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Journal de notre bord

Lettre n°42 (le 23 février 2004)

Bonsoir à toutes et à tous

Lorsque nos ennemis se prennent les pieds dans le tapis, on
s'en voudrait de ne pas nous réjouir. Le ridicule ne tue pas
mais il peut affaiblir. Rions des mésaventures de Le Pen. Il
a commis une boulette qui égratigne son arrogance. Quand on
étale son incompétence sous tous les feux médiatiques, il
est difficile de se faire passer pour une victime. Celui qui
se vivait déjà comme un futur triomphateur en région PACA a
été victime, soit de la bêtise de " ses fidèles compagnons",
soit de son ignorance des règles d'inscription pour être
sur une liste aux élections régionales ! Trop dur pour un
vieux démagogue réactionnaire qui déteste la démocratie mais
adore la compétition électorale et ne vit que pour elle. On
savait déjà, et on ne le répétera jamais assez, qu'un
milliardaire est a priori discrédité pour représenter
" les petites gens ". Le Pen s'est invalidé tout seul aux
régionales. Il nous reste à faire le plus gros du travail :
saper l'audience du FN dans les classes populaires, faire en
sorte que le FN devienne durablement un invalide politique.

Rions également sans retenue des mésaventures d'une autre
" victime ", Alain Juppé. Il suffirait de recopier les
attendus du jugement à son encontre pour apparaître comme un
virulent pamphlétaire contre le chef du parti du Président,
l'UMP. Un seul avenir reste à Juppé qui a commis un livre
inutile sur Montesquieu : tenter de se faire élire à
l'Académie française. Sans trop compter sur la vacance du
siège du jeune académicien Giscard d'Estaing, 78 ans,
rédacteur d'un roman de gare et d'une constitution
européenne calamiteuse. Notre homme a l'élocution de plus en
plus incertaine mais il doit se porter comme un charme
puisqu'il se représente aux cantonales. Pourquoi pas aux
prochaines présidentielles ? Le microcosme des politiciens
bourgeois est dans un tel état de décrépitude que les
hypothèses les plus saugrenues ne peuvent être écartées.

Le cas Juppé est aussi le symptôme de la crise d'un régime
corrompu, totalement inféodé aux grands groupes
capitalistes. Cette crise concerne aussi bien Chirac et
compagnie que les ténors du Parti socialiste dont on
n'entend que des murmures embarrassés sur toutes les
questions essentielles. Le gouvernement actuel ne se
maintient en place que par l'absence de mobilisation
conséquente. Quand en haut, au pouvoir, on joue du violon de
façon de plus en plus grinçante, il est temps de songer à
danser en bas, dans la rue. Il est temps de réclamer à voix
haute la démission de Chirac-Raffarin-Sarkozy-Perben et de
mettre en avant la nécessité d'un gouvernement de gens
honnêtes et utiles à la société, un gouvernement des
travailleurs.
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État policier
Travailleurs, pauvres et américains
Brésil
Un petit bonheur
Martha Argerich
En projet
In situ
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ÉTATS POLICIERS
La loi dite Perben 2 aggrave considérablement les
possibilités légales de répression de l'État. La gravité des
dispositions qu'elle comporte n'a sans doute pas été encore
évaluée dans toute son ampleur par tout le monde. Sous
prétexte de " délinquance organisée ", la répression
policière et judiciaire risque de frapper de plus en plus
tous azimuts des salariés, des chômeurs ou des jeunes en
lutte pour leurs revendications ou pour changer
fondamentalement la société. Le " tout répressif " de
Sarkozy et Perben n'est pas une spécialité française. On se
souvient qu'après les attentats du 11 septembre 2001, le
gouvernement américain avait considérablement étoffé son
arsenal répressif au nom de la lutte contre le terrorisme.
Il en va de même dans tous les pays impérialistes où les
États deviennent de plus en plus des États policiers qui de
surcroît se rendent entre eux toutes sortes de services.
La menace d'extradition en Italie de Cesare Battisti après
celle l'an dernier de Paolo Persichetti suivie de son
arrestation, en est le dernier exemple révoltant. Il est
clair que cette tendance ne relève pas seulement de la
démagogie à l'égard d'un électorat flatté dans le sens du
poil réactionnaire. Ces États préparent leur avenir et celui
des riches. Ils savent qu'ils vont agresser de plus en plus
violemment toutes les classes populaires et même une partie
des classes moyennes. Ils se préparent à des luttes sociales
de grande intensité et même à la guerre civile. La débauche
de dispositifs répressifs n'est pas compréhensible
autrement.


