Journal de notre bordLettre n°19 (le 14 mars 2002)Bonsoir à toutes et à tous Si nos ami(e)s francophones du Québec, de Louisiane, du Maghreb, d'Afrique noire, de Belgique, de Suisse et d'ailleurs n'étaient pas au courant, nous leur signalons que dans un pays de moyenne importance et de forme hexagonale qui s'appelle la France, il se déroule actuellement une campagne pour élire un Président. Cet événement, qui se déroule en deux tours, est en passe d'être dominé par un événement beaucoup plus important : le troisième tour social. C'est tout à fait réjouissant. Il est bien difficile de savoir si beaucoup de travailleurs s'intéressent aux élections présidentielles. Mais il n'y a pas de doute qu'ils sont de plus en plus attentifs aux problèmes qui les touchent. Ils cherchent de plus en plus à régler ces problèmes par la lutte collective. Hospitaliers, enseignants et parents d'élèves de Loire-Atlantique, camionneurs, jeunes de la FNAC ou de McDonald's, ça commence à faire du monde qui cherche dans cette direction. Qu'ils soient en mouvement actuellement ou plus tard, les salariés savent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. " Ni dieu, ni césar, ni tribun " comme il est dit dans " l'Internationale ". Des centaines de milliers de travailleurs savent que les dirigeants des centrales syndicales sont aux abonnés absents depuis longtemps et qu'il faut se débrouiller sans eux. Les travailleurs n'ont pas seulement perdu leurs illusions dans les dirigeants des partis de la gauche gouvernementale. Ils ont acquis la conviction qu'il faut se passer d'eux, qu'il faut " faire sans " car ils sont contre nous. Les nombreuses mobilisations et grèves locales préparent peut-être à terme, des grèves massives ; et même, (qui peut le prévoir ?) une grève générale qu'on ne laissera saboter par personne. _______________________________________ Infamie Les fonds de pension ont déjà vote Oscars, Césars et autres Victoires Ça tourne Enron L'usage de l'écriture Dans tous ses éclats Tania Libertad Jolie Môme In situ ________________________________________ INFAMIE Les sinistres lois Pasqua-Debré-Chevènement provoquent des milliers de situations inhumaines. Ainsi à Rouen, un immigré libyen, Younis Trabelsi, a dû faire une grève de la faim de 60 jours, au péril de sa vie, pour que le ministre de l'Intérieur se décide enfin à reculer un peu, en prononçant son assignation à résidence. Celles et ceux qui se sont mobilisés activement pour le soutenir avaient mis en lumière les faits : " Depuis plus de 10 ans, Younis est l'une des nombreuses victimes d'une loi inique, celle de la double-peine : loi qui condamne deux fois, pour un seul délit, une seule catégorie de la population : les étrangers. Après s'être acquittées de leur peine, ces personnes sont expulsées du territoire français, quelle que soit la durée de leur présence en France, quelles que soient leurs attaches ici... Younis vit depuis 24 ans en France. Il est père d'une fillette de 7 ans. Il a été condamné à 3 ans d'emprisonnement (pour avoir détenu 7 grammes de cannabis), il y a plus de 10 ans. Depuis, il n'a commis aucun délit. Dans son pays natal, la Libye, il risque la peine de mort comme déserteur de l'armée. Mais le gouvernement français a tenté à plusieurs reprises de l'expulser. " Younis Trabelsi doit à présent obtenir le relèvement de son interdiction définitive du territoire français devant la justice. De plus, il n'a pas encore l'autorisation de travailler alors qu'il a une promesse d'embauche ! Les gouvernants de droite ou de gauche ne défendent que les Droits de l'Homme... capitaliste. Ils protègent les droits sacrés à exploiter, à licencier, à délocaliser, à spéculer et à mettre ses capitaux en sûreté dans les paradis fiscaux. Le droit des autres êtres humains, ils les piétinent sans états d'âme. LES FONDS DE PENSION ONT DÉJÀ VOTE On aura beau dire, les progrès dans les méthodes de clonage politique ont permis la mise sur le marché électoral de deux candidats défendant un programme commun, celui du MEDEF. Pour ne pas faire de favoritisme inutile à l'égard de Jospin ou de Chirac, Antoine Seillière et Denis Kessler n'ont pas voulu choisir. Mais une personnalité de poids dans le monde de la finance internationale ne s'est pas sentie contrainte à la même réserve. Bill Crist est le président de Calpers, un