Les valeurs de la République ? Non, celles de l'émancipation !


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Article publié dans le journal RésisteR! #34, mars 2015



Suite aux attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher en janvier à Paris, indépendamment des discours officiels sur l’unité nationale et le respect du « vivre-ensemble » (vivre ensemble avec les types qui nous dirigent, ça ne fait pas envie…), une question nous est posée de manière incisive : comment résorber la coupure idéologique avec un milieu social, globalement jeune, convaincu d’antisémitisme, pas vraiment attaché aux libertés, et prêt à soutenir voir à s’enrôler pour le jihad ? C’est une responsabilité pour tous les rebelles, les anticléricaux, les féministes, LGBT, les antiracistes, antifascistes, les tiers-mondistes, les pro-palestiniens, les soutiens des sans-papiers, les communistes, les anarchistes, les syndicalistes lutte de classe… Bref, c’est une responsabilité pour toutes celles et ceux qui aspirent à des relations sociales égalitaires, et dont les idées n’ont cessé de reculer dans les milieux populaires.

Le capitalisme, ses profiteurs et ses serviteurs sont évidemment les premiers responsables des reculs sociaux massifs, de la misère grandissante et de l’absence de perspectives d’intégration qui alimentent les replis identitaires, qu’ils soient nationalistes ou politico-religieux. Mais notre camp porte une responsabilité d’un autre ordre : si nous avons pris des coups et encaissé les défaites, si nous continuons d’en prendre et d’en encaisser de la part du Medef, du PS et de l’UMP, c’est à nous qu’il revient de construire un autre monde, d’autres relations entre les peuples, fondées sur d’autres relations sociales. C’est à nous d’ouvrir de nouvelles perspectives communes au plus grand nombre et de contrer les divisions identitaires.

Le capitalisme est un ennemi des peuples. L’extrême droite et les intégrismes religieux le sont également. Ils sont les produits d’un capitalisme en putréfaction mais ils sont aussi des forces autonomes à combattre en tant que telles. Il n’y a pas d’excuses à distribuer aux uns ou aux autres, ni de jugement moral à émettre à propos des jeunes qui se laissent embarquer dans le nationalisme, le racisme et l’islamophobie, ou l’antisémitisme, ou la haine des Noirs, ou celle des homos, ou le jihadisme. Il y a seulement des idéologies identitaires à combattre toutes en bloc, parce que toutes conduisent à des divisions et à des hiérarchisations, à la haine, à l’oppression et à l’exclusion. Les attaques contre les mosquées et les musulmans, celles contre les juifs, celles contre les caricaturistes « mécréants », ce sont autant d’attaques contre les libertés et contre notre camp.

L’islamisme radical est avant tout l’ennemi des populations arabo-musulmanes. On le voit en Syrie, en Irak ou ailleurs, avec les massacres, l’asservissement de milliers de femmes et d’enfants par Boko Haram ou l’État Islamique. Ce sont des forces contre-révolutionnaires qui s’opposent depuis quatre ans aux mobilisations progressistes des peuples du Maghreb et du Moyen Orient. L’islamisme radical n’est pas une religion, c’est un mouvement politique réactionnaire et fascisant. En Europe, ce n’est donc pas contre les musulmans, mais c’est avec les populations d’origine et de culture arabo-musulmanes que nous devons combattre ce fléau. Parce que cet ennemi nous est commun, quand il prétend imposer, à l’instar des intégrismes catholique ou juif, la soumission des femmes aux hommes, l’exclusion des homosexuels, le rejet des autres religions, le contrôle des consciences, l’interdiction de critiquer ses croyances ou d’en rire.

D’aucuns se désolent du déclin des valeurs de la République et voudraient, à coups de leçons de morale laïque et de signalement des déviants, attacher de force une nouvelle génération aux institutions établies. C’est gommer ce qui, en arrière-plan, explique le décrochage légitime de cette génération d’avec ces institutions. La France n’a-t-elle pas participé aux croisades « contre le terrorisme » derrière l’impérialisme états-unien ? N’a-t-elle pas soutenu, ne continue-t-elle pas de soutenir l’État d’Israël quand il écrase Gaza sous les bombes ? La République française n’a-t-elle pas voulu réhabiliter l’œuvre prétendument positive de la colonisation ? Ses représentants n’ont-ils pas organisé la stigmatisation des étrangers, des Roms ou des travailleurs sans-papiers ? Sa police n’est-elle pas coutumière des contrôles au faciès, des bavures, de la répression dans les quartiers, comme plus généralement de toutes les contestations ?

Nous ne pouvons pas combattre l’islamisme radical avec des « républicains » de droite qui approuvent Zemmour un jour et qui sont Charlie le lendemain. Nous ne pouvons pas plus combattre l’islamisme radical avec des « républicains » de gauche qui démantèlent les écoles un jour et qui prétendent en faire le dernier rempart du vivre-ensemble le lendemain. Notre étendard ne sera pas celui de la République, il ne peut être que celui de l’émancipation : émancipation de toutes les divisions et oppressions, émancipation des rapports de domination qui structurent la vie sociale sous le capitalisme, que les « républicains » de droite et de gauche se contentent de perpétuer et que les intégristes et fascistes de tous bords n’aspirent qu’à renforcer. L’émancipation, c’est la revendication commune aux exploité.e.s et aux opprimé.e.s, qu’ils et elles le soient selon leur genre, leur nationalité, leur origine ou leur religion. L’émancipation, c’est un principe égalitaire et universel qui peut être mis en œuvre dès maintenant, autour de nous et entre nous. L’émancipation, c’est le pivot autour duquel nous devons rebâtir notre camp.

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