Suite aux attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher
en janvier à Paris, indépendamment des discours
officiels sur l’unité nationale et le respect du
« vivre-ensemble » (vivre ensemble avec les types qui
nous dirigent, ça ne fait pas envie…), une question
nous est posée de manière incisive : comment
résorber la coupure idéologique avec un milieu
social, globalement jeune, convaincu
d’antisémitisme, pas vraiment attaché aux
libertés, et prêt à soutenir voir à
s’enrôler pour le jihad ? C’est une
responsabilité pour tous les rebelles, les
anticléricaux, les féministes, LGBT, les
antiracistes, antifascistes, les tiers-mondistes, les
pro-palestiniens, les soutiens des sans-papiers, les communistes,
les anarchistes, les syndicalistes lutte de classe… Bref,
c’est une responsabilité pour toutes celles et ceux
qui aspirent à des relations sociales égalitaires,
et dont les idées n’ont cessé de reculer dans
les milieux populaires.
Le capitalisme, ses profiteurs et ses serviteurs sont
évidemment les premiers responsables des reculs sociaux
massifs, de la misère grandissante et de l’absence
de perspectives d’intégration qui alimentent les
replis identitaires, qu’ils soient nationalistes ou
politico-religieux. Mais notre camp porte une
responsabilité d’un autre ordre : si nous avons pris
des coups et encaissé les défaites, si nous
continuons d’en prendre et d’en encaisser de la part
du Medef, du PS et de l’UMP, c’est à nous
qu’il revient de construire un autre monde, d’autres
relations entre les peuples, fondées sur d’autres
relations sociales. C’est à nous d’ouvrir de
nouvelles perspectives communes au plus grand nombre et de
contrer les divisions identitaires.
Le capitalisme est un ennemi des peuples. L’extrême
droite et les intégrismes religieux le sont
également. Ils sont les produits d’un capitalisme en
putréfaction mais ils sont aussi des forces autonomes
à combattre en tant que telles. Il n’y a pas
d’excuses à distribuer aux uns ou aux autres, ni de
jugement moral à émettre à propos des jeunes
qui se laissent embarquer dans le nationalisme, le racisme et
l’islamophobie, ou l’antisémitisme, ou la
haine des Noirs, ou celle des homos, ou le jihadisme. Il y a
seulement des idéologies identitaires à combattre
toutes en bloc, parce que toutes conduisent à des
divisions et à des hiérarchisations, à la
haine, à l’oppression et à l’exclusion.
Les attaques contre les mosquées et les musulmans, celles
contre les juifs, celles contre les caricaturistes
« mécréants », ce sont autant
d’attaques contre les libertés et contre notre
camp.
L’islamisme radical est avant tout l’ennemi des
populations arabo-musulmanes. On le voit en Syrie, en Irak ou
ailleurs, avec les massacres, l’asservissement de milliers
de femmes et d’enfants par Boko Haram ou
l’État Islamique. Ce sont des forces
contre-révolutionnaires qui s’opposent depuis quatre
ans aux mobilisations progressistes des peuples du Maghreb et du
Moyen Orient. L’islamisme radical n’est pas une
religion, c’est un mouvement politique réactionnaire
et fascisant. En Europe, ce n’est donc pas contre les
musulmans, mais c’est avec les populations d’origine
et de culture arabo-musulmanes que nous devons combattre ce
fléau. Parce que cet ennemi nous est commun, quand il
prétend imposer, à l’instar des
intégrismes catholique ou juif, la soumission des femmes
aux hommes, l’exclusion des homosexuels, le rejet des
autres religions, le contrôle des consciences,
l’interdiction de critiquer ses croyances ou d’en
rire.
D’aucuns se désolent du déclin des valeurs de
la République et voudraient, à coups de
leçons de morale laïque et de signalement des
déviants, attacher de force une nouvelle
génération aux institutions établies.
C’est gommer ce qui, en arrière-plan, explique le
décrochage légitime de cette
génération d’avec ces institutions. La France
n’a-t-elle pas participé aux croisades
« contre le terrorisme » derrière
l’impérialisme états-unien ? N’a-t-elle
pas soutenu, ne continue-t-elle pas de soutenir l’État
d’Israël quand il écrase Gaza sous les bombes ?
La République française n’a-t-elle pas voulu
réhabiliter l’œuvre prétendument
positive de la colonisation ? Ses représentants
n’ont-ils pas organisé la stigmatisation des
étrangers, des Roms ou des travailleurs sans-papiers ? Sa
police n’est-elle pas coutumière des contrôles
au faciès, des bavures, de la répression dans les
quartiers, comme plus généralement de toutes les
contestations ?
Nous ne pouvons pas combattre l’islamisme radical avec des
« républicains » de droite qui approuvent
Zemmour un jour et qui sont Charlie le lendemain. Nous ne pouvons
pas plus combattre l’islamisme radical avec des
« républicains » de gauche qui
démantèlent les écoles un jour et qui
prétendent en faire le dernier rempart du vivre-ensemble
le lendemain. Notre étendard ne sera pas celui de la
République, il ne peut être que celui de
l’émancipation : émancipation de toutes les
divisions et oppressions, émancipation des rapports de
domination qui structurent la vie sociale sous le capitalisme,
que les « républicains » de droite et de
gauche se contentent de perpétuer et que les
intégristes et fascistes de tous bords n’aspirent
qu’à renforcer. L’émancipation,
c’est la revendication commune aux exploité.e.s et
aux opprimé.e.s, qu’ils et elles le soient selon
leur genre, leur nationalité, leur origine ou leur
religion. L’émancipation, c’est un principe
égalitaire et universel qui peut être mis en
œuvre dès maintenant, autour de nous et entre nous.
L’émancipation, c’est le pivot autour duquel
nous devons rebâtir notre camp.
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