Culture & Révolution

Sommaire

Liste par thèmes

 

Journal de notre bord

Lettre n°61 (9 octobre 2005)

Bonsoir à toutes et à tous

La plus grande part de l'humanité est sacrifiée pour que des
chiffres s'envolent, ceux du CAC 40, ceux du pétrole, ceux
de l'immobilier... Les pouvoirs qu'on appelle gouvernements
ne gouvernent rien du tout en la matière. Ils accompagnent
servilement les mouvements furieux des capitaux sur l'arène
mondiale. Ils leur dégagent les derniers obstacles. Ils
privatisent à tout va. Ils défiscalisent les riches. Ils
facilitent leurs achats à bas prix sur le marché des
esclaves salariés. Le code du travail ne sera bientôt plus
qu'un vieux document historique à ranger à côté des
règlements des corporations du Moyen Age.

Nous tous comprenons la nature des injustices qui tombent en
avalanches sur les classes populaires. Nous en sommes
indignés. Mais encore ? Un des points qui aide beaucoup le
système du profit à continuer sa course effrénée est celui-
ci. Nous n'acceptons pas facilement d'admettre que nous
sommes tous des esclaves de ce système. Cela à plusieurs
titres : esclaves attendant un emploi ou esclaves ayant peur
de le perdre, esclaves consommateurs formatés. Nous
préférons penser que nous sommes des êtres libres, des
citoyens ayant un pouvoir de décision, des consommateurs
intelligents, des individus pouvant modifier la donne dans
leur coin, des personnes plus heureuses ou plus
malchanceuses que d'autres, etc. Nos différences nous
divisent au lieu de nous unir.

Ce serait pourtant un grand progrès si nous admettions tous,
hommes et femmes, ouvriers ou cadres, chômeurs ou en
activité, de ce pays ou d'un autre, de cette couleur ou
d'une autre, que nous sommes tous, à un degré ou à un autre,
des esclaves du système du profit. Nous pourrions aspirer
enfin à être libres dans toutes les dimensions de
l'existence. Nous commencerions alors à nous donner une
chance de lutter ensemble pour l'abolition du capitalisme,
l'esclavage de notre époque.
_________________________________________

Migrations
On nous dit tout et son contraire
La Fontaine, moderne et ancien
Solidaires
Qu'est-ce que la matière ?
Compositrice
In situ
Anniversaire
_________________________________________

MIGRATIONS
On ne peut pas nier que parfois, les grands médias nous
informent. Nous avons donc vu ces jeunes immigrants
africains tentant de franchir les barbelés et les barrages
policiers de " l'Europe démocratique ". Certains ont été
tués. La plupart ont été refoulés, certains jusqu'au coeur du
Sahara. Informations révoltantes mais incomplètes. On ne
nous a pas montré d'autres gens faisant le voyage dans le
sens inverse, sans rencontrer de barbelés ni risquer la
prison ou la mort. L'argent et les relations au plus haut
niveau abolissent les frontières. Tout se passe bien pour
les industriels européens, et en particulier français,
allant faire de bonnes affaires au Maroc. Ce pays est
charmant pour certains hommes politiques, des stars du show
business, des écrivains à succès allant se détendre dans
leur belles demeures personnelles ou dans des palaces de
Marrakech, de Rabat ou de Casablanca. On aimerait connaître
la liste complète de ces " élites humanistes " habituées des
plateaux télé, propriétaires de grands médias, gros
annonceurs publicitaires, tous les profiteurs directs ou
indirects de la misère au Maghreb et en Afrique noire.


ON NOUS DIT TOUT ET SON CONTRAIRE
Pour les chaînes de télévision, les tornades, cyclones et
inondations sont souvent des occasions de mises en images
spectaculaires et stressantes. Bien souvent leur objectif
principal n'est ni de mentir, ni de dire la vérité. Il est
de provoquer des émotions intenses pour nous scotcher à
l'écran. Un reportage sur la catastrophe qui a frappé la
Nouvelle Orléans en a été l'illustration parfaite. On y
voyait une habitante sur une barque accompagnée de
sauveteurs, hurler le prénom de sa soeur Judith en espérant
qu'elle donnât signe de vie. Sur FR3 le commentaire
signalait, après un ultime cri particulièrement
insoutenable, que cette femme venait de retrouver sa soeur
morte. L'émission de France Culture analysant le
fonctionnement des médias le samedi matin avant 9h signalait
que la télévision de la Suisse romande avait reproduit les
mêmes images en concluant que cette femme avait retrouvé sa
soeur Judith vivante. TF1, toujours sur les mêmes images,
concluait pour sa part qu'elle n'avait toujours pas retrouvé
sa soeur Judith, ni morte ni vivante. Trois versions pour une
même histoire : une déprimante, une réconfortante et une
maintenant un suspense. Il y a forcément une des trois
chaînes qui a dit la vérité et peut-être bien en l'ignorant
elle-même.


LA FONTAINE, MODERNE ET ANCIEN
Dans les échanges verbaux, un grand nombre de nos
contemporains adoptent de plus en plus un débit rapide, ce
qui les amène à avaler une syllabe sur deux, ou même trois
pour les plus performants. Rien que de normal dans une
ambiance de fébrilité compétitive où le langage doit se
plier à un rythme de zappage généralisé, au compactage des
mots induit par le tapotage de SMS et l'usage inflationniste
des sigles. Il est d'autant plus étrange de constater qu'il
existe encore des lieux où des acteurs ont une bonne
prononciation et mettent en valeur toutes les saveurs d'une
langue. A la salle Richelieu de la Comédie française, il se
joue pendant encore trois mois quelques fables du célèbre La
Fontaine, certaines connues et d'autres beaucoup moins.
Chacun peut se faire l'idée et l'illustration qu'il veut de
La Fontaine. Le peintre Chagall y avait bien réussi. Robert
Wilson, metteur en scène moderne et très visuel des fables
de La Fontaine à la Comédie française, respecte leur côté
léger, complexe et corrosif, tout en faisant preuve d'une
grande originalité.


