Journal de notre bordLettre n°23 (le 28 juin 2002)Bonsoir à toutes et à tous, A défaut d'être déjà en vacances ou de pouvoir partir en vacances, nous vous souhaitons du beau et du bon temps. Le bon temps, c'est celui des échanges entre ami(e)s et celui de belles découvertes en littérature, cinéma, sciences, philosophie, musique et tutti quanti. D'ou cette lettre qui sera truffée de suggestions dans certains domaines. Si vous n'avez pas eu le temps de consulter notre site depuis quelques mois, prenez le temps d'une petite promenade dans nos diverses lettres et rubriques pour y glaner quelques idées que nous espérons bonnes. _______________________________________________ Worldcom.panique Vive la commune ! L'interminable révolution française Grand style Du coté des sciences et de la philosophie Recommandations Enesco Le peuple du blues L'origine du rap _______________________________________________ WORLDCOM.PANIQUE Enron, c'était un cas à part. Anderson est un scandale particulier. La chute du groupe Kirch était due à la mauvaise gouvernance de ce groupe. Idem pour la chute de l'action Vivendi. Ou de celle de France telecom. Et à présent quoi dire du gouffre dans la comptabilité de Worldcom ? D'exceptions fâcheuses en particularités très spécifiques, nous sommes en train de passer d'une situation de triomphe de la World company à une situation de Worldcom.panique. Tous les secteurs du système capitaliste sont reliés entre eux. Il ne suffira pas de nous dire que seul le secteur des valeurs technologiques se porte mal pour nous rassurer. La facture de tout ce fonctionnement chaotique et absolument logique de cette économie de profit est censée être payé par les travailleurs du monde entier. Tout aussi logiquement ils sont la seule force susceptible d'arrêter cette machine infernale. Quand de grandes multinationales en sont au point de détruire les produits du travail de façon aussi massive et de supprimer des emplois à une échelle aussi énorme, il faut se doter d'un programme d'action suffisamment musclé pour être à la hauteur de la déferlante qui va nous frapper, y compris dans les pays impérialistes. VIVE LA COMMUNE ! Il existe des textes remarquables d'acteurs de la Commune de Paris de 1871 : ceux de P.O. Lissagaray, de Louise Michel ou de Jean Allemane. Mais il existe un témoignage moins connu mais dont la lecture s'impose tout autant : " Souvenirs d'une morte vivante " de Victorine B. (éditions La Découverte, 246 pages). Ce livre vient d'être réédité. Victorine B., de son vrai nom Brocher, fille de cordonnier, ambulancière et combattante de la Commune jusqu'aux dernières heures, avait réussi à gagner l'étranger grâce à toute une chaîne de solidarité. Officiellement, elle avait été fusillée en 1871. " La morte vivante " publia ses souvenirs en 1909 discrètement et anonymement. Elle avait fait siennes les idées de l'anarchiste Kropotkine. Ses souvenirs commencent par la révolution de 1848 qu'elle a vécu enfant à Paris avec ses parents et se terminent avec l'écrasement de la Commune. Un témoignage d'une sobriété et d'une clarté impressionnantes. L'INTERMINABLE RÉVOLUTION FRANÇAISE Les grandes révolutions, telles que la révolution anglaise du 17e siècle, la révolution française du 18e ou la révolution russe du 20e siècle, ne se terminent jamais. Révolutions permanentes tant que l'humanité sera déchirée en pauvres et en riches, en classes antagonistes. Et pourtant il y en a des amateurs pour décréter la fin de l'histoire de telle ou telle révolution. Ainsi l'historien anticommuniste François Furet avait affirmé en 1979 : " La Révolution française est terminée. " Eh bien non. Depuis on n'a jamais autant entendu de gens invoquer " les valeurs de la République ", la " citoyenneté " avec un air grave et parfois pathétique... Comme s'il y avait un besoin de jouer les prolongations de la Révolution française en utilisant des notions devenues largement mystificatrices en 2002, à défaut de penser des notions adéquates préparant les futures révolutions du 21e siècle. Pour dépasser les révolutions antérieures, il est nécessaire de bien les connaître. Les combattants sans bagages théoriques et historiques devront rebrousser chemin bien vite dans le feu des batailles sociales à venir. Comme nous sommes bien persuadés que la révolution française comme la révolution russe n'ont pas fini de livrer leurs secrets et d'être des sources d'inspiration, il faut signaler le dossier consacré par la revue " Dissidences " n°11 à la révolution française. [pour accéder au site de cette revue et s'abonner, consulter nos liens]. Un des articles attire l'attention sur l'étude de la révolution française par Karl Kautsky et un autre donne envie de lire l'ouvrage d'un historien américain qui vient de sortir : " Les Furies. Violence, vengeance, terreur aux temps de la révolution française et de la révolution russe " par Arno J. Mayer (éditions Fayard). GRAND STYLE Oui, encore la révolution française, et cette fois dans ses rapports avec la culture au sens le plus fortifiant et le plus élevé. Dans les dernières pages de " Ma vie ", Léon Trotsky cite une lettre de prison de Rosa Luxemburg adressée le 26 janvier 1917 à une amie. En deux mots le contexte est le suivant : la boucherie impérialiste se poursuit, la " Deuxième internationale " en trahissant les travailleurs est devenue " un cadavre puant " selon l'expression même de Rosa Luxemburg. Et voici ce qu'elle écrit à son amie : " Cette complète dissolution dans la vulgarité est pour moi tout à fait incompréhensible et intolérable. Vois, par exemple, comment Goethe s'élevait avec une