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Journal de notre bord

Lettre n°33 (le 22 mai 2003)

Bonsoir à toutes et à tous

" On ne sait pas ce que peut un corps " disait le philosophe
Spinoza. C'est ce que des dizaines de milliers de salariés
de l'Éducation nationale sont en train de constater en
parcourant vaillamment chaque semaine des dizaines de
kilomètres à pied pour participer aux manifestations et se
rendre dans toutes sortes d'endroit pour se concerter, pour
s'adresser aux parents et aux salariés d'autres secteurs.
Ils ont la forme et ils ne veulent pas des contre-réformes
de Chirac et Raffarin. Près de deux millions de travailleurs
ont fait savoir dans la rue le 13 mai qu'ils étaient sur la
même longueur d'ondes. La fracture sociale est bien là et
c'est une fracture de classe. Il y aura des hauts et des bas
dans le mouvement commencé en mai 2003, des manœuvres et des
coups bas, mais la lutte globale contre les nantis et les
profiteurs est bien lancée et nous réserve de beaux
lendemains.
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La future grève générale
Projet de société
Avoir un bon copain
Piètres ministres
Des jeunes plein d'expérience
Médias
Cerveau musicien
En poche
In situ
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LA FUTURE GRÈVE GÉNÉRALE
Bon nombre de salariés se posent le problème de créer les
conditions d'une grève générale. Pour y parvenir, il va
falloir " aller la chercher " comme le disait un cheminot,
en s'adressant directement aux différents secteurs de
salariés. Il faudrait sans doute parvenir à un mouvement de
la force de juin 36 ou de mai 68 pour contraindre l'État et
le Medef à remballer toutes ses contre-réformes sur les
retraites, la décentralisation et la Sécurité sociale.
D'autant plus que d'autres projets réactionnaires sont dans
leurs cartons contre le monde du travail. Mais si la grève
générale apparaît de plus en plus comme une nécessité, elle
ne sera pas, en elle-même, le remède miracle. Il faudra
l'enraciner dans des formes d'organisation démocratiques et
dans un projet de société.

Il faut avoir à l'esprit que les grèves générales de 1936 et
de 1968 ont été sabotées par les centrales syndicales et les
partis de gauche. Donc cette fois, nous avons intérêt à nous
donner toutes les garanties avant même qu'une telle grève
générale soit lancée. D'autre part il faut aussi avoir à
l'esprit que les concessions arrachées en 36 et en 68 ont
été reprises pour la plupart en très peu de temps. Dès qu'on
relâche la pression, ceux qui dirigent l'État et l'économie
s'en donnent à coeur joie, reprennent tout et se vengent.
Comme actuellement leur économie est stagnante et leurs
finances " publiques " dans un triste état, leur
détermination à ne rien lâcher sera d'autant plus grande.
Ceci est dit pour cadrer le débat de façon réaliste et pour
nous préparer à vaincre les obstacles.

Il est non moins évident qu'aujourd'hui les acteurs des
luttes sont très nombreux à avoir une conscience élevée de
la nature des attaques et de leurs capacités collectives à y
répondre. Nous sommes fondés à avoir un moral de gagneurs.


PROJET DE SOCIÉTÉ
Comme les représentants de la classe dominante font des
projets à l'horizon 2005, 2010, 2050 sur les retraites et
d'autres sujets, on ne voit pas pourquoi, nous " en bas ",
on se priverait d'avoir un projet de société, avec un
programme et des objectifs à court, moyen et long terme. Si
nous répondons seulement au coup par coup aux attaques sur
les retraites ou les licenciements, sans projet global de
société, nous n'obtiendrons que des succès partiels et mal
assurés. Une meilleure répartition des richesses de façon
durable dans le cadre de la société actuelle est impensable,
totalement utopique. Le choix est le suivant : soit la
perpétuation de la société actuelle fondée sur le profit,
soit l'émergence de la société qui répondra à tous les
besoins humains. Il ne peut pas y avoir un mixte des deux
car la bourgeoisie s'y opposera avec la dernière énergie. La
société pour laquelle nous luttons, est une société de plein
emploi, où chacun aura le droit à un revenu décent et à une
retraite décente, où chacun aura l'accès gratuit à la santé,
à l'éducation, à la culture. Dans une telle société,
l'ensemble de l'économie deviendra un service public. Elle
est possible à la condition que l'ensemble des travailleurs
prennent le contrôle des rouages de l'économie et ne
laissent pas en place l'appareil d'État actuel.


AVOIR UN BON COPAIN
L'échotier du quotidien Les Échos, Favilla, a beau détester
tout ce qui se réfère de près ou de loin à la gauche, il
n'en est pas moins contraint de prendre en compte les
intérêts de sa classe, en l'occurrence la bourgeoisie
française. C'est pourquoi Favilla commence son papier du 21
mai en page 48 par cette phrase : " En l'absence d'un grand 
parti de gauche, nos régimes démocratiques restent boiteux."
La remarque est judicieuse. En l'absence d'un grand parti
de gauche suscitant des illusions dans les classes
populaires et capable de freiner ou de saboter leurs luttes,
les choses ne tournent pas très rond dans une démocratie
impérialiste. Les travailleurs risquent de prendre
l'habitude de régler tous leurs problèmes en comptant
exclusivement sur eux-mêmes, en ne s'appuyant que sur les
organisations qu'ils créent et qu'ils contrôlent.

