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Journal de notre bord

Lettre n°14 (10 octobre 2001)

Bonjour à toutes et à tous

La guerre est là et le moral revient sur les places
boursières. Timidement mais quand même. Certaines grosses
firmes sont dopées par les plans massifs de licenciements,
le bombardement du peuple afghan et les aides d'État à
hautes doses. Il fallait au moins cela, sinon elles
déprimaient sévère. Et même avec cette thérapie de choc,
elles vont peut-être quand même plonger, compte tenu de la
récession de leur économie chaotique.

Bon, on ne va tout de même pas laisser ces gens-là, ces
maîtres du monde, continuer à présider aux destinées de
l'humanité ? A quoi ça ressemble ce début de vingt et unième
siècle qui a commencé réellement le 11 septembre dernier ?
Nous assistons à un regain de catastrophes et de barbarie à
l'échelle planétaire. Les grandes puissances et leurs
créatures telles que Ben Laden exercent leur terrorisme sur
l'ensemble de l'humanité. Ils nous prennent tous en otage et
matraquent nos têtes avec leurs propagandes. Nous assistons
à l'affrontement entre les ignobles petits gangsters
intégristes et les gros gangsters pseudo-démocrates du G7.
Ils règlent leurs querelles sur le dos des peuples. Ils
obéissent tous à la même logique meurtrière du profit. Les
massacres, les coups tordus et les obscurantismes des uns
justifient et alimentent ceux des autres. Situation sans
issue. Sauf si les travailleurs de tous les pays se dégagent
de leur emprise et passent un grand coup de balai ensemble,
tant qu'il est encore temps, pour sauver l'humanité et son
environnement.
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Opération profits illimités
Pétrole et pavot
Le terrorisme, arme des riches
Quelle justice dans un monde injuste ?
Un petit coin bien tranquille
Paradisiaque
Dictature sur le prolétariat
L'État des hommes d'affaires
Étoile
Jazz balkanique
In situ
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OPÉRATION PROFITS ILLIMITÉS
Le Figaro économie vendait toutes les mèches le 9 et le 10
octobre sur l'intérêt que représente la situation actuelle
pour les puissances capitalistes et notamment pour les
firmes d'armement. " Bourse et guerre font souvent bon
ménage ". Si c'est eux qui le disent... Les faits viennent
à l'appui : les actions des plus grands fabricants de
missiles, bombardiers, chasseurs et navires de guerre se
sont envolés depuis les attentats du 11 septembre.
L'augmentation est de 41% pour Raytheon qui fabrique les
missiles Tomahawk, 22% pour General Dynamics (missiles et
blindés), 31% pour Northrop Grumann (bombardiers furtifs et
navires de guerre), 25% pour Lockeed Martin (chasseurs F16
et bombardier F117A). Les actions de ces groupes sont
considérées par les analystes financiers comme étant des
valeurs refuges. Elles sont boostées par les larmes et le
sang du peuple afghan affamé et bombardé. Bush junior a
déclaré que les opérations seraient longues ce qui offre des
garanties sérieuses aux actionnaires et aux investisseurs
dans ce secteur.


PÉTROLE ET PAVOT
Il ne faut pas croire que la totalité de l'Afghanistan est
pauvre et souffre de sécheresse. La culture du pavot exige
une importante irrigation. Les 70 000 ha de pavot en
Afghanistan sont convenablement irrigués. Ils fourniraient
selon certains spécialistes 75% de l'héroïne mondiale. Pour
l'instant la production et le commerce de cette marchandise
ne sont pas perturbés. Ce qui suppose une collaboration
remarquable, par delà les frontières et les différences
ethniques et religieuses, entre les Talibans, les mollahs
iraniens, les trafiquants ouzbeks, ukrainiens, russes,
turcs, serbes, albanais, etc. jusqu'en Europe occidentale et
ailleurs. Cela suppose depuis des années une bienveillance
remarquable de la part des grandes puissances qui se drapent
dans les principes du Droit, du Bien, de la Morale et de la
Démocratie.

Mais si les Talibans sont parvenus au pouvoir avec l'appui
et l'assentiment des puissances occidentales, les États-Unis
réaliseraient une bonne affaire en mettant à leur place un
gouvernement y compris aussi réactionnaire mais suffisamment
stable et complaisant à leur endroit. Les groupes pétroliers
américains sont très alléchés par la perspective de récupérer
les fabuleuses réserves d'hydrocarbures du Kazakhstan et
du Turkménistan en faisant transiter un pipeline par
l'Afghanistan. Qui plus est les réserves de gaz et
de pétrole afghans ne seraient pas négligeables.

