine d'écrivains néo-zélandais ont été invités à sillonner la France à l'automne dernier au cours d'une manifestation culturelle annuelle appelée " Les Belles étrangères ". La revue Europe a consacré un numéro à la littérature néo-zélandaise. On retrouvera une anthologie et une présentation de ces douze écrivains fort différents dans un recueil édité par Sabine Wespieser, qui est accompagné, pour une somme globalement raisonnable, d'un DVD d'une heure d'interviews dans leur pays d'origine. Parmi ces romanciers, nouvellistes, poètes ou auteur de BD, on ne peut pas adorer tout le monde mais plusieurs auteurs sont très attachants. Une amie nous recommande dès maintenant la lecture du grand roman de Fiona Kidman, " Rescapée " (éd Sabine Wespieser) où il est question entre autres de l'enlèvement par les Maori, en 1834, d'une femme de baleinier. LA RÉVOLUTION À LA TV " Alors ? Y a-t-il eu une Révolution ou pas, dans notre ville il y a seize ans? " Telle est la question que pose un affairiste roumain qui anime une chaîne de télévision et qui veut célébrer par un débat avec deux témoins locaux, la chute du dictateur Ceaucescu survenue le 22 décembre 1989. Tel est le thème central du film de Corneliu Porumboiu, " 12 h 08 à l'est de Bucarest ". Il ne s'agit en rien d'un film documentaire digne d'une soirée historique sérieuse sur Arte mais d'un film où le spectateur n'a le choix que de rire s'il ne veut pas sombrer dans la tristesse. Car cette ville délabrée et la vie qu'on y mène aujourd'hui comme hier sont infiniment tristes. Tout le monde se déteste avec plus ou moins d'entrain. Seuls quelques gros malins qui étaient déjà du côté du manche sous l'ancien régime se sont enrichis. Alors, quand un professeur alcoolique, endetté et xénophobe veut jouer au héros de la Révolution, ça ne passe pas comme une gorgée de vodka dans son gosier. Un film sardonique qui, mine de rien, en dit beaucoup sur l'état de la Roumanie actuelle. THE LAST SHOW Le cinéaste américain Robert Altman nous avait habitué à des films impitoyables sur la société américaine. Il aura pris congé de nous avec un humour tranquille et beaucoup d'élégance dans " The Last Show " dont le titre initial était " A Prairie Home Companion ". Ce " manuel du foyer de la prairie " est le titre d'une émission de radio dans le Middle West où la musique country, les annonces publicitaires plus ou moins bidon alternent avec des anecdotes nostalgiques et des plaisanteries à deux cents d'un mauvais goût assumé. Tout pourrait continuer tranquillement si le propriétaire du théâtre où l'émission est enregistrée chaque samedi soir n'avait pas décidé de le raser pour en faire un parking. Altman semble se moquer de sa propre nostalgie mais il n'est pas dupe. Dans l'Amérique actuelle, les fonds de pension se vendent mieux que les vieux sketchs et les vieilles rengaines. LA CROSSE EN L'AIR 1936 est l'année où une grève générale en France et une révolution en Espagne ont éclaté. Face à ces mouvements puissants de travailleurs, le pape Pie XI et l'Eglise choisirent avec empressement de faire collusion avec les fascistes. L'écrivain Jacques Prévert dégoupilla un texte anti-clérical, décapant et joyeux, " La Crosse en l'air ". La compagnie Jolie Môme qui a réjoui bien des publics avec ce texte va le jouer à nouveau du 8 mars au 1er avril prochain au Théâtre La Belle Étoile à la Plaine Saint Denis. Grand plaisir garanti. On peut effectuer des réservations dès maintenant en consultant le site http://www.cie-joliemome.org/ . Nous prenons bonne note qu'il faut se rendre métro Porte de la Chapelle et ensuite à pied ou en bus à l'arrêt de l'Église de la Plaine. " La Chapelle, l'Église, Saint-Denis ", ça ne s'invente pas et Prévert aurait apprécié. AMÉRICAINE DE PARIS En dépit des apparences, les chanteuses de jazz en activité ne sont pas légions. Sara Lazarus, Américaine vivant à Paris, en est une au plein sens du terme par sa capacité à affronter tempo lent ou tempo rapide et à s'emparer sans chiqué des standards, avec sa sensibilité extrêmement sympathique et sa belle énergie. Son deuxième enregistrement, " It's All Right With Me " (CD Dreyfus Jazz/Sony & BMG) est une réussite à laquelle contribue de façon étincelante le guitariste Biréli Lagrène et son Gipsy Project. Un CD tonique qui met formidablement de bonne humeur. Bien fraternellement à toutes et à tous Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mèl : Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ |
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