Journal de notre bordLettre n°27 (le 28 novembre 2002)Bonsoir à toutes et à tous La journée de mobilisation des salariés du secteur public a eu un caractère revigorant. Il est raisonnable de parler de succès dans la mesure où bien des manoeuvres de division en provenance des bureaucrates syndicaux avaient été mises en oeuvre pour en atténuer la portée et pour empêcher un début de " tous ensemble ". Ces manoeuvres ont en partie réussi. Elles ont déconnecté la mobilisation des camionneurs salariés d'une possibilité de convergence avec celle des cheminots, postiers, gaziers, électriciens, employés des impôts, etc. Elles ont maintenu à l'écart une grande partie des enseignants. Mais la mobilisation avait suffisamment belle allure pour que trois anciens ministres socialistes soient tentés de rappliquer pour se refaire une image " d'amis des travailleurs ". Bernard Thibault de la CGT leur aurait dit qu'ils pouvaient venir sans problème ; et ces bêtas l'ont cru. Daniel Vaillant, Élisabeth Guigou et Ségolène Royal ont dû quitter les lieux bien vite. Martine Aubry avait une excuse pour ne pas avoir pointé son nez à la manifestation : elle était occupée à recevoir le Premier ministre à Lille, avec un cadeau et beaucoup de courtoisie. Ces gens-là partagent les mêmes valeurs de la " culture de gouvernement ". En cet automne, les représentants de l'État, des groupes financiers, industriels et commerciaux ont plus d'allant que jamais pour ratatiner notre pouvoir d'achat, pour massacrer nos emplois, pour privatiser, pour s'attaquer à nos retraites et pour supprimer les maigres protections sociales. Le gouvernement Raffarin, traumatisé par le syndrome de 95, a dégainé ses flics contre les routiers. Il dégaine ses juges pour expédier en prison des syndicalistes et des manifestants. Raffarin, Sarkozy et leurs collègues, qui ont eu un coup de pouce de 70 % sur leurs salaires, incarnent à merveille la France des coups bas, c'est-à-dire celle des nantis. Avec leurs attaques et leurs provocations, ils devraient réussir à redonner de la vigueur à la lutte de classe. Au travers de multiples actions préparatoires, un mouvement plus large, plus puissant, plus déterminé que celui de l'automne 95 devrait un jour explosé à la figure du patronat et des gouvernants d'aujourd'hui et d'hier. _________________________________ Prévenus et fichus Prestige du profit Revues Spartacus Consciences Doudoune Lectures Triple et double concertos In situ _________________________________ PRÉVENUS ET FICHUS Les organismes des Nations Unis nous préviennent des calamités qui touchent et qui vont toucher l'humanité. Ainsi 3 millions d'êtres humains sont morts du sida cette année. Les projections pour les années à venir sont encore pires. Les peuples opprimés et exploités par les grandes puissances sont prévenus par l'ONU qu'ils sont fichus, qu'il y a de l'argent pour les sauver et qu'il ne sera pas employé à les soigner. Délicate attention. Il est vrai qu'il en faut de l'argent pour renflouer les banques et les entreprises au bord de l'agonie. Il en faut pour préparer demain une offensive armée contre le peuple irakien, puis contre le peuple iranien, puis contre le peuple X, Y ou Z. Par une très cruelle ironie de l'histoire, on appelle cela les Nations Unies ! Ces institutions de l'ONU sont le cache sexe des États impérialistes. Elles constatent, elles font mine de gémir. Les profits des trusts pharmaceutiques prospèrent et la caravane des bombardiers, des croiseurs et des porte- avions passent, en partance pour de nouveaux massacres " humanitaires " et " antiterroristes ". PRESTIGE DU PROFIT Il faut croire que les habitants de la côte galicienne étaient des " privilégiés " jouissant d'un climat rude mais d'un beau paysage. Ils gagnaient péniblement leur vie avec les produits de la mer. La loi du profit a mis fin à ces " privilèges " exorbitants en polluant leur côte pour longtemps. Quelques pétroliers se sont empressés de corser " l'opération Prestige " en dégazant dans le sillage du navire naufragé. Dans