Journal de notre bordLettre n°34 (le 20 juin 2003)Lettre n°34 (le 20 juin 2003) Bonsoir à toutes et à tous, L'alerte a été chaude. Il n'y a pas eu de grève générale mais quelque chose qui ressemble beaucoup à une répétition générale. Les ministres ont eu quelques sueurs froides. Notre génie politique du Poitou a d'ailleurs failli prolonger son voyage au Canada. Mais les dirigeants des confédérations syndicales avaient fait savoir qu'ils ne provoqueraient pas une crise politique majeure sur le dossier des retraites. Et de freinages ponctuels, en journées d'action ponctuelles, ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour tenir leur promesse. Qu'importe. Nous avons vécu un beau printemps. Momentanément nous sommes parfois fatigués (physiquement), un peu amers (très peu), mais la tête pleine d'idées et de projets pour changer cette société. À l'école de la lutte, nous apprenons vite les leçons, dans un climat de fraternité, d'écoute mutuelle, qui fait tomber toutes les barrières entre salariés, entre travailleurs actifs et sans-emploi. Comment faire, comment avancer, comment consolider les liens entre les acteurs de la lutte, quelle programme mettre en avant ? L'été sera forcément trop court pour répondre à toutes ces questions. ______________________________________________________ Nuls en maths Retour à l'envoyeur La France tient son rang parmi les voyous impérialistes Empathie Parallèles et paradoxes Vient de sortir In situ _______________________________________________________ NULS EN MATHS Nos gouvernants et les grands médias sont nuls en maths. C'est ce qui ressort à notre avis de la démonstration de Claude Danthony, maître de conférences de mathématiques à l'Ecole normale supérieure de Lyon (Nous transmettrons en totalité sa démonstration à tous ceux qui le souhaitent). Il intitule son développement : " 37,5 torchons ou bien 40 serviettes ? " Ce scientifique relève que les " annuités " correspondent à des réalités différentes dans le secteur public et dans le secteur privé. On ne peut donc pas les comparer, de même qu'on n'ajoute pas des choux à des carottes. Il y a en plus, bien d'autres différences entre les deux régimes. Par exemple la bonification pour enfant accordée aux mères est de 2 ans dans le privé et de seulement 1 an dans le public. Ce qui amène notre mathématicien à dire que, si le projet gouvernemental passe, " vous entendrez dans quelques années à la télévision : " Dans le privé il y a une bonification de 2 ans par enfant qui n'existe pas pour les fonctionnaires, c'est inéquitable ". Et on supprimera la bonification des mamans du privé ! " Pour comprendre comment un discours mensonger est fabriqué et " vendu " à " l'opinion publique ", la remarque suivante de Claude Danthony ne manque pas de sel : " Un jour où j'avais pris un énarque en flagrant délit de comparaison de chiffres incomparables, il m'avait répondu : " D'accord, mais vous vous intéressez au sujet. Pour les gens, il faut des idées simples ". L'ennui pour les gouvernants et le Medef, c'est que des millions de salariés s'intéressent de plus en plus " au sujet " dans toute sa complexité et vont le traiter très simplement : par la lutte de classes. RETOUR À L'ENVOYEUR Des amis nous ont fait parvenir une suggestion de Catherine Pechoux, susceptible d'intéresser les lecteurs de cette lettre : " Notre brave premier ministre doit courant juin envoyer aux 26 millions d'électeurs hexagonaux un "explicatif "sur sa réforme sur les retraites. Deux cas se présentent: A/ Vous êtes d'accord, en ce cas n'allez pas plus loin, vous perdriez votre temps. B/ Vous n'êtes pas d'accord: en ce cas n'ouvrez pas la précieuse missive gouvernementale, barrez de la couleur que vous voulez votre adresse inscrite sur l'enveloppe et écrivez dessus, lisiblement: "refusé, retour à l'envoyeur". " LA FRANCE TIENT SON RANG PARMI LES VOYOUS IMPERIALISTES Les journaux télévisés ont fait leurs choux gras de la vaste opération policière au siège d'une organisation iranienne installée depuis plus de vingt ans à Auvers-sur-Oise... " sous la protection de la police française ". Rendez-vous compte, braves téléspectateurs, les policiers ont trouvé au cours de leurs perquisitions de grosses sommes d'argent et une centaine d'ordinateurs ! Si c'était cela le but de la manoeuvre, les pandores auraient mieux fait de perquisitionner le siège du Medef, celui de l'UMP ou encore celui de l'Eglise catholique. Les analystes se perdent en supputations sur le sens de cette intervention que le gouvernement qualifie d' " anti- terroriste " et qui a provoqué des actes de désespoir. Chirac qui était en froid avec Washington il n'y a pas longtemps, a peut-être voulu fayotter à l'égard de Georges Bush et cie, puisque les Moudjahidines avaient fait alliance avec le régime de Saddam Hussein. Le Chirac veut bomber le torse : bon sang, lui aussi, il lutte contre " le terrorisme ". Plus sérieusement, le régime des mollahs apprécie ce dévouement de la République française au moment où il affronte depuis des semaines la révolte de la jeunesse étudiante et depuis des mois des mobilisations de travailleurs. Les islamistes au pouvoir en Iran matraquent, emprisonnent, torturent et parfois condamnent à mort leurs opposants. Mais pour l'Elysée, tout cela est sans importance. L'essentiel est qu'ils défendent ce qu'il y a de plus sacré : " les droits de l'homme capitaliste français " à faire des profits en Iran, en particulier dans le secteur pétrolier. EMPATHIE Encore plein d'articles intéressants dans le numéro de juillet de la revue " Pour la Science ", sur la climatologie (" la mondialisation des poussières ", l'astronomie (" les paysages de Mars "), la biologie végétale (" la cellulose, un acier végétal "), l'archéologie, etc. Arrêtons-nous un instant sur celui consacré à l'empathie. C'est un mot savant de plus en plus à la mode (et c'est toujours mieux que la compassion). L'empathie consiste à se représenter mentalement et de façon spontanée ce que ressent autrui. Tout en gardant conscience de soi, en ne se confondant pas avec autrui. Dans son article " L'empathie ou l'émotion partagée ", Jean Decety montre que vers l'âge de deux ans, les enfants commencent à être préoccupés par la détresse des autres. Mais dès sa naissance le bébé dispose de dispositifs neuronaux lui permettant de partager des émotions mais aussi de distinguer soi et autrui. Une série d'expériences et d'études d'imagerie cérébrale ont permis d'identifier les mécanismes neurobiologiques de l'empathie et les zones cérébrales concernées. Les résultats des sciences cognitives ruinent la thèse selon laquelle l'homme serait un loup pour l'homme. Il peut le devenir bien sûr à cause de lésions, de frustrations et de perturbations diverses liées à des problèmes de domination. Mais sinon, l'homo sapiens est plutôt un homme pour l'homme. L'empathie lui a probablement donné un grand avantage évolutif par rapport aux autre mammifères. PARALLELES ET PARADOXES C'est avec beaucoup d'insistance que nous vous recommandons la lecture d'un livre dont le titre est " Parallèles et paradoxes, explorations musicales et politiques " aux éditions Le Serpent à plumes. Il semble que la presse culturelle n'en ait pas fait grand cas. Edward Said et Daniel Barenboim, qui sont amis depuis plusieurs années, ont échangé leurs réflexions sur la musique, la littérature, la culture et la politique. Edward Said est un intellectuel d'origine palestinienne, professeur de littérature comparée à New York. (voir sur notre site un point de vue sur son autobiographie " À contre voie "). Daniel Barenboim est à la fois un grand chef d'orchestre et un grand pianiste. Il est né à Buenos Aires dans une famille juive d'origine russe qui a ultérieurement émigré en Israël. Il dirige aujourd'hui l'Orchestre symphonique de Chicago et de l'Opéra de Berlin. Il a provoqué un scandale en voulant jouer Wagner en Israêl. Les sujets abordés sont nombreux. Il y est aussi bien question du Moyen Orient, du nazisme, du langage, de l'éducation, de Goethe, de Dickens, d'Homère, de Beethoven que d'Adorno ou Pierre Boulez. Le créateur qui revient inlassablement dans ces conversations, et on ne s'en plaindra pas, est Beethoven. Edward Said dit à un moment ceci, qui caractérise bien leur refus commun du repli sur soi : " Il est davantage question aujourd'hui de se concentrer sur son identité, de rechercher ses racines, de défendre les valeurs de sa propre culture et son sens de l'appartenance. Il devient très rare que l'on se projette soi-même vers l'extérieur, pour embrasser une perspective plus large. Dans ton travail d'interprète, Daniel, et dans le mien - en tant qu'interprète de la littérature et de la critique littéraire - on doit accepter l'idée que l'on met de côté sa propre identité afin d'explorer l'" autre ". Une démarche actuellement minoritaire mais qui ouvre sur l'avenir. VIENT DE SORTIR Voici la sortie en français chez Odile Jacob du dernier livre du neurobiologiste, Antonio R. Damasio, " Spinoza avait raison, joie et tristesse, le cerveau des émotions ". Ses collègues Oliver Sacks et Jean-Pierre Changeux ont beaucoup aimé son livre. Ce n'est pas un argument d'autorité mais une incitation à nous plonger dans ce livre, au calme, à l'ombre et avec une boisson fraîche à portée de la main. Tout une Ethique ! IN SITU Depuis notre dernière lettre, nous avons mis en ligne : un article sur le mouvement de grèves de mai-juin 2003, la présentation d'un livre sur Olympe de Gouges, l'annonce d'une souscription pour un recueil d'articles de J-P Hirou et un article sur le chanteur et guitariste irlandais Rory Gallagher. Bien fraternellement à toutes et à tous Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mèl: Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_034_20-06-2003.html |