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Journal de notre bord

Lettre n°54 (le 16 mars 2005)

Bonsoir à toutes et à tous,

Dans ce pays le printemps commence lorsque les policiers
sont autorisés à expulser des milliers de personnes et de
familles qui n'ont pas de quoi payer un loyer. C'est ça
l'Etat de droit : le droit des propriétaires de logements
d'expulser, le droit des propriétaires d'entreprises de
licencier, le droit des propriétaires de l'Etat de se loger
gratis et de façon princière aux frais des contribuables, le
droit d'expulser manu militari les sans papiers, etc. Le
fric et les relations en haut lieu donnent tous les droits
et les retirent à ceux qui n'en n'ont pas. La croissance se
porte bien : celle des profits, celle du nombre de chômeurs
et celle des personnes au RMI.

Mais le printemps social a commencé à pointer le bout de son
nez. Un million dans la rue, c'est encore peu mais tout de
même. En termes d'efficacité la pression des salariés dans
la rue n'a eu comme effet palpable pour l'instant que
d'inciter le nouveau PDG de Bercy, Breton, de faire un
nouveau cadeau fiscal aux patrons. Au prétexte de les
inciter à donner de petites primes d'intéressement à leurs
salariés. Le PDG de Bercy a précisé que les patrons
n'étaient pas du tout obligés de le faire. Donc l'Etat va
encore gratter sur les budgets des services publics pour
inciter les patrons à ne pas augmenter les salaires ! Belle
manoeuvre des nantis. Pure provocation à l'égard des
salariés, qui pourraient bien leur balancer " leur ressenti "
en pleine figure. Il est clair qu'il va nous falloir non
seulement descendre plus nombreux dans la rue et en adoptant
un profil beaucoup plus menaçant.
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Déclaration
Cocktail explosif
Europe des travailleurs
À l'écran
Docteur Jerry
Tout doucement
Octet à découvrir
Cordes sensibles
In situ
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DÉCLARATION
En recevant nos déclarations d'impôts, nous avons découvert
en cadeau d'accompagnement la prose de deux personnes se
faisant passer, l'un pour le ministre de l'économie et des
finances et l'autre pour celui du budget. Le premier,
Gaymard, n'est même plus en fonction. Dans ces conditions
sommes-nous vraiment obligés de renvoyer leurs formulaires ?
Hervé Gaymard et Jean-François Copé écrivent : " Nous
prenons devant vous l'engagement d'oeuvrer pour que chaque
euro dépensé en votre nom soit un euro utile, au service de
notre pays et pour l'avenir de nos enfants. " Ainsi ces
ministres ont besoin de nos euros pour l'avenir de leurs
enfants (Gaymard a une famille nombreuse) et au service de
leur pays, celui des riches. Ils ont la candeur de conclure
leur missive ainsi : " Vous pouvez compter sur notre
mobilisation. "

A charge de revanche : eux et leurs semblables peuvent
compter sur notre mobilisation qui sera d'un tout autre
ordre.


COCKTAIL EXPLOSIF
On assiste à une imbrication tout à fait plaisante entre les
mobilisations sociales et l'éveil des préoccupations
politiques concernant le traité constitutionnel européen.
Des salariés du privé commencent à reprendre le chemin de la
lutte comme on l'a vu notamment à Citroën-Aulnay. De
nombreux lycéens ne se préoccupent pas seulement de leur
avenir personnel mais aussi de celui de la société. Les
chercheurs se sont remobilisés. Les revendications et les
aspirations sociales et politiques des salariés et des
jeunes commencent petit à petit à se relier dans les
esprits.

Chirac et Hollande s'arrachent leurs derniers cheveux pour
que les électeurs des classes populaires ne soient pas
tentés de sanctionner la politique du gouvernement Raffarin
qui n'est pas bien différente de celle de Berlusconi, Blair
ou Schröder en votant non au référendum du 29 mai. C'est
terriblement tentant ; et si nous étions une majorité à
céder à la tentation de voter NON, quelle formidable baffe
pour tous les gouvernants de l'Europe capitaliste faisant
passer leurs contre-réformes libérales et pour tous les
petits avocats hypocrites essayant de nous faire croire à la
possibilité d'un capitalisme " à visage humain ", un
capitalisme " non sauvage ".

