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Journal de notre bord

Lettre n°37 (le 26 septembre 2003)

Bonjour à toutes et à tous,

Et si on parlait d'un délicat dossier : l'application de
l'euthanasie au gouvernement et au grand patronat ? Ils ont
eu une longue carrière d'exploitation des travailleurs, ils
en bavent manifestement pour gouverner et se font même tirer
les oreilles par les institutions européennes, ils sont en
plein désarroi et même en pleine décadence comme l'indiquent
la chute des indices de popularité et la colère montante des
classes populaires. Pourquoi s'acharnent-ils à garder les
leviers de commande ? Une euthanasie très douce consistant à
les mettre en vacance du pouvoir et de la gestion des
affaires, en les mettant définitivement à la retraite,
serait la meilleure solution pour tout le monde.

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Par dessus bord
Le trou de l'armée
La journée de...
Naufrages
À bas les voiles !
Guérir
En poche
More Moore
Basquiat
Sur la toile
In situ
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PAR DESSUS BORD
Les entreprises intensifient la vieille méthode consistant à
jeter par dessus bord des travailleurs pour réduire les
coûts de production, dégager un maximum de profit et attirer
les banques et les gros actionnaires. Stopper cette infamie
des licenciements consisterait pour les travailleurs à
prendre le contrôle du navire de l'économie et de la société
et à neutraliser les capitaines capitalistes. Tout cela se
prépare. D'abord en se faisant à l'idée qu'on ne peut pas
laisser ces gens-là continuer à gouverner, gâcher, briser
nos vies. Une bonne mutinerie rondement menée et victorieuse
consiste d'abord à coordonner les énergies de tous ceux
concernés, quelle que soit leur entreprise. Se battre site
par site est nécessaire mais pas suffisant. Nous risquons de
subir autant de défaites qu'il y a d'entreprises concernées
par les licenciements. Il faut passer à la coordination et à
l'union de nos forces.


LE TROU DE L'ARMÉE
L'armée fait des trous. Elle a des armes de tous calibres
pour faire des trous dans la peau des gens. Mais elle fait
aussi un trou gigantesque dans les finances d'un pays comme
la France. Dans ce trou là s'engloutissent tous les malades,
les handicapés, les sans abris et tous les laissés pour
compte qui auraient pu être aidés, secourus efficacement par
des services publics dignes de ce nom. Le " fameux " trou de
la Sécu (dont les patrons sont responsables en licenciant et
en ne versant pas leur dû) est une aimable plaisanterie à
côté du trou de l'armée. Le quotidien Les Échos a révélé que
la seule expédition en Côte d'Ivoire vient de bénéficier
d'une rallonge de un milliard d'euros et que les dépenses
françaises d'armements se sont emballées (quand on aime, on
ne compte pas) avec une hausse de 9,2% en un an. Il serait
peut-être temps de crier " halte au feu et au gaspillage "
avec toute l'énergie nécessaire.


LA JOURNÉE DE...
Chaque jour de l'année est désormais l'occasion d'une
célébration, d'un geste " citoyen " ou d'une pensée émue et
contrite. L'ONU et l'OMS en ont inventés un bon paquet. Mais
l'État français a aussi apporté sa modeste contribution.
Ainsi s'égrène la journée contre le sida, la journée en
faveur de l'enfance maltraitée, la journée contre la
mucoviscidose, la journée " sans voitures ", la journée des
journalistes emprisonnés et torturés... Le lendemain on passe
à un autre problème, à une autre calamité. On y a pensé et
on en a parlé : un jour. Même si l'actualité est creuse, les
médias ont un malheur quelconque à se mettre sous la dent et
des chiffres éloquents à exhiber. Ensuite ils n'ont plus à
le faire pendant un an.

Dimanche dernier, c'était la journée de la maladie
d'Alzheimer, qui a été en même temps la journée du
Patrimoine (avec un P majuscule, siouplaît !). Rapport au
fait que tout cela tourne autour de la mémoire ou du manque
de mémoire, probablement. Évidemment ces journées
commémoratives peuvent devenir un moyen mnémotechnique pour
aider à se souvenir de l'anniversaire de ses amis ou des
membres de sa famille. Ce qui donnera bientôt : " Tiens
c'est demain la journée du handicap mental, il faudra penser
à appeler X. pour lui souhaiter son anniversaire. " Charmant
non ?