des principaux fonds de pension américain. Il a déclaré dans un entretien à " Paris-Match " (daté du 24 janvier) que s'il était français, il voterait " pour Jospin, [car] c'est le plus sérieux ". Bill Crist a tenu a précisé qu'il savait que Jospin " en privé, n'est pas contre " les fonds de pension. L'avenir de Jospin est assuré : soit président de l'État français, soit conseiller en communication chez Calpers. OSCARS, CÉSARS ET AUTRES VICTOIRES Il y a un type d'émissions télévisées qui ne cesse de proliférer, celui de la remise de prix ou de récompenses. Ainsi le dimanche 5 mai à 20 heures, nous aurons droit à la remise des Molières politiques, dans la super production " Au service du MEDEF ". D'une main fébrile, les présentateurs ouvriront une enveloppe et on saura qui a le mieux cabotiner entre Chirac et Jospin. L'un ou l'autre dira alors, inévitablement : " Je remercie les Français et les Françaises qui ont voté pour moi. Je serai le Président de tous les Français et de toutes les Françaises (y compris ceux et celles qui n'ont pas voté pour moi). " ( ? ! ) Ensuite, pour une durée de cinq ans, le nouveau président sera celui de tous les riches et de tous les puissants (en général ce sont les mêmes). Dans ce genre de cérémonie, il n'est pas dans les usages que les maquilleuses, les techniciens et les chauffeurs soient remerciés par le vainqueur. Il est également déconseillé de faire allusion aux sponsors. Vous voyez ça d'ici, le nouveau président déclarant : " Je remercie la maison Dassault, le groupe Lagardère, la maison Pinault-Printemps-La Redoute, les groupes Vivendi, Totalfinaelf...Je ne peux pas tous les citer... " Ce serait assez drôle qu'il rajoute avant de quitter la tribune : " Je remercie également mes professeurs de l'ENA qui m'ont appris à maîtriser la langue de bois. Je remercie, pour leurs encouragements, Tony Blair, Hilary Clinton, Bush junior, sans oublier Nicole Notat... " Pour le coup, ces aveux-là feraient exploser l'audimat...et la vérité. ÇA TOURNE ENRON ! Dès qu'on parle d'endettement, on pense aussitôt à celui des pays du tiers-monde ou à celui des familles ayant de bas revenus. Or il en est bien d'autres et de proportions himalayennes. Passons sur l'endettement des États impérialistes provoqué essentiellement par leurs aides aux capitalistes et par leur dépenses en armement (qui sont d'autres formes d'aides à certaines entreprises). Venons-en à l'endettement qui défraye actuellement la chronique, celui des très grandes entreprises. La faillite d'Enron a attiré l'attention sur les entreprises en défaut de paiement comme Swissair, Railtrack, Kmart, etc. L'endettement des entreprises mondiales a plus que doublé en moins de quatre ans. La bulle Internet s'est dégonflée mais la bulle de l'endettement des entreprises est colossale. En dix-huit mois la dette de Vivendi a atteint 18 milliards d'euros. La dette de France Télécom est à plus de 63 milliards d'euros et celle de Deutsche Telekom se monte à 65 milliards. La croissance de ces groupes a été dopée artificiellement à coup d'emprunts pour attirer les actionnaires. Cette inflation financière pourrait faire exploser le système bancaire. Ce serait très désagréable. Les banques cherchent donc à sous-traiter les risques liés à leur portefeuille de crédit. Elles se débarrassent de ces patates brûlantes en faisant dériver les risques vers des investisseurs situés en dehors du secteur bancaire. Ces investisseurs particuliers sont censés financer une protection contre le non- remboursement de leur dette par les entreprises. L'opération s'appelle la titrisation. Pour l'heure, les grandes entreprises s'efforcent de sortir de leurs bilans officiels tout ce qui fait tâche et laisserait entendre que les placements sur leurs titres sont de l'argent virtuellement jeté par les fenêtres. Le monde de la finance commence à être gagné par une vraie paranoïa qui n'est pas sans fondement. Elle vient de la faillite d'Enron et de l'Argentine. Les analystes optimistes qui tablent sur une reprise de l'économie mondiale pour 2003, savent bien que même dans cette hypothèse hasardeuse, les montagnes de dettes ne seront pas résorbées. Alors ? Qui paiera les pots cassés par cette spirale d'endettement démentielle ? Une grande dépression serait un remède radical qui ferait crever 90% de l'humanité par la