Culture & Révolution

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Journal de notre bord

Lettre n°47 (le 8 juillet 2004)

Bonsoir à toutes et à tous

Bush et sa bande vont encore en prendre pour leur grade avec
la sortie en salles des deux films, " Le Monde selon Bush "
de William Karel et " Fahrenheit 9/11 " de Michael Moore. Il
est réjouissant d'apprendre que ce dernier film remporte un
grand succès aux États-Unis. Cela illustre une fois de plus
le caractère affligeant de l'antiaméricanisme franchouillard
qui traîne dans bien des conversations. Formulons une fois
de plus une banalité, à savoir qu'il y a des Américains, en
nombre important, qui luttent contre leurs gouvernants et
contre les méfaits des capitalistes.

Et c'est justement un intellectuel américain qui attire
notre attention sur le programme du challenger démocrate de
George Bush, John Kerry. Dans sa livraison de juillet, Le
Monde diplomatique reproduit un article très argumenté de
Michael T. Klare, professeur dans le Massachusetts, sur les
projets du candidat Kerry en matière de politique étrangère.
Kerry a déclaré texto que Bush n'en faisait pas assez dans
" la guerre contre le terrorisme ". Il est pour une présence
durable des troupes américaines en Irak. S'il est élu, Kerry
veut accroître fortement les capacités de l'infanterie et
des marines. Selon Kerry, Bush est un nationaliste borné,
alors que lui se veut un " nationaliste éclairé ". Il
voudrait revenir à une implication plus forte et
systématique des autres États occidentaux aux côtés des
États-Unis dans les futures guerres ; comme au bon temps de
la guerre froide.

" Le Monde selon Kerry " sera donc toujours " Le Monde selon
les impérialistes ", tout comme celui de Bush. Autant le
savoir si nous voulons vraiment un autre monde, un monde
sans guerres.
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Ça va chauffer
De l'utilité des 4x4
Libre arbitre
Esprit collectif
Éloge de la dérision
À emporter
Odyssée
In situ
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ÇA VA CHAUFFER
La canicule n'est pas encore là mais nous l'attendons de
pied ferme. Les ministres en parlent depuis trois mois, donc
tout va bien. Les hôpitaux et les maisons de retraite ont
reçu des brassées d'instructions écrites mais, hélas, pas de
personnels ni de moyens supplémentaires. Les familles sont
invitées à venir sur place suppléer aux carences de l'État,
armées d'un brumisateur. De son côté, l'État flingue la
Sécurité sociale et les services sociaux pour sauver
l'essentiel, la sécurité des profits.

Sachant qu'à propos de la canicule, les ministres se
contenteraient d'être des moulins à paroles (ce qui n'a rien
de rafraîchissant), les enfants, petits-enfants, gendres,
brus, nièces et neveux attentionnés ont tous offerts à leurs
aïeux, un ventilateur dès le mois de mai.

Le ventilateur est promu au rang de symbole du respect dû
aux anciens en ce nouveau siècle. Sa brise et son
ronronnement seront propices pour préparer, dès le mois
d'août, le plan de table et les invitations pour les
festivités de fin d'année. En principe le ventilateur est un
objet aussi rassurant que salvateur. A condition que la
canicule n'entraîne pas de coupures d'électricité pour cause
de déglinguage de l'EDF. Car le gouvernement et les
financiers feront tout pour faire disjoncter l'EDF. Ils sont
décidés à saper l'existence de tous les services publics en
mettant à l'encan ce qu'il en reste. Et nous salariés et
retraités, sommes-nous prêts à subir ou à lutter avec
l'énergie de l'espoir ?


DE L'UTILITÉ DES 4X4
La mode des véhicules 4x4 a de quoi impressionner la
piétaille que nous sommes. Ils ont fière allure, les
propriétaires de 4x4, au volant de leurs gros et hauts
carrosses nickelés, bien adaptés aux diverses sortes de
macadam, en ville comme dans nos riantes campagnes de plus
en plus habitées par des citadins aisées, en migration
quotidienne. Ils se la jouent aventuriers, dans leurs
véhicules qui n'auront pas l'occasion d'affronter des sols
trop ingrats, comme il en existe dans le tiers-monde.

Le 4x4 doit être déclaré d'utilité publique pour plusieurs
raisons. On se plaint assez de la perte des repères. Il
était temps que la position dominante des gens à l'aise
financièrement s'affichât partout sous nos latitudes ; et
point seulement derrière les grilles et les haies de leurs
propriétés. Certains grincheux affirment que les 4x4
polluent trois fois plus qu'une voiture classique. On peut
aussi voir les choses sous un angle plus positif. En
contribuant plus que l'automobiliste moyen à l'épuisement
des réserves pétrolières, les propriétaires de 4x4
accélèrent le passage à d'autres formes d'énergie moins
polluantes. Idem pour les compagnies pétrolières. Idem pour
les militaires qui sont des écologistes à leur manière avec
ce que consomment leurs bombardiers, leurs croiseurs et
leurs véhicules blindés.

