Journal de notre bord

Lettre n°8 (12 avril 2001)

Bonjour à toutes et à tous

L'actualité politique et sociale est pétulante. Nous n'avons
pas voulu attendre la parution de cette lettre pour
l'aborder. Vous trouverez donc sur notre site un texte
intitulé " Le printemps des travailleurs " daté du 6 avril.
Nous comptons sur vos réactions.

Ceux d'en bas ne se laissent pas faire. Ils donnent de la
voix dans les urnes, dans la rue, dans les entreprises, dans
les dépôts SNCF. Et même dans leurs maisons inondées quand
un Premier ministre s'aventure en bottes pour prendre la
température. Très fraîche pour lui.

Il y a de l'embarras du côté de ceux d'en haut, patrons ou
gouvernants. Ci-dessous, je passe la plume (ou plutôt le
clavier) à Laurent pour son texte " Gôche : le retour ! "
dont Jospin et Tapie ne sortent pas indemnes.

Dans une lettre précédente (la n°4 du 15 décembre dernier),
nous avions cité le poète germanique du Moyen Age, Walter
von der Vogelweide. J'avais suggéré que son nom signifiait
festin des oiseaux. Interprétation subjective et
unilatérale. Merci à Richard G. de nous avoir transmis la
note suivante sur Vogelweide :
" Le sens peut être multiple, selon le sens donné à Weid ou
Weide :
1  la chasse
2. Le saule ou l'osier
3. Le pacage, le pâturage, au sens propre, et au sens figuré :
   la pâture, la délectation ou le festin. "

Dans la lettre précédente nous vous proposions de découvrir
l'auteur de cette citation : " Le Siècle des Lumières a
engendré le totalitarisme, c'est-à-dire la divination de la
raison humaine qui refuse toute critique. " L'auteur n'est
pas Alain Finkielkraut. C'était plausible mais elle est de
Jean-Marie Lustiger, cardinal de son état, dans " Le Choix
de Dieu. Entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique
Wolton. " J'avoue ne pas avoir lu cet ouvrage et ne pas
avoir l'intention de le lire. Cette citation se trouve page
51 dans " Les Combats de Spinoza " d'Alain Billecoq
(éditions ellipses).
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Gôche, le retour !
Boycott, dur, dur
Soutien sans faille
Paul Celan
Cordes sensibles
In situ
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GÔCHE, LE RETOUR !
L'O.M au tapis, c'est Nanard qui refait surface. Tel un
phénix renaissant de ses cendres, après ses mises en examen,
procès, emprisonnement, Bernard Tapie II revient jouer les
messies près du vieux port... mais attention, sans magouilles
et sans arrière-pensées politiques, puisqu'il le dit !

C'est aussi pour éviter la relégation de la gauche plurielle
en seconde division à la fin de la prochaine saison
électorale, que le coach, Jospin, s'est payé un stage de
formation au Brésil. Là, il a reçu la bénédiction des
patrons brésiliens : oui, pour eux, " le gouvernement
français est bien de gauche " : ouf !, même si toute
" tentative de l'étiqueter selon les traditionnels standards
serait risquée ". Un homme de gauche mutant sans doute, que
les patrons brésiliens recommandent comme " top model "
" susceptible d'inspirer la gauche brésilienne " (Le Monde de
dimanche et lundi 8 et 9 avril). Jospin, pour redorer son
blason, avait prévu d'aller se faire photographier dans les
favelas de São Paulo (il avait " loupé " Porto Alegre).
Manque de chance, une grève de bus, l'a contraint, " bougon "
(s... de grévistes !) toujours d'après Le Monde à se
contenter d'une photo avec la maire de São Paulo, membre de
ce même Parti Travailleurs qui dirige la mairie de Porto
Alegre. Ca peut porter chance sans doute : n'a-t-elle pas
apporté tout son soutien à Delanoé ? Les travailleurs du
P.T. brésilien apprécieront ce geste d'amitié à l'égard d'un
de ces représentants de l'impérialisme occidental qui
étrangle leur pays... mais puisqu'il est " bien de gauche "...

Comme un bonheur n'arrive jamais seul pour Jospin, histoire
d'oublier la défaite des municipales, les cheminots, les
sages-femmes pourchasseuses de Kouchner, il y a aussi
l'affaire Marks & Spencer : des mauvais licenciements ceux-
là, pas du tout " de gauche ", puisqu'annoncés par " un
simple E-Mail ", tandis que ceux de Danone, et des milliers
d'autres qui se préparent, avec des fleurs et en mettant les
formes, sont sans doute plus acceptables. En attendant, ça
permet toujours au P.S. de s'encanailler version " lutte de
classe " avec le slogan " on se lève tous pour Danone "...
Mais en ce qui concerne les cheminots : ah, non, ça, c'est
pas du tout une bonne grève, ce ne sont pas des bons
travailleurs, c'est MAL !