l'autre hémisphère, des enfants argentins croyaient avoir le droit de manger à leur faim. Là encore, la loi du profit a mis bon ordre à cette incroyable prétention comme elle le fait depuis longtemps, à grande échelle, en Afrique et en Irak. Nous souhaitons vivement que tous nos lecteurs voient la photo publiée par le journal " Libération " le 27 novembre en page 25. On y voit un enfant argentin, Pablo Gomez, 4 ans, n'ayant littéralement que la peau sur les os. Cette photo symbolise parfaitement le programme du FMI, des banques et des grandes firmes européennes et américaines à l'usage des classes populaires du monde entier. La loi du profit est inexorable. Elle ne supporte pas les contrôles et les entraves. Peut-on limiter la casse provoquée par le système du profit ? Très peu. Avoir des illusions dans ce domaine, ce serait à peu près aussi judicieux que de proposer de combattre la pollution provoquée par les navires pétroliers avec des seaux en plastique. On ne peut pas adoucir la loi du profit qui gouverne toute l'économie mondiale. Mais on peut se donner les moyens de la supprimer. REVUES Le numéro 27 de la revue Carré rouge est sorti dernièrement avec en particulier des analyses sur le krach boursier rampant, la Russie de Poutine, les États-Unis de Bush, les travailleurs précaires... Mais Carré rouge est aussi le cadre de débats vivants. Dans ce numéro, le débat se poursuit sur les conséquences des dernières élections présidentielles et législatives. Le numéro 24 de la revue Mouvements (Sociétés-Politique- Culture) consacre un dossier très riche à l'oeuvre du sociologue Pierre Bourdieu : " Après Bourdieu, le travail de la critique ". Signalons au passage le site de cette revue : http://www.mouvements.asso.fr/ [ndlr 02/08/2008 : utilisez plutôt http://www.mouvements.info/ SPARTACUS Coup de chapeau à la compagnie " Jolie môme " pour son spectacle " Spartacus, Je reviendrai et je serai des millions... " Empire du capital ou empire de l'esclavage, les empires en prennent pour leur grade avec un tonus d'enfer et une verve réjouissante. Ce spectacle est le résultat d'un travail collectif exigeant sur le texte et la mise en scène. Les représentations se poursuivent jusqu'au 1er décembre au théâtre de l'Épée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes. Pour connaître la suite des aventures de " Jolie môme ", prière de consulter le site http://www.cie-joliemome.org/ CONSCIENCES La notion de conscience a été pleinement investie par les chercheurs en neurologie. Si les progrès dans la recherche sur le cerveau vous intéressent ou vous passionnent, il vous faut impérativement lire le dossier de décembre de la revue Pour la Science. Ce dossier est composé de quatre grandes parties après deux articles d'introduction : les méthodes d'exploration, le fonctionnement du système nerveux central, les racines de la conscience (avec notamment un article d'Antonio Damasio) et les troubles de la conscience. Dans cette même revue, les amateurs de paléontologie liront l'article de Brigitte et Gilles Delluc sur les notes précieuses et les objets préhistoriques de l'abbé Glory décédé en 1965, concernant la grotte de Lascaux. Tout ces matériaux n'ont été retrouvés qu'en 1987 et 1998. Comme quoi il faut aussi chercher dans les vieux cartons et les vieilles valises pour en savoir plus sur nos ancêtres du paléolithique. DOUDOUNE On sait que les jeunes enfants sont attachés à un jouet figurant approximativement un personnage ou un animal. Linus, un des jeunes héros de la bande dessinée des Peanuts, avec Charlie Brown et Snoopy le chien philosophe dont Luc Ferry n'est qu'un vulgaire épigone, Linus donc tient constamment contre son oreille une couverture tout en suçant son pouce. Les psychologues parlent d'objet transactionnel et les parents de doudoune. Dans une famille, " où est passé la doudoune ? " est une question existentielle beaucoup plus grave que " où est passé la télécommande ? ". Impossible de dormir (pour personne) ou de quitter un lieu (pour qui que ce soit), sans avoir