supériorité sereine au-dessus des choses. Pense seulement à ce qu'il a dû vivre : la grande Révolution française, qui à courte distance, devait lui sembler une force sanglante et sans aucun but, et ensuite, de 1793 à 1815, la série ininterrompue des guerres. Je ne te demande pas d'écrire des vers comme Goethe, mais son regard sur la vie - l'universalisme des intérêts, l'harmonie intérieure - cela peut être assimilé par quiconque, ou du moins, on peut s'efforcer d'y arriver. Et si tu me disais : Goethe n'est pas un militant politique, je pense que je te répondrais ceci : un militant doit justement s'efforcer de se mettre au- dessus des choses ; autrement il restera le nez plongé dans toutes sortes de saletés ; - bien entendu, je n'ai en vue qu'un militant de grand style... " DU COTÉ DES SCIENCES ET DE LA PHILOSOPHIE En vrac, sans cohérence ni esprit de système, selon vos interrogations scientifiques et/ou philosophiques, nous vous signalons quelques articles, revues et ouvrages : dans le numéro de Pour la Science de juillet un article sur le fonctionnement du cerveau intitulé " La correction des erreurs de raisonnement " ; le dernier numéro de la revue " Critique " s'intitule " Sciences dures ? " et nous y avons lu plusieurs articles intéressants sur les rapports entre sciences dites dures, sciences sociales et philosophie. Avec 50 ans de retard, le livre d'Élisabeth Anscombe, proche de Wittgenstein, intitulée " L'intention " vient d'être traduit en français (éditions Gallimard). Anscombe repart de la réflexion d'Aristote sur la question, en liant de façon serrée action et intention. Les " Carnets philosophiques " d'Angèle Kremer Marietti viennent d'être publiés chez L'Harmattan : aphorismes et recherches sur les rapports entre être, vérité et méthode, avec des chapitres consacrés à Bergson, Nietzsche, Hegel et Jaspers. RECOMMANDATIONS Parmi les recommandations de lectures de nos ami(e)s se trouvent un très beau roman, " L'Écrivain " (éditions Julliard) de l'auteur algérien ayant pour pseudonyme Yasmina Khadra, " Putain d'usine " de Jean Pierre Levaray (éditions L'insomniaque) et " Un homme brisé " d'Howard Fast (éditions du rocher). Nous reviendrons sur ces différents livres. ENESCO Il a fallu du temps en France pour que le compositeur tchèque Leos Janacek soit connu. Pour le compositeur roumain Georges Enesco (1881-1955), l'affaire n'est pas dans le sac. Et pourtant ceux qui aiment les musiques classiques de la première moitié du XXe siècle nourries de musiques populaires (Bartok, Kodaly, Janacek, Martinu, Villa-Lobos...) ont de grandes chances d'apprécier les oeuvres de Georges Enesco (ou George Enescu si vous êtes épris d'authenticité). Enesco a composé un opéra qui est un chef d'oeuvre inspiré par deux tragédies de Sophocle, " Oedipe " (deux CD EMI avec José Van Dam, Nicolaï Gedda, Brigitte Fassbaender, Barbara Hendricks... et à la direction du Philharmonique de Monte- Carlo, Lawrence Foster). Pour aborder l'oeuvre d'Enesco de façon particulièrement séduisante, écoutez ses " Sonates pour violon et piano " par Clara Cernat et Thierry Huillet (CD La nuit transfigurée, distribution harmonia mundi. Le livret est particulièrement riche en informations et en analyses musicales). Nous avons déjà écouté ce disque trois fois et ce n'est pas fini ! LE PEUPLE DU BLUES Un ami nous a signalé la réédition en 10/18 du livre de référence de Paul Oliver " Le Monde du blues ". Évidemment l'édition originale comportait de belles photos et éventuellement une belle reliure brune qui font ici défaut. Les passionnés peuvent toujours poursuivre leur quête hasardeuse chez les bouquinistes. Mais il faut se réjouir de cette réédition où l'auteur, sociologue et musicologue, passe en revue tous les thèmes essentiels des blues et fournit les paroles des plus importants d'entre eux. L'ORIGINE DU RAP Pierre Bellemare qui, certes n'est pas un musicologue de profession, faisait remarquer il y a peu que le rap a été inventé par Stravinski et Ramuz dans " L'histoire du soldat ". L'hypothèse n'est pas sans fondement. On peut aussi considérer que le parlé rythmé, accompagné de musique, a commencé avec les preachers noirs américains, les chanteurs de blues, le chanteur de folk songs Woody Guthrie ou encore Louis Armstrong. Tous ces rapeurs occasionnels méritent le détour de votre oreille. Mais il y a un ancêtre plus récent au rap actuel : Gil Scott- Heron. Vous trouverez (peut-être) des CD de cet illustre (quasi) inconnu au rayon jazz. Essayez de vous procurer le beau " Winter in America ". Sinon nous vous recommandons " Pieces of a man " enregistré en 1971 (CD RcaVictor Gold Series, site http://www.ecoutez-vous.fr/) Gil Scott-Heron est un chanteur, un diseur, un poète tout en délicatesse chaleureuse. Ce qui n'exclut pas la colère, celle d'un artiste noir dans les années soixante-dix. Sa colère garde toute son actualité. Il affirme que la vie est en nous et non au supermarché du coin et que la révolution ne sera pas télévisée. Le sourire serein et la barbe grisonnante, il poursuit sa route qui est passée l'an dernier par la Côte d'Azur et le " New Morning " à Paris. Pour revenir au disque sus mentionné, il faut impérativement y relever la présence du bassiste Ron Carter (toujours là où il faut), du pianiste Brian Jackson et du flûtiste Hubert Laws. Pour lever tout malentendu, si vous n'aimez pas le rap, vous risquez fort, de toute façon, d'aimer Gil Scott- Heron. Bien fraternellement à toutes et à tous Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mèl: Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_023_28-06-2002.html |