Culture & Révolution

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Journal de notre bord

Lettre n°5 (20 janvier 2001)

Bonjour à toutes et à tous

Vous avez peut-être déjà une indigestion de " bons voeux " et
de galettes des rois (et en plus la chandeleur pointe déjà
son nez). Nous savons bien que le rituel des voeux n'a qu'une
faible efficacité. Ceci dit, nous ne pouvons nous empêcher
de vous adresser nos meilleurs voeux, avec un peu de retard
(au demeurant, pas par rapport au calendrier chinois puisque
nous passerons mercredi prochain de l'année du dragon à
celle du serpent).
Nous vous souhaitons le succès dans les luttes auxquelles
vous participerez. Plus de solidarité et de fraternité,
c'est déjà un succès.
Dans la " douce France " qui refuse de régulariser la
situation des sans papiers, les grands patrons et les commis
de l'État sont en train de se faire un carton sur nos
emplois, notre pouvoir d'achat, nos conditions de travail et
nos retraites. Il va falloir contrer tout cela par les
luttes et pas en ordre dispersé de préférence.
Nous vous souhaitons (comme à nous-mêmes) d'être plus
heureux au travers de liens plus forts et plus riches avec
vos amis, vos camarades et vos proches. Sans parler des
échanges fructueux que vous créerez avec de nouvelles
personnes. Le bonheur est encore une idée neuve en Europe
comme sur les autres continents.
Le bon plan pour cette année et les vingt-neuf qui suivent,
c'est d'avoir une plus grande capacité à comprendre notre
époque, le monde social, la nature, l'histoire, les
cultures, les aspirations de ceux qui résistent face aux
injustices et à l'adversité. Dans trente ans on refera le
point, sans attendre l'an 3000.
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Individuel et collectif
Pour ne pas en finir avec le XXe siècle
Vue du ciel et du sol
C'est trop injuste
Société black-outee
Durutti, anarchiste
J'ai trouve Archimède
Science et littérature
Musique et grands espaces
In situ
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INDIVIDUEL ET COLLECTIF
Notre meilleur souhait est de devenir des femmes et des
hommes qui imaginent une nouvelle civilisation et agissent
pour la faire surgir : l'après capitalisme, stade suprême de
l'humanité ! Si nous parvenons à progresser dans cette
direction, il en découlera une meilleure compréhension de
l'individualité et de la singularité de chacun.
Séparer ou opposer l'individuel au collectif, c'est tout
obscurcir, c'est tout faire mourir. C'est l'objectif de
l'idéologie libérale totalitaire, celle qui convient à ceux
qui sont du côté du manche et de la richesse financière.
Pour la combattre, nous n'y opposerons pas une autre
idéologie mais une conscience commune, nécessairement
révolutionnaire. La conscience des intérêts du genre humain
et de son environnement naturel.

POUR NE PAS EN FINIR AVEC LE XXe SIÈCLE
Il y a déjà eu pas mal de bilans du XXe siècle qui nous
l'ont présenté de façon unilatérale comme celui des
génocides, des guerres incessantes et des régimes
totalitaires. En général ces bilans servent juste de
prétexte à pousser des " oh " et des " ah " sans rien
expliquer rationnellement. Passons. Il est urgent de
rappeler que ce siècle a aussi été celui de révolutions
sociales extraordinaires, même si elles ont toutes été
brisées, trahies ou défigurées. Elles nous lèguent une riche
moisson d'expériences pour préparer les futures révolutions.

Mais il y a eu aussi tant d'inventions en science et en art
au cours du siècle passé ! Par exemple l'art abstrait, le
jazz et le cinéma. Sans Kandinsky, Paul Klee, Louis
Armstrong, Duke Ellington, Charlie Chaplin et Orson Welles,
il manquerait quelque chose dans nos bagages pour nous
embarquer sur les flots incertains du XXIe siècle.

Dans d'autres domaines de la recherche, signalons trois
revues sorties récemment qui établissent des bilans
succincts mais à la fois instructifs et plaisants. Le
dernier numéro de " Science et vie " se déploie dans deux
directions sur l'axe du temps : d'une part l'histoire des
découvertes scientifiques et techniques du vingtième siècle
et la façon dont cette revue en a rendu compte ; d'autre
part l'examen de 21 projets " fous " pour le XXIe siècle.
Avec un humour certain, " Science et vie " publie également
la vision futuriste que cette revue se faisait de l'an 2000
en 1959. Certaines tendances se sont confirmées. Mais quant
au reboisement du Sahara, la disparition des nuisances
sonores, la semaine ouvrable de douze heures grâce à
l'automation et à la rationalisation du travail, trois mois
de vacances pour tous et la disparition des voitures à
essence et des centrales nucléaires, les rédacteurs de 1959
ont eu tout faux. Mais ça devrait être bon pour 2050 ou
2100, à condition de se débarrasser entre temps de
l'économie de profit.

