J'apprécie la possibilité de parler ici du livre que je publie en
mars. L'enjeu central des retraites est l'émancipation du travail de la valeur travail.
Toutes les institutions nécessaires à cette émancipation existent
déjà. Elles sont le fruit d'une construction pragmatique. Il faut leur donner
aujourd'hui une densité théorique afin d'en faire le fondement d'un discours
alternatif à l'argumentaire dominant.
En matière de retraites, l'affaire semble entendue et ne pas souffrir de débat : il y
a un problème des retraites. Un problème démographique, d'abord. Avec le
passage d'un actif pour un retraité à un pour deux d'ici 50 ans, la question selon la
présidente du Medef, ne serait « ni de droite ni de gauche, mais arithmétique
». Un problème comptable, ensuite : les déficits actuels et surtout
prévus seraient tels qu'il faudrait dans l'urgence « sauver le régime par
répartition » en réduisant ses prestations, à « compléter
» par de la capitalisation. Un problème moral, enfin : il faudrait rétablir la
« solidarité intergénérationnelle » car nous serions en train de
nous constituer des droits qui obligeront nos enfants à nous payer dans l'avenir des
pensions d'un trop fort niveau compte tenu de ce qu'ils pourront produire. Et Madame Parisot n'est
pas la seule à nous le dire : les gouvernements successifs de droite et de gauche nous le
disent depuis vingt ans, les experts nous le répètent de rapports en rapports, et le
consensus est partagé.
Il faut combattre pour briser ce consensus. C'est le sens de ce livre. Le résultat de mes
recherches et de mes réflexions peut se résumer dans les propositions suivantes.
La réforme poursuivie avec une grande continuité au moyen d'une succession de
dispositions réglementaires et législatives par les gouvernements français
successifs depuis 1987 a pour but de mettre fin au système des retraites en tant que «
salaire continué ». Celui-ci est aux côtés de l'assurance-maladie la
composante centrale du « salaire socialisé » dont j'ai fait l'histoire et la
théorie dans un livre précédent [1]. Après l'abandon du système de l'épargne retraite par le
gouvernement de Vichy en 1941, la pension des salariés du privé va progressivement se
rapprocher du « traitement continué » de la fonction publique. Les droits des
fonctionnaires reposent sur leur qualification (leur grade) et non sur leur emploi (leur poste) :
attaché à leur personne, leur grade ne s'éteint pas avec leur cessation
d'activité et leur pension, calculée sur la base de leur dernier (et meilleur)
salaire, est en permanence revalorisée selon la valeur courante de l'indice qui a servi
à leur calcul. Elle est bien du salaire continué, et ce modèle de la fonction
publique sera transposé dans les entreprises à statut (SNCF, EDF-GDF, pour prendre
les plus importantes). Comme remplacement du meilleur salaire de la personne, indexé sur le
mouvement moyen des salaires, il sert d'horizon pour les salariés du secteur privé
dont la pension va se rapprocher du salaire continué avec référence aux 10
meilleures années et indexation sur les salaires. Cette progression est assurée par
une hausse constante du taux de cotisation, qui passe de 8 à 25% du salaire brut ente 1945
et les années 1980. Juste avant la réforme, l'échantillon inter régimes
des retraités donne le taux de remplacement du dernier salaire net par la première
pension nette des retraités à carrière complète nés en 1930 : il
est en moyenne, pour le secteur privé, de 84%. Certes, tous les retraités n'ont pas
une carrière complète, les femmes en particulier, mais les femmes peuvent
espérer, avec l'amélioration du taux d'emploi des cohortes arrivant à la
retraite dans les années 2000, une nette amélioration de leur situation. Ce sont les
femmes que la réforme, qui stoppe cette progression, vise en premier.
Ce qui justifie de parler de « réforme » au singulier est la constance de la
détermination réformatrice des gouvernements, de gauche comme de droite, qui
partagent et poursuivent un projet exposé clairement depuis 1991 dans le Livre
Blanc de Michel Rocard. Qu'on en juge : Chirac indexe les pensions du secteur privé sur
les prix par une mesure réglementaire de 1987 qu'en 1993 Balladur transforme en loi pour
cinq ans, loi que Jospin pérennise en 1998, que Raffarin étend à la fonction
publique en 2003 et Fillon aux régimes spéciaux (SNCF, EDF-GDF...) en 2008. Rocard
énonce en 1991 les principes de séparation entre contributif et non contributif, de
durcissement des conditions de retraite à taux plein à 60 ans, d'extension de la
période du salaire de référence et d'allongement de la durée d'une
carrière complète que Bérégovoy, qui en dépose en 1992 le projet
de loi, n'a pas le temps de mettre en œuvre et dont Balladur réalise en 1993 une
première étape que complète Raffarin en 2003. Juppé rate en 1995 la
réforme des régimes spéciaux que Fillon réalise en 2008 ; sa loi sur
les fonds de pension n'a pas de décrets d'application quand il perd le pouvoir et Jospin
l'abroge pour créer un fonds de réserve et une formule d'épargne salariale qui
servira de matrice à l'épargne retraite que met en place Raffarin, avec en prime un
fonds de pension obligatoire dans la fonction publique. Jospin refuse à ses alliés
communistes une loi rendant possible la retraite pleine avant 60 ans pour les travailleurs à
carrière longue, car il entend en faire la monnaie d'échange de la réforme du
régime des fonctionnaires que son échec aux présidentielles ne lui donnera pas
l'occasion de mener à bien, mais que Raffarin négocie avec la CFDT un fameux 16 mai
2003... contre la retraite avant 60 ans pour les travailleurs ayant cotisé quarante ans.