Il y a là une bonne raison pour Washington de ne pas trop
mettre la France dans le coup de " l'opération punitive "
contre Ben Laden et les Talibans. Après il faudrait partager
le butin ! TotalfinaElf devra se consoler en intensifiant
ses relations déjà des plus cordiales avec le régime iranien
(très démocratique et pas intégriste du tout comme chacun
sait !).


LE TERRORISME, ARME DES RICHES
Il est étonnant de lire parfois qu'il y aurait " un
terrorisme des pauvres ". Surtout à propos d'attentats comme
ceux du 11 septembre. Ben Laden est un milliardaire et
autant qu'on sache ses réseaux sont plutôt constitués par
des gens des classes aisées. Certains en particulier sont
des " professionnels " passés par des écoles d'ingénieurs ou
des universités.

A un autre niveau plus fondamental, il faut réaffirmer une
évidence. Les attentats aveugles et autres formes de
terrorisme ne profitent qu'à des riches et jamais à des
pauvres. Des riches commanditent les opérations terroristes
de bandes ou d'États, selon les cas. Ils en tirent toujours
un bénéfice politique contre les classes populaires.


QUELLE JUSTICE DANS UN MONDE INJUSTE ?
Dans le dispositif de duperie de l'opinion publique, on
entend quelques voix s'élever pour exiger le renforcement du
Droit international et l'intervention des Nations Unies pour
juger les " terroristes ". Il y a plusieurs choses qui
clochent dans le raisonnement de ces faux naïfs comme Robert
Hue auxquels se joignent sans doute quelques vrais naïfs.
Les Nations Unies (drôle d'appellation) sont truffées de
représentants d'États qui pratiquent le terrorisme
directement ou qui financent et arment des bandes
terroristes.

Un seul exemple, l'État français en Afrique.
Sa responsabilité dans le génocide au Rwanda est écrasante.
À l'heure actuelle tous les militaires, affairistes,
politiciens et gouvernants français impliqués se sont tirés
d'affaires. Mieux, la plupart des responsables directs du
génocide dont la femme du dictateur Habyarimana, ne sont
toujours pas inquiétés par le fameux Tribunal pénal
international de La Haye. Les réseaux de l'État français ont
été efficaces pour les mettre à l'abris, de même que les
réseaux intégristes de l'Église catholique en ce qui
concerne les prêtres et religieuses hutus.

On nous dit que l'Arabie saoudite et le Pakistan ont
constitué un terreau pour les réseaux terroristes de Ben
Laden, ce qui est vrai. Il est peut-être nécessaire de
rappeler que ce terreau a été copieusement arrosé par les
ventes d'armes françaises à ces deux dictatures intégristes.

Ne passent en justice à La Haye que quelques anciens hommes
de main des États impérialistes, qui ne leur servent plus à
rien ; si ce n'est, en tant qu'accusés, à entretenir la
fiction d'une justice internationale indépendante.

Pour vivre dans un monde juste, sans terroristes d'aucune
sorte, sans industriels et politiciens irresponsables
commettant des attentats contre la sécurité pour sauver
leurs profits et leurs avantages, il n'y a qu'un moyen :
l'intervention consciente des masses populaires sur le
terrain politique et social.


UN PETIT COIN BIEN TRANQUILLE
On se souvient qu'après le sommet de Gênes où la police du
G7 avait tué un jeune manifestant et blessé de nombreux
autres, ces messieurs avaient décidé de rechercher des
endroits plus tranquilles où ils ne seraient pas perturbés
dans leurs palabres par ceux qui contestent leur domination.
Le Qatar semblait un endroit très approprié. Le prochain
round de l'OMC devait donc se tenir en novembre au Qatar,
petit émirat pétrolier avec peu d'habitants et beaucoup de
désert. Avec en plus un régime islamique bien répressif en
place, cela permettait de voir les manifestants arriver de
loin. Sauf que... C'est au Qatar que la télévision Al-Jazira
a diffusé l'interview de Ben Laden faisant pâlir de jalousie
avec ce scoop les patrons de CNN. Cela eut été hautement
symbolique si l'OMC avait maintenu sa réunion dans ce
charmant endroit, contre vent de sable et marée pétrolière.
Mais aux dernières nouvelles le sommet serait en voie
d'annulation et peut-être bien d'autres du même genre. Après
avoir mis le vice-président Dick Cheney à l'abris, les chefs
du G7 s'acheminent vers un déballonnage global.