" Sciences humaines " a publié un hors-série intitulé
Histoire et philosophie des sciences qui part de la science
grecque dans l'Antiquité et nous conduit à l'étude des
communautés scientifiques et des démarche de la science au
vingtième siècle. Puisqu'il y est question du philosophe et
logicien américain Willard Quine, impliqué dans les débats
concernant la théorie de la connaissance et les rapports
entre science et philosophie, signalons sa disparition le 25
décembre dernier à l'âge de 92 ans. Lorsqu'on l'accusait de
nier la réalité de la conscience, il répondait qu'il n'avait
pas conscience d'avoir fait cela. Nous comptons sur nos amis
internautes passionnés de logique et de philosophie des
sciences pour nous éclairer sur les grandes lignes de
l'oeuvre de Quine et nous donner leur point de vue.

Les Dossiers de l'Archéologie de décembre 2000-janvier 2001
portent sur les plus grandes découvertes archéologiques du
XXe siècle : Toutânhkhamon, Knossos, le Machu Picchu, Lucy,
les grottes ornées de Lascaux, Cosquer et Chauvet, le site
néolithique de Catal Hüyük, le navire viking d'Oseberg, les
2000 soldats en argile du premier empereur de Chine, etc.
Tous les articles ont été rédigés par des spécialistes qui
dans plusieurs cas ont été sur le terrain et à l'origine de
certaines découvertes. C'est une grande plongée dans le
passé de l'humanité doublée d'une saga où s'affrontent
scientifiques rigoureux ou peu scrupuleux, aventuriers,
intérêts d'États et d'argent, émerveillements, querelles et
débats houleux. Au passage il nous faut dire que les preuves
de l'existence de la tombe de saint Pierre sous la colline
du Vatican ne nous ont pas semblé lumineuses. Sans doute
parce qu'on n'a pas la foi mais quand même.

VUE DU CIEL ET DU SOL
Il y a six mois ceux qui se promenaient à Paris le long des
grilles du Jardin du Luxembourg (entre le Sénat et la
marchande de glaces), ont pu admirer les impressionnantes
photos de notre planète prises d'hélicoptère par Yann Arthus-
Bertrand. Les émotions provoquées par ces photos sur le
visage des passants étaient également belles à voir. Ces
photos ont été regroupées dans un grand livre intitulée La
Terre vue du ciel (Éditions de la Martinière). Il est à
consulter longuement en librairie ou mieux en bibliothèque.
Les textes d'accompagnement apprennent beaucoup de choses
bien qu'ils soient engoncés dans le cadre politiquement
clean des discours de l'Unesco qui a patronné le travail du
photographe. N'importe. Ce livre dévoile une planète superbe
et parfois défigurée, avec ses habitants, hommes et femmes
au travail et qui parfois nous regardent, avec ses bovidés,
éléphants, ibis ou flamants roses. La minorité de gens qui
bousillent la terre et exploitent ces hommes et femmes ne se
trouvent sur aucune de ces photos. Ca repose les yeux et ça
remet les choses à leur juste place.

C'EST TROP INJUSTE
Il y a un juge qui cherche des crosses à Jean-Christophe M..
" M " comme Mitterrand et " M " comme massacre au Rwanda.
Jean-Christophe pleurniche et il est colère. Il y a de quoi.
Pourquoi on s'en prend à un brave démarcheur de gauche sans
mettre en examen le représentant de commerce de droite
Charles Pasqua ? Criante injustice derrière la paisible
cohabitation Chirac-Jospin !
Derrière l'implication de feu le père et du fils à sa maman,
il y a le saint esprit des intérêts capitalistes français en
Afrique. Pourquoi avoir gâché les fêtes de Jean-Christophe
M. qui n'est qu'un obscur comparse alors que Dassault et
Lagardère courent toujours ? Et Bouygues ? Et les PDG de Elf ?
Il faut croire qu'ils ont de sacrés appuis en haut lieu,
au niveau des banques et de l'État. Oui, ça doit être ça !

SOCIÉTÉ BLACK-OUTEE
La sympathique maison bleue accrochée à une colline de San
Francisco que chantait Maxime Leforestier à la fin des
années soixante n'a plus d'électricité, de même que des
centaines de milliers de foyers en Californie où sévit
actuellement une vague de froid inhabituel.. Ouragan ? Oui,
celui provoqué par la concurrence forcenée entre les
entreprises du secteur de l'électricité, avec faillites de
certaines. On attend des nouvelles des hôpitaux et des
quartiers pauvres des villes touchées par les black-out de
la dérégulation. Des collèges ferment ou fonctionnent sans
chauffage et dans la pénombre. Une partie de la Californie,
sixième puissance mondiale par sa richesse, est mise au
régime du Tiers monde ou de la Russie du marché et de la
libre entreprise. Coupures de courant pour tout le monde ou
presque.
Les patrons de la Silicon Valley font la bougie. Intel qui
n'envisage pas encore de faire fonctionner ses ordinateurs
avec des piles a menacé de passer avec armes, bagages et
capitaux dans un autre État. Non, pas un État du Tiers
monde, un autre État des États-Unis ! Tout de même, quel
déplorable manque de solidarité des patrons de la Net
économie avec le merveilleux fonctionnement de ce système
économique chaotique qu'ils vénèrent. Ce n'est qu'un début.
Les entreprises d'électricité finiront bien un jour par
couper le jus à Wall Street. Et les employés n'auront plus
qu'à lire à la torche le Capital de Marx pour comprendre le
pourquoi du comment.