Jospin installe en 2001 un Conseil d'orientation des retraites qui produit depuis le
référentiel consensuel de la réforme, celles de 2003, de 2008, et celle
à venir dont il vient de tracer les grands traits dans son rapport de janvier 2010.
La réforme peut donc se résumer en deux objectifs centraux : donner un coup
d'arrêt quantitatif au mouvement de continuation du salaire dans la pension à partir
de 60 ans et qualitativement, délier la pension du salaire pour la lier à
l'épargne, au revenu différé et à l'allocation tutélaire, trois
formes de ressources résolument non salariales.
Un retraité est celui qui n'est pas un « vieux ». Voici
quelques décennies en effet, dans le langage courant, les fonctionnaires ou les cadres
âgés, qui ont les premiers accédé à la retraite, n'étaient
pas désignés comme « vieux », terme réservé aux ouvriers ou
aux employés qui n'ont touché une pension présentant un réel taux de
remplacement de leur salaire qu'au cours des années 1970. Aujourd'hui encore, « vieux
» désigne davantage une femme qu'un homme, non pas d'abord parce que les femmes
meurent plus âgées, mais parce qu'elles accèdent plus difficilement à la
pension de retraite.
Un retraité est d'autant moins un « vieux » et d'autant plus un «
retraité » qu'il touche une part élevée de son salaire
d'activité. Et cette pension est un salaire à vie. Quoi qu'il fasse, ce salaire est
irrévocable. Il le touche chaque mois sans qu'il craigne de le perdre et sans que des
comptes lui soient demandés sur sa légitimité. Et que fait-il avec ce salaire
à vie ? S'il est en bonne santé, s'il a conservé de sa vie professionnelle ou
créé depuis un réseau social porteur de projets, il travaille. Ce sont ces
retraités qui le disent : ils « n'ont jamais autant travaillé », ils
« n'ont jamais été aussi heureux de travailler ». Certes il ne s'agit
là que d'une forte minorité, mais sur les bientôt quinze millions de
retraités, cela fait du monde ! Cela en fait des enfants qui voient leurs grands parents
heureux au travail alors qu'ils constatent que leurs parents, eux, s'y épuisent,
partagés entre l'amertume, l'angoisse et la rage.
Et si la réforme des pensions avait à voir avec cette expérience
contradictoire du bonheur et du malheur au travail ? Quel est le secret du bonheur des
retraités au travail ? Entre les conditions dans lesquelles les actifs et les
retraités sont au travail, quelle est la différence qui explique que la source de
malheur pour les uns est une source de bonheur pour les autres ? Cette différence saute aux
yeux : le salaire des retraités est irrévocable, ils n'ont pas d'emploi et n'ont pas
à se présenter sur un marché du travail, ils ne produisent pas sous la
dictature du temps de travail : en un mot, c'est leur qualification personnelle qu'ils
déploient.
Alors le « sauvons les retraites ! » des réformateurs prend un tout autre sens.
Non pas faire face à un vieillissement et un choc démographique dont mon livre montre
qu'ils sont fantasmés, mais ramener les vieux à la maison. Réaffirmer que la
retraite est du temps de loisirs bien mérité après une longue vie de travail.
Que le travail est affaire d'emploi et donc d'employeurs et de marché du travail. Que les
choses sérieuses se font entre actionnaires, dirigeants « de grand talent » et
éditorialistes économistes, et qu'il faut laisser les seniors s'amuser dans le bac
à sable de leurs « activités ». Rappeler aux salariés qu'ils sont
titulaires non pas d'une qualification leur donnant droit de regard sur les fins et les moyens du
travail, mais d'un gagne pain générant un droit à un revenu
différé après leur dernier emploi. Bref remettre les pendules à l'heure
du capital.