PARADISIAQUE
Il est assez comique de voir un député socialiste français
s'en prendre à Tony Blair parce qu'il ne met pas en cause
certains paradis fiscaux off-shore ou des opérations de
blanchiment d'argent à la City. Personne n'a encore entendu
Fabius ou Jospin mettre en cause Monaco. Ce n'est pas un
paradis fiscal off-shore, c'est là toute la différence. On a
par contre entendu Fabius il n'y a pas longtemps à
l'émission " Capital " de M6 se taire devant le procureur du
canton de Genève mettant en cause la mauvaise volonté de
l'État français concernant les réseaux financiers mafieux.


DICTATURE SUR LE PROLÉTARIAT
" Dictature sur le prolétariat " est le titre d'un article
très documenté sur la façon dont les patrons américains ont
mené leur offensive contre leur propre classe ouvrière au
cours des vingt dernières années. Texte d'un militant
marxiste attardé employant encore cette notion ringarde de
prolétariat ? Pas du tout. Cet article est le premier du
numéro de juin dernier de la revue " Actes de la recherche
en sciences sociales " dirigée par Pierre Bourdieu. Il est
heureux qu'il y ait des sociologues critiques qui sans se
dire marxistes ne bradent pas pour autant certains
instruments d'analyse fondamentaux de Marx.

Toutes les autres contributions sont intéressantes en
particulier celle sur l'endettement des classes moyennes aux
États-Unis et celle sur l'exploitation des jeunes dans un
fast-food.


L'ÉTAT DES HOMMES D'AFFAIRES
Tout aussi suggestif est le deuxième fascicule des " Actes
de la recherche en sciences sociales " sur " l'exception
américaine " paru en septembre dernier. Neil Fligstein met
en pièces ce qu'il appelle " Le mythe du marché ".
L'intervention vigoureuse de l'État fédéral est analysée
dans le développement du marché des actions et dans
l'impulsion donnée à la Silicon Valley. Ce n'est pas
seulement depuis les attentats du 11 septembre que l'État se
porte au secours de capitalistes, bien incapables de s'en
sortir sans lui.


ÉTOILE
Une étoile s'est éteinte. Le violoniste Isaac Stern s'en est
allé à l'âge de 81 ans. Dans certaines oeuvres, on pourra
préférer cet interprète à bien d'autres parmi les plus
grands. Une sonorité généreuse mais sans vibrato ni
ostentation. Jugez-en par exemple dans les oeuvres pour trio
de Beethoven avec ses amis le pianiste Eugène Istomin et le
violoncelliste Leonard Rose (CD ou cassettes audio à petit
prix Sony classical). Cette même formation de légende a
également enregistré les trios de Brahms.

Isaac Stern a interprété tous les concertos célèbres du
répertoire mais si vous voulez en découvrir un moins connu
que ceux de Beethoven, Brahms ou Mendelssohn, écoutez-le
dans celui de Dvorak avec Eugène Ormandy à la baguette, qui
est d'un lyrisme prenant (toujours chez Sony classical).


JAZZ BALKANIQUE
L'appellation jazz balkanique est évidemment aussi
contestable que celle de jazz belge, français ou italien. Le
jazz accueille toutes les influences mais ne s'enracine
nulle part. L'album dont nous voulons vous entretenir est au
demeurant l'oeuvre d'un pianiste et compositeur originaire de
Belgrade. Les amateurs de jazz le connaissent sous le nom de
Bojan Z.

Pour son premier album en solo intitulé " Solobsession "
(CD Label Bleu), notre homme sort son nom complet,
Zulfikarpasic, et son grand jeu imaginatif. Il y a là une
plénitude de la frappe et une utilisation des silences qui
placent Bojan Z. dans la filiation de Duke Ellington et de
Thelonious Monk. Outre la référence discrète à des musiques
populaires des Balkans, on entend aussi comme l'écho des
ritournelles enfantines et savantes de John Cage ou de
Meredith Monk. A écouter et à réécouter en rêvant.


IN SITU
Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne quelques
citations et des points de vue sur le film " Platform " et
sur des romans, " La grève des battù " d'Aminata SowFall,
" Moon Palace " de Paul Auster et " Violence et dérision "
d'Albert Cossery. Si vous n'avez le temps de lire qu'un
court roman, lisez ce dernier comme antidote à la confusion
et à la sinistrose de nos " temps modernes ".

Vous trouverez cette semaine sur la page d'accueil du site
" Le discours sur la paix " de Jacques Prévert.

Merci enfin à celles et ceux qui nous ont envoyé des
messages pour nous dire qu'ils avaient apprécié la
précédente lettre du 13 septembre.

Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
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