Crise sociale et crise politique ont toujours été
indissociables dans l'histoire de la lutte de classe.
Contribuons à faire mûrir l'une et l'autre pour envisager
ensuite des transformations fondamentales.


EUROPE DES TRAVAILLEURS
Et si le non l'emportait au référendum ? Il faudrait peut-
être réfléchir dès maintenant à la suite. Que fait-on
notamment des autres traités, que fait-on des accords et
traités antérieurs (les accords de Schengen, Maastricht,
Amsterdam, Nice, etc) ? La revue Carré rouge vient d'éditer
en brochure un recueil de 32 pages analysant l'enjeu de ce
référendum dans tous ses aspects essentiels et mettant en
débat l'avenir de l'Europe. Les deux textes composant ce
supplément au n°31 sont accessibles sur le site :
http://www.carre-rouge.org/ 

Il y a bien sûr et heureusement une partie des arguments qui
sont communs à tous ceux de gauche et d'extrême gauche qui
oeuvrent pour la victoire du non. Mais Carré rouge attire
l'attention sur des questions parfois insuffisamment
développées ou négligées comme celle de l'Europe que nous
voulons, une " Europe des travailleurs " prenant toute une
série de mesures concrètes.


À L'ÉCRAN
Les Césars n'ont pas que du mauvais puisqu'ils permettent à
ceux qui l'avaient raté de voir à l'écran l'excellent film
" L'esquive " sur des jeunes de banlieue jouant une pièce de
Marivaux. Nous avons également trouvé à la fois intéressant
et très sympathique le film d'Eran Riklis, " La Fiancée
syrienne ". Israël continue à occuper un morceau du Golan
syrien même si une partie a été restituée en 1981. De ce
fait les 15 000 Druzes du Golan sous occupation sont coupés
du reste par une frontière qu'on ne traverse pas facilement
même quand on est destinée à être mariée à un comédien
syrien de Damas. Le film fait ressortir de façon tragi-
comique l'absurdité des frontières, de l'arbitraire des
militaires des deux côtés et la pesanteur des codes sociaux
opprimant les femmes. L'actrice Hiam Abbas joue la soeur
aînée de la fiancée. Elle exprime avec beauté l'aspiration
d'une femme à être libre.


DOCTOR JERRY
Si vous êtes patraque ou morose, nous avons de quoi vous
soigner. On ne sait pas suffisamment que Jerry Lewis est un
des génies comiques du cinéma américain. Son talent a surgi
dans les années cinquante et a culminé au début des années
soixante avec " Dr Jerry et Mister Love " (The Nutty
Professor, 1963). Ce film où les gags arrivent en rafales
dans tous les registres possibles du comique est depuis peu
accessible en DVD Paramount. Il est indispensable de choisir
la version avec des bonus copieux et aussi drôles que le
film lui-même. Les essais de promo et les prises ratées sont
inénarrables. Une deuxième vision du film avec les
commentaires de Jerry Lewis et Steve Lawrence permet de rire
aux larmes une deuxième fois et d'apprécier en détail l'art
très élaboré de l'acteur et du réalisateur.

Jerry Lewis s'est inspiré très librement de l'histoire de
Stevenson, " Docteur Jekyll et Mr Hyde ". Quand un
professeur de chimie timide et ridicule tombe amoureux d'une
de ses ravissantes élèves (Stella Stevens), des
métamorphoses et situations incroyables peuvent se produire.
Bien des stéréotypes sont mis à mal en particulier celui du
jeune mufle séducteur. La gentillesse est une grande qualité
propre à Jerry Lewis. Il a d'ailleurs déclaré un jour à
propos du roman de Salinger, L'attrape-coeurs : " Avez-vous
lu L'attrape-coeurs ? Je suis un gars dans le genre de Holden
Caulfield. " Il y a du philosophe enjoué chez cet homme-là
puisqu'il fait dire à son personnage qu'il vaut mieux être
" en accord avec soi-même dans la mesure où c'est la personne
avec qui on est amené à passer le plus de temps "... Il se
pourrait bien que Jerry Lewis ait fortement influencé un
certain Woody Allen.


