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Journal de notre bord

Lettre n°44 (le 15 avril 2004)

Bonsoir à toutes et à tous

Pour évaluer l'importance d'un évènement, il existe une
méthode consistant à s'enquérir des réactions des milieux
boursiers. Autant qu'on s'en souvienne, le génocide au
Rwanda en 1994 n'avait pas eu d'incidence sur le CAC 40.
Il n'avait pas non plus coupé l'appétit des gouvernants
français de gauche et de droite complices de cette infamie.
L'augmentation du nombre de morts en Irak ou ailleurs
intéresse moins Wall Street que l'augmentation de la
consommation des familles américaines aisées ou du niveau de
productivité de la classe ouvrière. La Bourse de Paris peut
s'émouvoir des changements des taux d'intérêt, pas de
l'augmentation du nombre des suicides dans les prisons ou
des dépressions et accidents du travail dans les
entreprises. Le quotidien La Tribune signalait le 22 mars
que les Bourses étaient de plus en plus insensibles aux
attentats qui peuvent se produire ça ou là. Celui de Madrid
a fait momentanément chuter les Bourses de 3%, ce qui du
reste a été l'occasion de prises de bénéfices intéressantes
pour certains spéculateurs.

Certains objecteront que la méthode se focalisant sur les
réactions des marchés fait fi du respect dû aux êtres
humains. Certes. Mais elle nous permet de comprendre quelle
est l'échelle des valeurs des capitalistes (actions,
obligations, etc.), ce qu'ils craignent, ce qui les rassure
et ce qui les laisse de marbre. Prenez le résultat des
élections régionales en France par exemple. Séisme ?
Catastrophe politique pour le Medef ? Le retour en force
(électorale) de la social-démocratie allait-il affoler les
milieux financiers ? En aucune manière. Les valeurs
françaises ont enregistré une hausse de 0,5 % après le
premier tour.

La cohabitation gauche-droite étant usée et n'étant plus de
saison, c'est reparti pour un tour avec l'alternance droite-
gauche. La bourgeoisie française escompte que les illusions
et la patience des classes populaires accompagneront
l'attente du retour de la gauche au gouvernement. Mais ce
calcul risque d'être déjoué. Les salariés et les chômeurs
ont de la mémoire et le niveau des luttes peut facilement et
rapidement s'intensifier.
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Sedan
Ce que Spinoza a vraiment dit
Itinéraires
Soy Cuba
Baboussia
Musicothérapie
Projet de lecture
Vagues
In situ
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SEDAN
On sait que la bataille de Sedan signa le glas du pouvoir de
Napoléon III. Quelle bataille mettra fin au lamentable
mandat de Raffarin III ? Une grande lutte sociale ? La
situation est ouverte et déjà très chargée en reculades
gouvernementales et en mobilisations d'étudiants, de
chômeurs et de travailleurs de différents secteurs. Dans
cette ambiance de fin de règne, les députés de droite
grondent, geignent et se plaignent de Raffarin III, qui est
trop mou ou trop dur selon leur humeur ; bref qui menace de
transformer leurs sièges de députés en sièges éjectables.
Les ministres éconduits font ripaille chez Lipp et se
gaussent de Raffarin III pendant que leurs collègues députés
s'en servent comme d'un punching ball. À l'Élysée habite un
président qui semble virtuel, aussi fictif que certains
emplois de la Mairie de Paris auxquels son nom fut naguère
associé. Pour les dirigeants du Parti socialiste, c'est
l'état de grâce... dans l'opposition feutrée.

Plus que jamais la parole est à la rue qui n'a jamais été
désertée depuis un an par toutes celles et tous ceux qui
font vraiment fonctionner la société.


CE QUE SPINOZA A VRAIMENT DIT
En feuilletant le dernier " Monde Diplomatique ", je suis
tombé (une fois de plus) sur une citation fameuse, mise en
exergue d'un article d'un écrivain haïtien : " Ni rire, ni
pleurer, comprendre, Spinoza ". On voit en gros la bonne
intention raisonnable qu'il y a derrière cette citation mais
elle soulève cependant un vrai problème si on s'y arrête un
instant. En quoi le fait de pleurer empêcherait-il de
comprendre un être, une situation ou un phénomène ? En quoi
le fait de rire en voyant les Marx Brothers nous empêcherait
de comprendre les écrits de Karl Marx ? Les rires et les
larmes peuvent au contraire être des ingrédients nécessaires
à la compréhension.