Comme il y a toujours possibilité d'en faire son miel, face
à Chirac qui ressort le service minimum, les politiciens
P.S. parlent eux de " pacte de solidarité ". Avec les mots
justes, les cheminots n'apprécieront que mieux cette menace
contre leur droit de grève ! Il est vrai qu'ils ont tout
loisir de juger l'efficacité de leur ministre (communiste)
des Transports qui se mouille sans compter pour les faire
reprendre le travail. Des esprits cyniques et mal
intentionnés au sein même du P.C. et à Matignon ",
souffleraient, paraît-il, qu'il " cherche à jouer les
Maurice Thorez ".

A quand Jospin en Léon Blum ? Quand on vous dit que la
gauche revient !

BOYCOTT, DUR, DUR
L'appel des salariés de LU à " licencier Danone de nos
caddies " a reçu un écho large et réjouissant dans la
population. Le président de Danone pleurniche dans le Figaro
parce que son image de marque est écornée : " Arrêtons de
taper sur un champion national. " En attendant, c'est lui
qui frappe les salariés des usines LU par un plan de 1700
licenciements alors que son groupe annonce 4,7 milliards de
francs de profits.

Comme salariés aussi bien que comme consommateurs, nous
sommes de plus en plus nombreux à avoir envie de rendre les
coups. Nous allons tous ensemble en terminer avec le
découragement et le fatalisme. C'est cette volonté affichée
qui inquiète les capitalistes, plus que l'efficacité réelle
du boycottage.

Pour se faire bien voir, des députés ont décidé eux aussi de
boycotter les produits Danone ! Ils ne doivent pas s'arrêter
en si bon chemin. Valeo et Delphi licencient. Il y a des
équipements Valeo ou Delphi sur leurs voitures. Qu'ils les
retirent et qu'ils marchent à pied pour soutenir les
travailleurs de Valeo et Delphi. Plus question pour eux de
prendre un avion d'AOM, d'Air Liberté ou d'Air Littoral qui
s'apprêtent à licencier. Évidemment les achats chez Marks
&Spencer leur sont dorénavant interdits, sous peine de se
ramasser une veste aux prochaines élections. Dur, dur. Mais
il faut admettre que le pire des boycotts serait celui des
électeurs à leur encontre, pour cause de complicité avec un
gouvernement au service des licencieurs.

Laissons ces députés à leurs petits soucis et à leurs
simulacres de solidarité. Les travailleurs exigent de plus
en plus des augmentations de salaires, des embauches et zéro
licenciement. C'est une bonne façon de commencer à boycotter
les intérêts capitalistes.

SOUTIEN SANS FAILLE
L'État français essaie de vendre des chars Leclerc à
l'Arabie Saoudite. Cette dictature islamiste soutient celle
des Taliban en Afghanistan. La France est un gros
fournisseur d'armes au Pakistan. Lequel Pakistan soutient
aussi les Taliban et leur fournit des armes. Mais attention !
La France ne soutient pas les Taliban ! Elle a un État de
droit, un gouvernement de gauche et des industriels de
l'armement très prospères.

PAUL CELAN
Paul Celan est un poète juif de langue allemande qui a mis
fin à ses jours en 1970. Poète difficile, qui ne se livre
pas à la première lecture. Poète d'après Auschwitz. Avec ce
défi d'être un poète de langue allemande, d'une force
d'expression sidérante. Lire Celan, c'est un peu se mettre
en danger. En danger de sonder l'innommable, d'entrevoir
l'horreur d'un génocide dont les parents de Celan ont été
les victimes.

A l'occasion de la parution de la correspondance entre Celan
et sa femme Gisèle de Lestrange, la revue Europe a consacré
son numéro de janvier-février à un dossier passionnant sur
Celan, avec des témoignages de ses amis et connaissances,
depuis son enfance en Bukovine jusqu'à sa mort à Paris.
" C'était un homme très discret, très effacé, inapparent. "
écrit Jacques Derrida. A Paris où Paul Celan vécut de 1948 à
1970, la plupart de ceux qui le côtoyaient ignoraient qu'il
était un des plus grands poètes de l'après-guerre.

CORDES SENSIBLES
Chaque samedi sur France Musique de 15h 30 à 18h, vous
pouvez entendre une émission intitulée " Cordes sensibles ".
Jean-Michel Damian y invite un artiste, connu ou non, en
général un musicien ou une personne impliquée dans
l'activité musicale. Rien à voir avec ces interviews où un
journaliste s'extasie sottement ou coupe la parole hors de
propos " parce que nous sommes pressés par le temps ". Jean-
Michel Damian ne compresse pas le temps, il respecte ses
invités et les auditeurs sont aussi ses invités. Des
rencontres chaleureuses pour comprendre et aimer toujours
plus la musique.

IN SITU
Depuis la dernière lettre, nous avons mis en ligne des
points de vue sur " Le Nouvel Esprit du Capitalisme " de
Boltanski et Chiapello, " La Cloche fêlée " de Ngo Van,
" Histoires " d'Arno Schmidt et deux articles dans la rubrique
En question, " la grève de la TCAR " et " le printemps des
travailleurs ".

Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
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