TRAVAILLEURS, PAUVRES ET AMÉRICAINS
Il est difficile d'imaginer à quel point les chefs
d'entreprises américains exploitent leur propre classe
ouvrière. Certains chapitres de l'enquête d'Eric Schlosser,
" Les empereurs du fast-food " (éditions autrement
frontières, 2003) en donnaient déjà un aperçu terrifiant.
L'enquête de Barbara Ehrenreich, " L'Amérique pauvre,
Comment ne pas survivre en travaillant " (Grasset, janvier
2004) complète le tableau et l'approfondit. Cette
journaliste radicale qui a plus de 50 ans, a décidé
d'enquêter sur les travailleurs pauvres qui gagnent autour
de 6 $ de l'heure, soit environ 6 euros. Pour cela elle s'est
fait embaucher comme serveuse à Key West, comme aide-
soignante dans une maison de retraite, comme femme de ménage
dans le Maine ou comme vendeuse à Minneapolis. Tout y passe,
les problèmes de logements dans des meublés chers et petits,
des caravanes ou des motels sales et miteux, les tests
inquisiteurs et humiliants pour se faire embaucher, le
harcèlement des chefs, les problèmes de santé qui cassent un
budget déjà dérisoire mais aussi l'entraide entre les
salariés. Il n'y a pas une miette de misérabilisme ou de
condescendance dans ce témoignage. Barbara Ehrenreich a un
humour mordant qui fait merveille contre les riches et
éclaire très bien la situation des " working poors ". Sa
conclusion est sans ambiguïté : " Comme disait Gail, une des
serveuses que j'ai connue : " Tu donnes, tu donnes, et ils
prennent toujours plus.
Un jour, bien sûr - et je ne ferai aucune prédiction sur la
date exacte -, le pauvre sera fatigué d'obtenir si peu en
retour et il exigera d'être payé pour ce qu'il vaut. Il y
aura ce jour-là beaucoup de colère, des grèves et des
bouleversements. Mais le ciel ne nous tombera pas sur la
tête et nous ne nous en porterons que mieux. Tout compte
fait. "


BRÉSIL
La politique menée au Brésil par le gouvernement de Lula en
accord avec le FMI et les classes possédantes locales
provoque une crise de plus en plus profonde parmi les
militants qui ont consacré leur vie à construire le Parti
des Travailleurs. Il est important pour nous de ne pas
seulement nous intéresser aux luttes politiques dans
l'hexagone et de suivre l'évolution de la situation au
Brésil. Pour cela il faut lire le dossier du dernier numéro
de la revue Carré rouge (n°28) et consulter les sites
d'Avanti (dernier n°11) et de la revue suisse " À l'encontre "
qui publient régulièrement des analyses et documents
importants (voir nos liens).

http://www.avanti-lcr.org/
http://www.carre-rouge.org/
http://www.alencontre.org/


UN PETIT BONHEUR
Offrez-vous un vrai petit bonheur de lecture avec un livre
scientifique de 150 pages, " La fabuleuse aventure des
hommes et des animaux " de Boris Cyrulnik, Karine Lou
Matignon, Frédéric Fougea (Hachette Littératures, octobre
2003). L'édition originale aux éditions du Chêne étant
épuisée, on ne boudera pas son plaisir d'une réédition en
poche sans photos car le texte déploie dans notre esprit des
paysages, des images d'hommes et d'animaux en action et en
interaction depuis la préhistoire. L'évolution de l'homme ne
peut se comprendre que dans ses échanges permanents avec le
monde animal. Au fil des chapitres les auteurs éclairent ces
rapports entre hommes et animaux : activités de chasse,
domestication de certaines espèces et élaboration de
productions culturelles où les animaux tiennent une place de
choix. Pour en savoir encore plus sur ces questions, nous ne
manquerons pas de lire en sus " La plus belle histoire des
animaux " de Boris Cyrulnik, Jean-Pierre Digard, Pascal Picq
et Karine-Lou Matignon (Points Seuil, mai 2002).

Au fait, puisqu'il est question des hommes et des animaux,
avez-vous vu au cinéma le dessin animé " La prophétie des
grenouilles " ? Un vrai régal d'humour, de suspense et de
tendresse...


MARTHA ARGERICH
La pianiste d'origine argentine Martha Argerich ne donne que
très rarement des interviews. Celle publiée dans le numéro
de février du " Monde de la Musique " est donc rare dans
tous les sens du terme. Martha Argerich n'est ni une star ni
un mythe mais une femme et une pianiste exceptionnelle.

Il est bien embarrassant de conseiller un enregistrement de
cette artiste plutôt qu'un autre. Pour découvrir un large
spectre de ses interprétations remarquables, on se procurera
le CD EMI classics intitulé " Live from the Concergebouw "
(1978-1979) où elle joue des oeuvres de Bach, Bartok, Chopin,
Prokofiev, Scarlatti... Si vous écoutez " The legendary 1965
recording " (EMI classics), vous prenez un beau risque :
celui de tomber amoureux à la fois de Martha Argerich et de
Frédéric Chopin.


EN PROJET
Nous signalons quelques parutions méritant de retenir votre
attention en fonction de vos goûts et centres d'intérêt.
Saluons la réédition de deux ouvrages passionnants de Flora
Tristan, une militante féministe et une figure magnifique du
mouvement ouvrier dans ses débuts : " Pérégrinations d'une
paria " (Babel) et " Promenades dans Londres " (La Découverte).

Plusieurs romans du révolutionnaire Victor Serge étaient
devenus introuvables depuis longtemps et viennent d'être
réédités aux éditions Climats : " Les Hommes dans la prison",
" Naissance de notre Force " et " Ville conquise ".
L'imaginaire/Gallimard publie un roman de Thomas Bernhard
qui doit faire mal si on juge par le titre : " Béton ".


IN SITU
Depuis la dernière lettre nous avons mis en ligne un point
de vue sur le film de Jean-Marc Moutout " Violence des
échanges en milieu tempéré " et un article " L'exploitation,
le mode d'emploi pour faire tourner un monde-marchandise "
dans la rubrique " en question ".


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder


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