TOUT DOUCEMENT
Feist est une chanteuse canadienne qu'en d'autres temps on
aurait qualifiée de pop. Ce genre des sixties et des
seventies s'alimentant aux sources du folk, du blues et du
rock semble faire un retour en douce après la lassitude
engendrée, à force, par les formes les plus déjantées,
éculées et simplistes du rock. Un sens mélodique et un
minimum de tendresse sont accueillis avec soulagement à
notre époque qui est marquée du sceau d'un désenchantement
certain. Feist exprime bien cela dans son album intitulé
significativement " Let it die ", sans doute par référence
ironique au " Let it be " des Beatles. L'ensemble du CD est
de bonne facture à l'exception de " inside and out " qui
frôle la variété facile. Souhaitons que Feist garde sa
fraîcheur en se tenant loin de la soupe du showbiz.


OCTET À DÉCOUVRIR
Dans l'histoire du jazz, les femmes qui ont composé des
arrangements et/ou dirigé un orchestre ne sont pas
nombreuses. Il y eut Mary Lou Williams qui fut aussi une
remarquable pianiste, passant avec aisance au cours de sa
carrière du swing au be-bop et au-delà (Free Spirits, CD
SteepleChase). N'oublions pas Melba Liston, arrangeuse et
tromboniste. Puis vint la compositrice Carla Bley qui
dirigea pendant des années un grand orchestre tout en jouant
du piano. Aujourd'hui Maria Schneider qui réside à New York
poursuit une belle carrière musicalement avec une grande
indépendance d'esprit sur le plan de la diffusion de sa
musique (il faut aller sur son site pour se procurer son
dernier opus).

Un ami vient de nous faire savoir que la compositrice et
arrangeuse Sylvia Versini, d'origine corse, antillaise et
italienne, dirige un excellent octet. Sa musique est marquée
par l'influence de Coltrane et du free-jazz, de Charles
Mingus, de Gil Evans, de Carla Bley, etc. Pour se procurer
son futur CD qui sera enregistré ce printemps, il faut se
rendre sur le site : http://www.chez.com/sylviaversinioctet/
[ndlr du 02/08/2008 : cette adresse n'existe plus, essayez plutôt
http://www.myspace.com/sylviaversini]


JEUNES INTERPRÈTES
C'est un vrai plaisir de découvrir de jeunes interprètes
classiques inspirés et pas encore reconnus grâce à la revue
" Classica ". En ce mois de mars c'est Lise Berthaud, une
altiste de 22 ans qui est à l'honneur. Elle interprète sur
le CD qui accompagne la revue une sonate de Brahms pour
piano et alto et deux mouvements de Robert Schumann. Elle
déclare dans une interview page 25 avoir été aidée entre
autres par Gérard Caussé, Augustin Dumay, Renaud Capuçon et
Alain Krivine. Sacré Alain, toujours sur la Brèche ! Mais
peut-être s'agit-il d'Emmanuel Krivine ? " Classica "
d'avril nous en dira peut-être plus.


IN SITU
Depuis notre dernière lettre, nous avons mis en ligne dans
la rubrique " en question " les articles suivants : l'un sur
" Éloge de la barbarie judiciaire " de Thierry Lévy, un
autre sur " Le Jihad au quotidien " de Bernard Rougier et
deux analyses respectivement sur la faillite de la " voie
ivoirienne " et sur les rapports entre forces politiques au
Moyen-Orient.

Au rayon littérature, vous trouverez des points de vue sur
trois romans : " Gadis Pantai ", un roman poignant de
l'écrivain indonésien Pramoedya Ananta Toer, " Le puits " un
roman de l'écrivain chinois Liu Qingbang donnant un aperçu
de la condition sociale des paysans tentant de devenir
mineurs, et " La Soif ", un roman de l'écrivain russe Andreï
Guelassimov dont le personnage principal est un jeune qui a
connu l'horreur de la guerre en Tchétchénie.


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder 
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