Comme il y a l'agitation sociale qu'on sait actuellement et
aussi des élections l'an prochain, il était temps que le
Parti socialiste s'efforce de sortir de sa torpeur et ravale
sa façade en rose, pas trop vif quand même. A l'occasion de
son congrès, il se devait donc d'avoir l'air d'être lié au
monde des salariés. Pour ce faire, les congressistes du PS
ont ovationné Bernard Thibault, secrétaire de la CGT.
L'opération avait été préparée dès la fin du congrès de la
CGT où divers éléphants et éléphanteaux du PS s'était
extasié devant les positions " raisonnables " de Thibault.

Sur le terrain, les salariés en lutte ont constaté ces
derniers jours que les responsables de la CGT avaient mis la
gomme pour empêcher que le mouvement se prolonge et prenne
de l'ampleur au-delà du 13 mai. Il est donc logique que
Thibault devienne un bon copain pour François Hollande et
compagnie.


PIÈTRES MINISTRES
Qui remplacera Luc Ferry ? Ce ne sont pas les piètres
penseurs qui manquent et qui pourraient faire l'affaire :
Alain Renaut, Alain Finkelkraut, Pascal Bruckner...Ce qu'il y
a de plaisant quand on est un ex-ministre de l'Éducation
nationale, c'est que les revenus personnels ne baissent pas
et qu'on rejoint une sorte de club de donneurs de leçons et
de cracheurs de venin sur le monde des enseignants. Claude
Allègre est le meilleur dans ce triste genre. Jouant les
perroquets de Luc Ferry, il a déclaré avant hier sur Europe 1 :
" Prendre les élèves en otages n'est pas tolérable. Les
examens, c'est la vie des gens, c'est l'avenir. " Bel avenir
que de s'inscrire à l'ANPE, diplôme en poche ! C'est bien
plutôt des gens comme Allègre et Ferry qui ont compromis
l'avenir des élèves par tous leurs mauvais coups contre le
système éducatif.


DES JEUNES PLEIN D'EXPÉRIENCE
Un sondage récent indique que les jeunes fuient comme la
peste les emplois dans le bâtiment et dans la restauration
(il faut dire " les métiers de bouche " pour être tendance).
Les jeunes n'aiment pas être traités comme des chiens ,
faire des heures supplémentaires en pagaille, s'épuiser pour
un salaire minable. Aller dans une usine avec comme
perspective de se faire un jour brutalement licencier, ils
ont pas envie. Au désespoir du patronat, les jeunes ont trop
d'expérience ou sont trop bien informés. Ca va être dur dans
l'avenir de faire marcher le grand bastringue de la machine
à profit avec une jeunesse pareille.


MÉDIAS
Il n'est pas si simple de maintenir une attitude critique
permanente et suffisamment affûtée à l'égard des grands
médias. Nous entendons " grands " dans le sens où ces médias
sont la propriété de grands groupes capitalistes et
l'expression de leurs intérêts. L'Observatoire des médias
Acrimed (Action Critique Médias) a un site qui accompli ce
travail de façon vivante et compétente :
http://acrimed.samizdat.net/ et une adresse électronique
acrimed@wanadoo.fr . Signalons qu'un des animateurs de ce
site, Henri Maler, a donné une interview qui mérite la
lecture dans le dernier numéro de la revue Critique
communiste (n°168, printemps 2003).


CERVEAU MUSICIEN
Il y a plusieurs bonnes raisons de lire le numéro de mai de 
la revue La Recherche. Nous nous focaliserons sur une seule, 
l'interview d'Isabelle Peretz, spécialiste de l'étude des 
bases cérébrales de la perception musicale. Elle a étudié 
l'amusie chez de nombreuses personnes, c'est-à-dire les 
troubles dans les habiletés d'origine neurologique. Un cas 
d'amusie célèbre est celui de Che Guevara " qui ne pouvait 
ni reconnaître l'hymne de son pays ni distinguer un tango 
d'une salsa. " [convenons que le second trouble devait être 
beaucoup plus handicapant] Les circuits neuronaux essentiels 
à la musique ne se confondent pas avec ceux du langage. " 
Nous pensons que l'émotion musicale emprunte des voies 
séparées de son évaluation cognitive. " Il y a encore bien 
des problèmes à comprendre dans ce domaine. 
En avant la recherche et la musique !


EN POCHE
Le roman de Yasmina Khadra, " L'Écrivain " (voir point de
vue sur notre site) vient d'être réédité en collection
pocket et le roman de Paul Auster, " Le Roman des Illusions
" dans la collection Babel.


IN SITU
Depuis notre dernière lettre, nous avons mis en ligne un 
article, " À propos de l'Irak ", des points de vue sur le 
livre d'Alain Gresh, " Israël, Palestine. Vérités sur un 
conflit ", sur un recueil de nouvelles " Après le 
tremblement de terre " de Haruki Murakami, sur " Être sans 
destin " d'Imre Kertész et sur le roman de John Edgar 
Wideman, " Suis-je la gardien de mon frère ? ".


Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder

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