retrouvé la fameuse doudoune. Il est un objet qui fait office de doudoune pour les adultes. Il a la forme d'un galet et a parfois une petite queue bien droite. Il couine avec véhémence si on n'appuie pas dessus à un endroit précis. On le garde tendrement contre son oreille. Partout. Dans le train on se demande parfois si ces petites bêtes mécaniques n'ont pas déjà pris le pouvoir sur les humains. Elles ont déjà réussi à contraindre certains d'entre eux à conduire d'une seule main, la mine réjouie. D'autres personnes ont déjà fait tomber leur galet métallisé dans la cuvette des WC. C'est le cas de Juliette Binoche dans le film " Décalage horaire " de Danièle Thompson, une comédie sympathique, moins légère qu'il n'y paraît. Le galet transactionnel, y joue un rôle déterminant, parfois perturbant ou parfois réparateur entre les personnes. Il est en passe d'accéder au rôle de partenaire à part entière dans les drames et les vaudevilles. Allez, on dira ce qu'on voudra, " c'est drôlement pratique d'avoir un portable ". LECTURES En poche, nous vous recommandons la lecture de trois nouvelles chinoises intitulées " Les trois rois " par A. Cheng (éditions de l'aube, mars 2000, 243 pages). L'auteur a connu lors de sa jeunesse les difficultés de la vie à la campagne pendant la " Révolution culturelle " de Mao. A. Cheng a un art du récit consommé. Il nous attache à des personnages vivants, originaux, sans rien édulcorer des conditions d'existence d'une grande dureté. Du même auteur et chez le même éditeur, on lira avec au moins autant d'intérêt un recueil de nouvelles intitulé " Perdre son chemin ". Une amie nous recommande le premier roman d'un jeune romancier espagnol, " Le soviet des fainéants " (éditions Phébus), une enquête palpitante qui se déroule notamment dans le Paris de 1934. Vous seriez tous impardonnables de ne pas lire et de ne pas offrir à ceux que vous aimez les " Lettres à Sophie, 1916- 1918 " de Rosa Luxemburg (Berg International Éditeurs, août 2002). Il s'agit de ses lettres de prison adressées à son amie Sonia, la femme de Karl Liebknecht. Dans cette nouvelle édition traduite et annotée par Claudie Weill, il y a pour la première fois toutes les lettres à Sonia, sans coupures. Lorsque Rosa Luxemburg cite un magnifique poème de Goethe, c'était tout de même dommage de le supprimer et ça changeait le sens de sa lettre. Accorder toute son attention aux oiseaux, aux plantes, à la poésie, à la littérature, à la philosophie, aux peines et aux joies de ses amis, c'est aussi cela qui faisait de Rosa Luxemburg une grande révolutionnaire. TRIPLE ET DOUBLE CONCERTOS Il est possible de découvrir Beethoven par une oeuvre moins connue que d'autres mais très séduisante, le triple concerto en ut majeur pour piano, violon, violoncelle et orchestre. Un CD EMI propose la réédition d'une superbe interprétation par le violoniste David Oistrakh, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, le pianiste Sviatoslav Richter et le chef Herbert von Karajan à la tête du Philharmonique de Berlin. Sur ce même CD, on découvrira une interprétation pleine de fougue et de sève du double concerto pour violon et violoncelle de Brahms par Oistrakh, Rostropovitch et Georges Szell à la tête de l'orchestre de Cleveland. IN SITU Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne sur notre site deux textes dans la rubrique En question : " A la découverte de Montesquieu, Rousseau et Condorcet " et " La Révolution française et notre avenir ". Côté cinéma, nous avons donné rendu compte du film de Aki Kaurismaki, " L'homme sans passé ". Nous avons donné un point de vue sur le roman américain de Richard Russo, " Le déclin de l'empire Whiting " et sur le roman de jeunesse de Dostoïevski, " Nétotchka Neznerova ". Enfin au rayon musique sans frontières, nous avons mis en ligne une présentation de Mamani Keïta et Marc Minelli. Bien fraternellement à toutes et à tous Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mèl: Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_027_28-11-2002.html |