Comme contre-feu, il est temps de proposer un petit bouquet
de journées de célébrations dans un autre registre et que
chacun multipliera à son gré : la journée de la fantaisie
débridée, la journée de l'amour partagé (donc sans coups,
sans cris ni reproches), la journée de la fraternité dans la
lutte commune, la journée de la joie sereine (avec musiques
adéquates et promenades dans la nature), la journée de
l'amitié sans nuages... Deux journées de portée beaucoup plus
restreinte ne seraient pas de refus : la journée sans que
personne n'ait envie de dire " ça me saoule " ou " ça me
gave " et la journée sans personne ayant une main au niveau
de l'oreille et parlant fort dans les lieux publics (oui, un
jour sans portables : de l'utopie à l'état pur, " c'est
clair " !).


NAUFRAGES
Une amie a lu " Les Naufragés ", un ouvrage de la collection
" Terre humaine " dirigée par Jean Malaurie, qui vient
d'être réédité en format de poche. Voici le point de vue
qu'elle nous a transmis : " C'est un travail très complet
sur les clochards par quelqu'un qui connaît bien son sujet
pour avoir choisi de travailler une vingtaine d'années à
leur côté et même parfois de se faire " ramasser " avec eux.
Il a un triple regard de psychanalyste (de formation) et
d'anthropologue mais aussi de clinicien de terrain et son
regard ne juge jamais. [...] Il se bat contre les bonnes âmes,
les forcenés de la réinsertion-à-tout-prix, de la
normalisation, etc. Son regard est assez déroutant au début
et puis finalement convaincant, parce qu'il analyse dans
toute sa spécificité cette sorte de maladie qui peut pousser
certains (plus que d'autres) à la rupture avec tout, dans
des pratiques de régression à la fois masochistes et en même
temps qui se révèle leur seule manière de pouvoir encore
être au monde et s'en protéger. "


À BAS LES VOILES !
La question du voile islamique suscite des débats depuis des
années. Certains et certaines craignent de verser dans le
racisme ou le rejet d'une autre culture en ayant une
position trop intransigeante. Mais le voile, comme
l'excision ou la lapidation, peut-il être considéré
sérieusement comme une question de " culture " différente
alors qu'il s'agit tout simplement d'une pratique sociale
réactionnaire, en l'occurrence religieuse, comme il en
existe de toutes sortes, à des degrés divers, sur tous les
continents ? Quoi que chacun en pense, il est indispensable
de lire le livre de Chahdortt Djavann, " Bas les voiles ! "
qui vient d'être publié chez Gallimard (47 pages). L'auteure
est une romancière d'origine iranienne qui vit depuis dix
ans à Paris où elle a étudié l'anthropologie. Le voile
islamique, elle le connaît de l'intérieur, si l'on peut
dire. Car le voile n'est pas seulement " quelques
centimètres carrés de tissu " comme vient de l'écrire un
journaliste du " Monde " (daté du 25 septembre). C'est le
signe de l'humiliation de la femme et sa désignation comme
objet sexuel à consommer par le futur mari.

Chahdortt Djavann a été obligée de porter le voile pendant
dix ans, de treize à vingt-trois ans, " réprimée, condamnée
à être une musulmane, une soumise, et emprisonnée sous le
noir du voile. "  " C'était le voile ou la mort. Je sais de
quoi je parle. " Et nous avons intérêt à écouter cette femme
qui n'y va pas par quatre chemins pour dénoncer les
barbaries religieuses et l'oppression des femmes ; de même
que les hypocrisies des intellectuels musulmans et des
intellectuels français qui sous couvert de tolérance (mot
galvaudé) cautionnent l'obscurantisme et le despotisme des
pays théocratiques et encouragent ici, de fait, les
islamistes à renforcer leur emprise.


GUÉRIR
Le livre dont nous allons brièvement parler n'a pas besoin
d'un coup de pouce de notre part puisqu'il s'est déjà vendu
à 135 000 exemplaires en France et qu'il a été traduit en 19
langues. Autant le dire d'emblée, ce n'est pas avec un
enthousiasme excessif que nous avons ouvert le livre de
David Servan-Schreiber, " Guérir " le stress, l'anxiété et
la dépression sans médicaments ni psychanalyse " (Robert
Laffont). Cet ambitieux programme peut apparaître trop vaste
pour être totalement honnête. Le sourire éclatant de son
auteur sur la manchette n'était pas sans évoquer celui de
son père (Jean-Jacques) ni celui des publicités pour une
célèbre marque de dentifrice. Les remerciements en fin
d'ouvrage prouvent que l'auteur a beaucoup d'amis et qu'il
vit dans un cocon familial particulièrement porteur. Tout
cela peut agacer ou provoquer un soupçon de moquerie.