SOLIDAIRES
De façon préférentielle, La Fontaine a abordé les
différentes formes de cruauté des dominants à l'égard des
dominés. Cependant quelques rares fables mettent en valeur
l'attachement mutuel entre des êtres vivants. Le film " La
Marche de l'Empereur " de Luc Jacquet tourné en Antarctique
est à sa façon une fable dans ce registre-là. Il vient de
sortir en DVD avec des compléments très intéressants. Un
long documentaire raconte les conditions éprouvantes du
tournage. Ce film est magnifique en dépit d'un
accompagnement musical qui laisse souvent à désirer. Les
voix planantes de synthèse ne parviennent pas à gâcher notre
fascination pour la société des manchots empereurs. La lutte
pour la vie consiste chez eux à affronter les épreuves
collectivement. Les images de comportements solidaires
risquent de choquer la sensibilité des spectateurs
farouchement individualistes.


QU'EST-CE QUE LA MATIÈRE ?
Sur le plan philosophique, il est plus facile de se dire
matérialiste que de savoir répondre à la question : qu'est-
ce que la matière ? Dans la petite collection de poche des
éditions Le Pommier, un petit livre de 185 pages portant ce
titre apporte des éléments de réponse extrêmement riches.
Les auteurs sont Françoise Balibar, Jean-Marc Lévy-Leblond
et Roland Lehoucq. On assiste à une aventure intellectuelle
où les remises en cause sont perpétuelles. On suit à la
trace les recherches d'ordre philosophique et scientifique
sur la matière depuis l'Antiquité gréco-romaine jusqu'aux
développements les plus récents de l'astrophysique. Le
parcours est parfois aride mais gratifiant pour le lecteur.


COMPOSITRICE
On ignore le plus souvent qu'il y eut de grandes
compositrices de musique classique au 19e siècle. Qui
connaît vraiment les oeuvres de Clara Schumann, Fanny
Mendelssohn ou Louise Farrenc ? Encore faudrait-il qu'elles
soient jouées plus souvent en concert et enregistrées au
disque. La situation semble enfin évoluer favorablement en
ce qui concerne Louise Farrenc, née Dumont (1804-1875).
Reconnue et estimée de son vivant notamment par Robert
Schumann, elle sombra ensuite dans l'oubli. Son passage à la
trappe comme compositrice ne peut guère s'expliquer que par
la misogynie. Elle avait investi diverses formes musicales
avec une véritable fraîcheur d'inspiration. Sans être
l'épigone de personne, sa musique s'apparente à celle de
Schubert, de Mendelssohn ou de Chopin. Ses trois symphonies
ont pour la première fois été enregistrées en 2001 par
l'orchestre de Bretagne sous la direction de Stefan
Sanderling (CD Arion disques Pierre Verany). Un bel album de
quelques-unes de ses oeuvres pour musique de chambre vient de
paraître (CD naïve). L'enregistrement a été réalisé en
concert à l'auditorium du Louvre en janvier dernier. On y
trouve des pièces pour pianos interprétées par Brigitte
Engerer et Jean-Frédéric Neuburger, un trio pour clarinette,
violoncelle et piano, et une oeuvre forte et séduisante, un
nonet pour cordes et vents très élaboré dans ses
développements.
Sites à consulter : http://www.naiveclassique.com/
http://www.andante.com/  http://www.louvre.fr


IN SITU
Depuis la lettre du mois dernier, nous avons mis en ligne
des points de vue sur deux films, " Bombon el Perro " de
Carlos Sorin et " Broken Flowers " de Jim Jarmusch. Vous
trouverez également des analyses de " Le joueur de flûte et
l'Oncle Hô " du révolutionnaire Ngô Van et de " Sociologie
politique des rumeurs " de Philippe Aldrin. Enfin nous avons
mis en ligne des points de vue sur deux romans, " Une
nihiliste " de Sophie Kovalevskaïa et " La Saison des adieux "
de Karel Schoeman.


ANNIVERSAIRE
Le site Culture et Révolution vient de fêter ses cinq ans
d'existence. Il rentre donc en grande section de maternelle.
Que va-t-il lui arriver à présent ? On ne se fait pas de
bile pour lui... Quelques visiteurs n'ont pas aimé certaines
de ses appréciations politiques. Cela prouve qu'il n'aime
pas la tiédeur mais accepte volontiers les contradicteurs.
Il a reçu de nombreux messages d'encouragement, des
suggestions, des critiques pertinentes, des propositions de
liens avec d'autres sites et toutes sortes de signes
d'intérêt.

Pour tout cela, nous disons un grand merci à toutes celles
et tous ceux qui continuent à nous lire avec curiosité et
sympathie.


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
_______________________________________

  Pour recevoir ou ne plus recevoir
    cette lettre, écrivez-nous:

  mèl : Culture.Revolution@free.fr
 http://culture.revolution.free.fr/
_______________________________________

< O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_061_08-10-2005.html

Retour Page d'accueil Nous écrire Haut de page