même occasion. On ne peut pas atténuer les contradictions de cette économie. Ne nous berçons pas de l'illusion qu'on pourrait répartir les richesses autrement en laissant les capitalistes garder leurs propriétés et les leviers de commande. Il n'y a pas de partage du pouvoir qui tienne entre eux et nous. Il n'y aura de début de solution que par des mesures énergiques d'expropriation et de contrôle des principales banques et entreprises mondiales par les travailleurs. L'USAGE DE L'ÉCRITURE " Le 19 octobre 1999, Nathalie Sarraute achevait à Paris une traversée du siècle commencée en 1900 à Ivanovo, dans la Russie des tzars. " Ainsi commence le dernier numéro de janvier-février de la revue " Critique " qui regroupe quatorze articles très diversifiés et très courts consacrés à Nathalie Sarraute. Ils éclairent la personnalité de cette romancière, auteur dramatique, essayiste (parfois polémiste) et dont le rayonnement ne cesse de grandir depuis sa disparition. Les auteurs de ces articles sont des écrivains, des critiques littéraires, un metteur en scène, une traductrice qui ont des affinités électives avec Nathalie Sarraute. Il faut chasser le préjugé trop fréquent qui la présente comme un auteur trop difficile ou ennuyeux sous prétexte que son oeuvre est d'une originalité incroyable. Lisez " Enfance ", " Les fruits d'or ", " L'usage de la parole ", " Isma ", " Elle est là " ou " Pour un oui ou pour un non " (éditions 10/18)... Si l'une ou l'autre de ces oeuvres vous a laissés indifférent, il faudra que nous en reparlions. DANS TOUS SES ÉCLATS Le sociologue Bernard Lehman a étudié pendant plusieurs années les principales formations de musique classique parisiennes, en s'inspirant de la méthode de Pierre Bourdieu. C'est une étude inédite par le sujet traité, sérieuse, vivante et drôle. Le livre s'intitule " L'orchestre dans tous ses éclats, ethnographie des formations symphoniques " (éditions La Découverte). L'auteure a mené un travail d'archives, de statistiques, d'observation sur le terrain, d'entretiens avec les différents acteurs de l'orchestre. La mise en place hiérarchique, la place des cordes ou celle des cuivres, les rituels, le concert télévisé, tout est disséqué. On apprend tout sur ces musiciens en habit noir : leur parcours musical, leur place dans l'orchestre, leur origine sociale, leur salaire, leurs horaires, leur vécu, leurs opinions sur leur travail, sur leurs collègues, sur les chefs d'orchestre, sur les programmes qu'ils doivent jouer, leurs échappatoires, les " cachetons ", les formations parallèles en quatuor, en quintette... L'auteure nous emmène des répétitions (avec leur lot d'incidents éventuels avec le chef) à la répétition générale et enfin au concert, à la fois lieu d'écoute et lieu de regard. Alors un rituel hiérarchique se déroule jusqu'au silence du public qui précède la musique. Que l'on soit mélomane ou non, ce livre est d'un grand intérêt. Une bonne sociologie désacralise les activités humaines mais elle ne les dévalue pas. En l'occurrence, le lecteur sort convaincu que l'interprétation des oeuvres est un phénomène autant social que musical. TANIA LIBERTAD La chanteuse péruvienne Tania Libertad vient d'enregistrer un bel album intitulé " Costa Negra " (CD BMG). Nous voyageons ici dans un grand triangle de musique chaleureuse, entre Dakar, Rio et Paris. L'occasion se présente à Tania Libertad de chanter sur un morceau avec Cesaria Evora et sur un autre avec Ousmane Toure. Pour en savoir plus consultez le site http://www.Lusafrica.com/ JOLIE MÔME Merci à Loïc de nous informer des prochaines représentations de la compagnie Jolie Môme : >"Barricade" le 19 mars 2002 >à Brest, festival "enrageons nous" >sous chapiteau, place Guerin > >"Rouge-coeur" >spectacle de chanson >le 23 mars à Espalion (12), >salle St-Côme. Et pour plus d'infos, il y a le site http://www.cie-joliemome.org/ IN SITU Depuis la dernière lettre nous avons mis en ligne une étude sur l'Afghanistan au XXe siècle, un article sur " Montesquieu et l'Europe " et une critique du roman " Poussière rouge " de Gillian Slovo. Bien fraternellement à toutes et à tous Samuel Holder _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mèl: Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________ URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_019_14-03-2002.html |