Ces menus obstacles franchis, nous avons lu ce livre,
recommandés par des amis, avec intérêt. David Servan-
Screiber est neurologue et psychiatre aux États-Unis (et
maintenant en France) depuis une vingtaine d'années. Un des
mérites de ce livre très vivant est de rendre accessible à
un large public les résultats des recherches en
neurosciences cognitives. L'auteur exprime sa dette à
l'égard des idées d'Antonio Damasio, Boris Cyrulnik, Daniel
Goleman (" L'intelligence émotionnelle ")... Les méthodes
proposées pour endiguer ou supprimer le stress, l'anxiété ou
la dépression sont souvent pleines de bon sens. Elles
reposent à la fois sur les résultats de la recherche et sur
la riche expérience de médecins et de patients. Elles sont
aussi parfois empreintes d'une certaine naïveté et peuvent
laisser sceptiques. Même armé des sept méthodes du Dr Servan-
Schreiber, comment l'individu peut-il être vraiment en
harmonie avec lui-même et avec les autres au sein d'une
société profondément malade et stressante ?


EN POCHE
Nous recommandons très chaudement deux romans qui viennent
d'être réédités en collection de poche. " Une saison blanche
et sèche (Livre de Poche) est le chef d'oeuvre de l'écrivain
sud-africain André Brink. L'histoire se passe à l'époque de
l'apartheid mais elle est d'une intensité et d'une justesse
qui dépassent les circonstances de cette période terrible.

" Djamilia " de Tchinguiz Aïtmatov (125 pages, Folio) est un
beau récit d'un écrivain kirghiz soviétique. Le ciel, la
steppe, les montagnes, les chevaux, les coutumes kirghizs,
le chant, l'amour, le travail acharné des hommes et des
femmes dans le contexte de la seconde guerre mondiale : un
récit d'une poésie prenante.


MORE MOORE
Si vous avez raté sur les écrans le film de Michael Moore
" Bowling for Columbine " qui déglingue comme il faut le lobby
américain des armes à feu, vous pouvez vous rattraper en
vous procurant le DVD du même nom qui vient de sortir. Il
est également disponible en VHS (éditeur H2F). Sur le double
DVD, il y a en bonus un débat contradictoire sur les
procédés narratifs du film entre Serge Kagansky des
Inrockuptibles et Patrice Blouin des Cahiers du cinéma.


BASQUIAT
Contrairement au domaine de la musique et de la littérature,
peu de d'artistes noirs ou métisses ont accédé à une
notoriété internationale dans le domaine de la peinture. On
peut citer le peintre cubain Wilfredo Lam mais aussi le
peintre new-yorkais, Jean-Michel Basquiat mort en 1988. A
Paris, le musée Dina Vierny-Maillol lui consacre une
exposition jusqu'au 23 octobre. Son destin et son esthétique
n'est pas sans ressemblances avec celle du chanteur et
guitariste Jimi Hendrix qu'il admirait et qui est mort comme
lui à l'âge de 27 ans. Le père de Basquiat était d'origine
haïtienne et sa mère portoricaine. Il a commencé sa carrière
de graphiste révolté en taggant les murs de New York et les
wagons du métro. Sa peinture a atteint des cotes
phénoménales dans les galeries les plus huppées. Elle est
violente, avec souvent des couleurs éclatantes, un graphisme
sauvage qui entremêle des symboles de la religion vaudou,
des références aux grands du jazz et des éléments épars de
la jungle urbaine. Un de ses tableaux est particulièrement
touchant et délicat : " la Vieja ", une vieille aveugle qui
marche dans une nuit bleue digne de Paul Klee, comme une
divinité bienveillante dans un environnement angoissant. Le
catalogue de l'expo coûte 35 euros mais pour découvrir
Basquiat sans trop dépenser, on peut se procurer  le tout
récent petit livre de Leonard Emmerling, bien informé et
avec des reproductions de bonne qualité (éditions Taschen).


SUR LA TOILE
Si vous aimez faire partager vos lecture, nous vous
conseillons d'aller faire un tour sur le site
http://www.bookcrossing.com/ et de lâcher des livres. Cela
peut être aussi l'occasion de créer de nouveaux lieux de
rendez-vous dans votre région (le deuxième mardi du mois).


IN SITU
Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne des
points de vue sur " Austerlitz " de G.W. Sebald (un livre de
grande sensibilité), sur " Les Belles Âmes " de Lydie
Salvayre (roman hilarant et corrosif) et un texte sur un
écrivain de Science Fiction, William Gibson.


Pour conclure cette lettre, il nous faut remercier nos
correspondants pour leurs encouragements et nous excuser de
ne pas avoir toujours été en mesure de répondre à leurs
demandes parfois très pointues. Notre site vient de fêter sa
troisième année d'existence. Comme certains psychologues de
l'enfant assurent que tout se joue avant trois ans, nous
espérons que notre bambin internautique continuera à bien se
porter grâce à votre soutien.


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
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  mèl: Culture.Revolution@free.fr
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