En fait cette citation est inexacte. Spinoza a dit quelque
chose de sensiblement différent et de plus profond dans son
Traité politique où il veut parvenir à une connaissance
vraie des affects et des actions des hommes. Au chapitre I,
paragraphe 4, il écrit à propos de ces actions : " j'ai mis
tous mes soins à ne pas railler, ne pas déplorer ni maudire,
mais comprendre ". (Spinoza écrit en latin : " non ridere,
non lugere, neque detestari, sed intellegere ). Il ne s'agit
d'ailleurs pas d'une maxime ou d'une injonction mais d'un
extrait d'une longue phrase où le philosophe se propose
d'étudier la politique avec la même " liberté d'esprit qu'on
a coutume d'apporter dans les recherches mathématiques ".
Vaste et ambitieux programme qui reste encore de nos jours
largement en friche.


ITINÉRAIRES
Depuis quelques temps les souvenirs de militants trotskystes
(ou qui l'ont été) se multiplient. On ne peut que s'en
réjouir car tous ces témoignages sont nécessaires pour mieux
comprendre les soixante dernières années. Après, entre
autres, le livre de Benjamin Stora, les entretiens de Robert
Barcia avec le journaliste Christophe Bourseiller, les
souvenirs de Boris Frankael et de Daniel Bensaïd viennent
d'être publiés. Nous attirons l'attention sur un autre livre
qui n'est pas distribué dans les grandes librairies et dont
nous avions signalé la souscription avant sa parution :
" Du trotskysme au communisme libertaire, Itinéraire d'un
militant révolutionnaire " de Jean-Pierre Hirou (Éditions
Acratie. Distribution-Diffusion : Dif'Pop'.21 ter rue
Voltaire, 75011 Paris, http://www.difpop.com/, 25 euros).

Il s'agit non pas de souvenirs mais d'un recueil de textes
de ce camarade décédé en novembre 2001 à l'âge de 53 ans.
Les sujets abordés sont extrêmement variés, que ce soit à
l'époque où il militait à Voix Ouvrière et à Lutte Ouvrière
ou ensuite lorsqu'il s'est rapproché des communistes
libertaires. Ce livre est très intéressant et très vivant
car Jean-Pierre était à la fois un polémiste dans l'âme et
un historien du mouvement ouvrier scrupuleux et rigoureux.


SOY CUBA
Le film de Mikhaïl Kalatozov " Soy Cuba " nous est proposé
dans un coffret de deux DVD par mk2éditions
(http://www.mk2.com/). Ce film réalisé à Cuba en 1964 est à
ranger sans hésitation dans la catégorie des chefs d'oeuvre
du 7e art. On ne peut que partager l'enthousiasme de Martin
Scorcese qui analyse ce film magistralement dans une longue
interview. Certaines séquences ont un brio et une beauté
dignes d'Eisenstein, de John Ford ou d'Orson Welles.

Ce film est un hommage lyrique rendu au peuple cubain en
lutte contre la dictature de Batista. Sur la trame d'un
poème intitulé " Soy Cuba ", ce qui signifie " je suis Cuba ",
le film évoque la vie d'une jeune prostituée, d'un
étudiant et de deux paysans.

Kalatozov et ses collaborateurs se sont à tel point
affranchis des poncifs édifiants que le film reçu un très
mauvais accueil aussi bien de la part des autorités
soviétiques que cubaines. Ce film était trop
" révolutionnaire " dans son esthétique comme dans son
intensité dramatique. Il tomba dans l'oubli jusqu'à sa
redécouverte en 1993 par Martin Scorcese et Francis Ford
Coppola.