DURRUTI, ANARCHISTE
Mercredi prochain à 23h 45, Arte présente un documentaire
franco-espagnol inédit de Jean-Louis Comolli sur la figure
la plus prestigieuse du mouvement anarchiste espagnol,
Buenaventura Durruti, tué sur le front de Madrid en novembre
1936. Nous ne pouvons pas préjuger de la qualité de ce film
et de son intérêt politique et historique. Mais Jean-Louis
Comolli a déjà réalisé de bons films et il a une solide
connaissance de la Révolution espagnole et du rôle contre-
révolutionnaire qu'y jouèrent les staliniens (avec la
complicité active des socialistes). A voir de toute façon
car Durruti incarnait les espoirs des travailleurs espagnols
dans leur émancipation par la révolution. Ceux qui
sabotèrent cette révolution de l'intérieur tentèrent après
sa mort de récupérer son image et falsifièrent ses idées.
Pour découvrir Durruti ou mieux le connaître, le livre le
plus documenté à notre connaissance est celui d'Abel Paz
paru en 1972 aux éditions de la tête de feuilles.

J'AI TROUVE ARCHIMÈDE
Le mardi à 19h si vous n'êtes pas au travail, en réunion ou
dans un embouteillage, il y a gros à parier que vous
attendez les informations de votre région sur FR3. Vous
n'avez donc pas encore vu l'émission hebdomadaire intitulée
Archimède qui passe de 19h à 19h 50 tous les mardis sur
Arte. Restez sur FR3 si vous le souhaitez mais programmez
sur votre magnétoscope l'émission scientifique Archimède
composée de courtes séquences variées, abordables, souvent
amusantes et persiflantes. Nous avons en mémoire une
démonstration mathématique concernant cinq candidats de
différents pays européens se présentant à une même instance
européenne, obtenant des scores différents et étant tour à
tour chacun victorieux selon le mode de scrutin adopté. On a
eu un exemple de calcul élémentaire de ce genre aux États-
Unis où Bush l'a emporté sur Gore en ayant recueilli
nettement moins de voix sur son nom.
Deux séquences sur le chimiste et photographe Adolfo
Kaminski nous ont touché. Avec son air tranquille et sa
barbe poivre et sel, on voyait notre homme prendre une photo
de la Tour Eiffel avec une simple boîte à chaussures percé
d'un trou d'épingle (et avec à l'intérieur quelques
languettes tartinées de produits adéquats). La semaine
suivante il expliquait comment il confectionnait des faux
papiers pour les résistants en ayant toujours peur de ses
imperfections, pour les autres et non pour lui-même.

SCIENCE ET LITTÉRATURE
Il va vous falloir deviner de qui est la citation suivante
sur laquelle nous sommes tombés à deux reprises au hasard de
nos lectures :
" les poètes et les romanciers sont de précieux alliés, et
leur témoignage doit être estimé très haut, car ils
connaissent, entre ciel et terre, bien des choses que notre
sagesse scolaire ne saurait encore rêver. Ils sont, dans la
connaissance de l'âme, nos maîtres à nous, hommes du commun,
car ils s'abreuvent à des sources que nous n'avons pas
encore rendues accessibles à la science. "

Nous vous donnons le choix entre Marx, Darwin, Freud,
Einstein ou Trotsky. Nous ferons connaître les gagnants le
mois prochain, à moins qu'ils veuillent préserver leur
anonymat par modestie. Il n'y a rien à gagner et il n'y a
pas d'huissier pour contrôler la régularité des opérations.
C'est juste pour le fun, yeah.

MUSIQUE ET GRANDS ESPACES
Soit un trio de musiciens jouant l'un de l'oud (ou luth
arabe), un autre de la clarinette et un troisième sur des
instruments de percussion (bendir, darbouka). A eux trois,
Anouar Brahem, Barbaros Erköse et Lassad Hosni, ils jouent
une musique raffinée, prenante, qui parcourt de grands
espaces qui vont de l'Andalousie à la Chine en passant par
la Tanzanie, la Tunisie, les Balkans et l'Azerbaïdjan. Leur
album enregistré sur le label ECM qui a fait connaître les
saxophonistes Jan Garbarek et John Surman et le violoniste
Shankar, s'intitule " Astrakan café ". Chaque écoute fait
émerger des images nouvelles.

IN SITU
Depuis l'an dernier nous avons mis sur notre site le point
de vue de Cinquième Zone sur le film Billy Elliot (que nous
partageons) et des points de vue sur " Le lièvre de Vatanen
" d'Arto Paasilina, " Pereira prétend " d'Antonio Tabucci et
" Tu, mio " d'Erri De Luca.

Bien fraternellement à toutes et à tous

Samuel Holder
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