Certes lorsque les énergies fossiles auront presque
disparues, l'humanité sera définitivement au bord de
l'asphyxie et en voie de disparition. Les derniers
survivants seront peut-être convaincus de la nocivité du
système capitaliste, qui sait ? Mais il sera évidemment trop
tard pour le détruire et pour remettre d'aplomb l'atmosphère
terrestre et le système climatique. De quoi faire rire les
dinosaures qui n'étaient peut-être pas très malins mais qui
n'ont tout de même pas contribué allègrement à la
disparition de leur propre espèce.


LIBRE ARBITRE
Les firmes qui vendent des CD récriminent contre ceux qui
gravent ou téléchargent les musiques à la source. Les
raisons de ces comportements d'évitement d'achat sont
pourtant évidentes. Pour retirer la cellophane qui enveloppe
un CD, il n'y a plus, depuis belle lurette, la petite
languette permettant l'ouverture d'un seul geste ou presque.
Résultat, il faut la pointe d'un couteau de cuisine pour
parvenir à se défaire de l'enveloppe, au risque de se
retrouver aux urgences. Pour dégager les notes relatives au
CD qui sont coincées par quatre ergots de plexiglas, il faut
les saisir par surprise avec deux pinces à épiler. Ajouter à
cela, la manie de plus en plus fréquente des producteurs
d'ajouter un obstacle supplémentaire, en insérant le dit CD
dans un cartonnage extrêmement serré. Si vous réussissez à
dégager le CD de cinq millimètres, vous pouvez attraper le
bord entre les dents et tirer fermement sur le cartonnage
avec les deux mains dans l'autre sens. Mais vous risquez
d'aller chez le dentiste beaucoup plus tôt que prévu.

Après avoir remis le CD dans son boîtier en carton, un
ultime désagrément vous attend avec la colonne de rangement
: l'objet est trop épais pour se loger dans une fente comme
les autres. Garder le cartonnage ou le jeter ? Telle est la
question embarrassante à laquelle nous sommes alors
confrontés. On aura beau pester contre les firmes et la
société marchande, elles nous laisse ce genre de choix. Nous
sommes libres que diable !

Et quoi qu'il en soit, vive la musique !


ESPRIT COLLECTIF
Perdre avec panache est presque aussi convaincant que de
gagner avec modestie. Le match de football Grèce-Portugal en
a été l'illustration. Les supporters des deux équipes ont eu
la sympathique tendance à fêter ensemble l'évènement.
Certains commentateurs ont tenté d'attribuer la victoire
grecque à leur entraîneur doté du légendaire sens de
l'organisation germanique. Comment dès lors expliquer la
déroute de l'équipe allemande ? Et que l'on sache, lorsque
les Grecs ont battu les Perses il y a quelques siècles, ils
n'avaient pas un stratège allemand. Qui plus est, les
commentateurs ont rendu hommage au sens remarquable de
l'organisation de l'Euro 2004 par les Portugais ! Les
commentaires d'Aimé Jacquet sur cette finale, dans " Le
Monde " du 6 juillet, frisent carrément l'humanisme
collectiviste derrière son éloge du " relationnel collectif ".

Ce qui nous permet de conclure qu'en dépit de tout, en sport
comme ailleurs, l'esprit collectif et fraternel n'a pas de
frontières.


ÉLOGE DE LA DÉRISION
L'écrivain ukrainien Andreï Kourkov retient notre attention
depuis la parution en français de son roman " Le Pingouin "
qui fut suivie de celle du " Caméléon " (voir les points de
vue sur notre site). A l'occasion de la sortie de son
dernier roman, " Les pingouins n'ont jamais froids "
(éditions Liana Levi), le mensuel " Lire " a interviewé cet
auteur qui considère la dérision comme une arme et comme un
médicament : " Elle permet notamment de dire les choses qui
vont mal. Si l'on se tait, on devient pessimiste. Pour
rester optimiste, il faut être en colère ! " Très juste.

Outre les livres que nous venons de citer, Kourkov a
également écrit un récit de 125 pages, " L'Ami du défunt "
(Points Seuil). Histoire loufoque et d'un réalisme noir sur
la vie à Kiev aujourd'hui où l'auteur joue tranquillement
avec nos nerfs pour notre plus grand plaisir.


À EMPORTER
Pour qui part en voyage se pose la délicate question du
poids des bagages. Renoncer à ceci... Ne pas oublier cela...
Peut-on décemment se passer de lectures ? Non, évidemment.
A condition, bien sûr, que les livres soient légers et d'un
format adéquat pour bien stabiliser le contenu des sacs ou
des valises. En tenant compte de tous ces paramètres, nous
proposons aux amateurs de romans noirs d'emporter " Visa
pour Shanghaï " de Qiu Xiaolong (Points Seuil) dont nous
avions déjà conseillé " Mort d'une héroïne rouge ". Les
triades, le Parti et le FBI sont de sortie mais aussi la
poésie et la cuisine chinoises.