BABOUSSIA
Espérons que quelques salles passent encore " Baboussia ",
le beau film de Lidia Bobrova. On retrouve ici les qualités
de délicatesse et de chaleur humaine que nous avions
découvert en 1997 dans son précédent film, " Dans ce pays-là ".

Baboussia est une vieille grand-mère russe qui a élevé des
enfants, des petits-enfants, qui a travaillé dur et s'est
battu pour défendre un pays envahi par les armées de Hitler.
Tout cela, c'est du passé.. Personne n'en a cure et ne veut
s'embarrasser de cette grand-mère silencieuse et si dévouée
aux autres. Le constat de la dégradation des relations
sociales est terrible : alcoolisme et misère pour les uns,
vies gâchées ou perdues en Tchétchénie, arrivisme effréné et
cynisme des nouveaux riches... Mais la réalisatrice refuse de
donner une vision exclusivement sordide de la situation. En
Russie il y a des gens qui, malgré tout, chantent, dansent
et s'entraident. Lidia Bobrova nous le dit simplement, avec
un tact convaincant. Pour lire une interview de la
réalisatrice, consulter http://www.baboussia.com/


MUSICOTHÉRAPIE
Le dernier numéro d'avril de la revue " Classica-répertoire "
consacre une enquête à la musicothérapie : " La musique
peut vous soigner ! " est-il annoncé en page de couverture.
Le titre de l'enquête dit bien de quoi il s'agit : " Quand
la musique adoucit les maux ". Cette pratique thérapeutique
est relativement récente. Elle a été impulsée à l'origine en
1950 par un ingénieur acousticien, Jacques Jost et par un
psychologue, Robert Francis. Sa pratique est devenue
officielle en 1965 et l'association " Centre de
musicothérapie et des techniques psychomusicales " a été
créée en 1969.

Ce dossier très concret retrace non seulement l'historique
de la musicothérapie mais il expose clairement ses
pratiques, ses résultats et ses applications. Il signale au
passage que la musicothérapie pourrait être positive non
seulement pour les enfants handicapés mais aussi pour les
autres, sans malheureusement développer ce point. On
trouvera également des descriptions de cas, des conseils de
lecture et une adresse.


PROJET DE LECTURE
La réputation d'Hollywood comme un univers corrompu par
l'argent, la mégalomanie et les histoires sordides et
parfois sanglantes n'est plus à faire. Mais il est bon de
pénétrer plus avant dans les rouages du système à l'heure
actuelle, celle de " l'acteur " Tom Cruise. Ayant entendu
sur France Culture une interview d'Helen Knode à propos de
son premier roman (policier) " Terminus Hollywood "
(Rivages/Thriller), nous avons grande envie de nous délecter
avec cette enquête apparemment très mordante et de toute
façon reposant sur des informations de première main.


VAGUES
La belle lumière du bord de mer qui baigne le Musée Malraux
du Havre se prête particulièrement à la mise en valeur de
l'exposition " Vagues 1 " qui s'y tient jusqu'au 6 juin. Une
centaine de peintures, dessins, gravures, photographies sont
regroupés autour de six " paysages de mer " de Gustave
Courbet. Le grand peintre qui s'est détaché de la peinture
traditionnelle de marine est en bonne compagnie : Monet,
Gauguin, Maillol, Marquet, Boudin mais aussi deux grands
maîtres de l'estampe japonaise, Hokusaï et Hiroshige, que
les artistes occidentaux découvrirent avec émerveillement
dans la deuxième moitié du 19e siècle. Mais il y a aussi des
vagues captées dans l'instantané des premières photographies
utilisant des procédés nouveaux (collodion humide de Gustave
Le Gray et chronophotographies d'Albert Londe). Ces
premières " vagues 1 " nous submergent d'un grand plaisir
visuel. Le musée annonce une suite : " Vagues 2. Hommages et
Digressions " du 26 juin au 27 septembre 2004. On ne se
baigne jamais dans la même vague comme aurait pu dire
Héraclite.


IN SITU
Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne des
points de vue sur deux romans, " Tu es une rivière " de
l'écrivaine chinoise Chi Li et " Béton " de l'écrivain
autrichien Thomas Bernhard.


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder 
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