Ceux qui aiment les histoires hilarantes et bien arrosées de
tord-boyaux, se laisseront séduire par " Un gros bobard et
autres racontars " (10/18) de l'écrivain danois Jorn Riel
qui a séjourné longtemps au Groenland avec des chasseurs et
des pêcheurs.

Le roman de Jean Echenoz, " Je m'en vais " (éditions de
Minuit) est parsemé d'inventions d'écriture séduisantes. Les
fredaines et mésaventures d'un galeriste parisien
d'aujourd'hui n'échappent pas un seul instant à la moquerie
sophistiquée de Jean Echenoz.

Les amateurs d'art contemporain apprécieront certainement le
remarquable petit livre, abondamment illustré que Marie du
Bouchet a consacré à son grand-père, le peintre Nicolas de
Staël (Découvertes Gallimard).

Le moins cher (6 euros) et le moins encombrant de tous (huit
millimètres d'épaisseur) est le livre de Jacques Pimpaneau,
" Dans un jardin de Chine " (Picquier poche) qui nous
propose une superbe promenade illustrée de gravures en
compagnie de philosophes, de poètes et de romanciers de la
Chine ancienne.


ODYSSÉE
A l'occasion des vacances, l'autre option plus audacieuse
mais non contradictoire avec la précédente est de s'attaquer
à ce qu'on appelle familièrement un paveton, un de ces
livres de plus de 500 pages qu'on n'aura pas le courage ou
le temps de lire à la rentrée, malgré toutes nos bonnes
résolutions. Dans cette catégorie se trouve le très
intéressant livre de Serge Halimi, " Le grand bond en
arrière, Comment l'ordre libéral s'est imposé au monde ",
auquel un article a été consacré sur notre site.

Les curieux de philosophie s'attaqueront à la " Vie de Hegel
" de Karl Rosenkranz (traduite avec un léger retard
d'environ 150 ans) et les amateurs de créations littéraires
audacieuses se jetteront sur la nouvelle traduction
d' " Ulysse " de James Joyce.

Dans le style odyssée d'un tout autre ordre, nous
recommandons avec enthousiasme, " La fabuleuse odyssée des
plantes, Les botanistes voyageurs, les Jardins des Plantes,
les Herbiers " (éditions JC Lattès). Ce livre de plusieurs
kilos et de plus de 700 pages se lit avec passion de bout en
bout. Lucile Allorge, docteur ès sciences, botaniste au
CNRS, a travaillé avec le romancier Olivier Ikor pour rendre
cette somme de connaissances historiques et scientifiques
constamment attrayante et parfois humoristique. Le récit
s'articule autour de la création en 1640 de l'herbier
national du Jardin des Plantes de Paris qui compte
actuellement 9 millions d'échantillons et sur lequel
s'effectuent des recherches avancées sur l'évolution, l'ADN,
les climats, etc. Beaucoup de travail en perspective car on
continue à découvrir de nouvelles plantes et tous les
spécimens anciens n'ont pas été analysés.

Ces échantillons proviennent des voyages de marins, soldats,
médecins, scientifiques qui ont parcouru le monde entier,
contre vents et marées, contre maladies et revers de
fortunes et aussi contre les forces et idées réactionnaires.
Il y a là à l'oeuvre, au cours des siècles, une sacrée bande
de personnalités extraordinaires, Charles de l'Ecluse,
Tournefort, Plumier, Poivre, Bougainville, les trois frères
Jussieu et leur neveu, Jean-Jacques Rousseau, Adanson,
Commerson, Linné, Lamarck... Ils ont contribué à découvrir,
collecter, protéger, répertorier et classer une moisson de
plantes et à jeter les fondements de la botanique
scientifique. Signalons dans cette histoire mouvementée le
rôle positif d'un certain Chirac (pages 232-234), prénommé
Pierre, né en 1650 et mort en 1732...

Les illustrations sont peu nombreuses mais très belles. Deux
photos permettent de comparer le matériel utilisé par le
naturaliste Commerson au XVIIIe siècle au cours du premier
tour du monde de Bougainville et celui de l'auteur Lucie
Allorge, avec GPS, lampe frontale et ordinateur portable...


IN SITU
Depuis notre dernière lettre, nous avons mis en ligne des
points de vue sur le film documentaire de Raymond Depardon,
" 10e chambre, instants d'audience ", sur le roman de Fatou
Diome, " Le ventre de l'Atlantique ", sur les récits
autobiographiques de Tununa Mercado, " Mémoire argentine "
et un article intitulé " Notes et interrogations sur
l'Arabie saoudite ".


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder

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