Le capitalisme est cette forme spécifique d'organisation de la production
qui la mesure - qui lui donne valeur - par le temps de travail moyen nécessaire. Le travail
n'a pas de valeur. Il est, sous sa forme abstraite présente dans toute production la mesure
de la valeur. Les marchandises valent le temps de travail nécessaire à leur
production, non pas le temps individuel, mais le temps moyen que révèle le prix
auquel elles s'échangent. Seul le capitalisme mesure la production par le travail, parce
qu'il s'est construit sur la base d'un rapport social abstrait : le rapport d'échange entre
des vendeurs et acheteurs de « forces de travail » vouées à produire des
marchandises, c'est-à-dire des biens ou services mesurés non pas par leur
utilité mais par la quantité de travail abstrait qu'ils incorporent. Le marché
du travail définit les individus comme forces de travail « demandeuses d'emploi
». Ces forces de travail ne peuvent être mises en œuvre qu'à l'initiative
d'employeurs qui les achètent sur le marché et les mettent en œuvre selon la
logique de la valeur travail pour la production de marchandises, seules génératrices
du profit. Pour qu'il y ait profit, il faut que tout, travailleurs et produits, soit
transformé en marchandise, et que ce soit donc le dénominateur commun à ces
marchandises, à savoir le temps de travail abstrait nécessaire à leur
fabrication, qui devienne la mesure de toute chose. D'où la dictature du temps de travail
que va introduire la compétition inter-capitaliste. L'organisation de la production sur la
base d'une telle abstraction est marquée par une contradiction essentielle : elle
émancipe le capital des modalités traditionnelles du travail, ce qui est la source
d'une dynamique infinie dans la production de marchandises, tandis que se creusent les effets de
l'exploitation de producteurs dépossédés de leurs capacités
créatrices et voués à produire des marchandises qui leur échappent.
Aujourd'hui, nous sommes bien plus riches qu'il y a quarante ans (le PIB a doublé en euros
constants), mais nous vivons bien plus mal cette dimension décisive de notre existence
qu'est le travail. Le constat d'une consommation plus large ne compense plus l'expérience
amère de l'incertitude, du désintérêt, du mépris et de la fatigue
au travail, d'autant que le doute s'est installé sur la consommation de produits dont le
caractère toujours plus marchand altère la qualité ou la finalité.
Bref, les apories d'une production dynamique qui mutile les personnes et dévoie les produits
sont en train d'éclater au grand jour.
Le bonheur au travail des retraités est que, précisément, dotés de
l'assurance d'un salaire à vie, ils travaillent libérés du joug de la valeur
travail. Cette expérience est massive, mais non dite dans l'espace public : nombre de
retraités la vivent même comme un privilège dont ils sont gênés
quand ils comparent leur bonheur au travail et le malheur au travail de tant « d'actifs
». Il importe que ce bonheur privé devienne public, en démontrant que ce que
vivent les retraités au travail peut devenir la norme universelle.
Le salaire continué repose sur une qualification personnelle. Dans la
minorité significative des retraités qui sont au travail, selon des formes et sur des
objets qu'ils décident, on trouve des personnes qui mobilisent trois atouts : une pension en
réel rapport avec leurs meilleurs salaires, des capacités transversales reconnues
qu'ils vont pouvoir transposer (le gestionnaire d'une petite entreprise qui va devenir juge au
tribunal de commerce ou la prof de comptabilité trésorière d'un club sportif
amateur), un réseau personnel de pairs qu'en général ils avaient
constitué avant leur retraite, ou qu'ils ont pu construire dans les premières
années de leur retraite. Ce sont là les trois ingrédients indispensables de la
qualification personnelle, celle qui est attachée à la personne, et non pas à
l'emploi, et qui peut effectivement se mettre en œuvre dans la liberté : l'absence de
l'un des trois rend plus difficile la « seconde carrière » des retraités.
Armés d'une qualification personnelle, les retraités sont en mesure de travailler
hors du carcan de la valeur travail : ils n'ont besoin ni de se présenter sur un
marché du travail, ni de se soumettre à un employeur, ni de transformer leur
production en marchandise.
Les activités des retraités sont-elles du travail ? Oui si on désassocie le
travail de l'emploi. Il n'y a pas d'essence du travail, ce qui est désigné comme
« travail » est contingent, fort différent d'une société à
une autre ou d'un siècle à l'autre. C'est en permanence l'objet du débat
public. La logique de l'emploi veut que tout travail qui échappe à la mesure par le
temps n'en soit pas vraiment et n'ait pas à être payé. Or, parce que l'emploi,
qui réduit les personnes à des forces de travail soumises à la valeur travail,
a été aussi, historiquement, le vecteur de la socialisation du salaire à
travers la cotisation sociale et la qualification des postes, la définition du travail est
aujourd'hui tiraillée entre l'emploi et le salaire socialisé.
Le « travail », est-ce la part de notre activité vouée à produire
des marchandises pour alimenter le capital (emploi), ou est-ce la part de notre activité qui
met en œuvre notre qualification (salaire socialisé) ? La récente mise en
emploi de tout une série d'activités de service aux personnes les a
transformées en travail, et de la plus mauvaise façon pour la dernière vague
d'entre elles, les services au domicile, contemporaine de la transformation des emplois en jobs,
car le salaire socialisé lié à ces emplois est faible. Contradictoirement, le
constat que la pension se rapproche d'un salaire continué conduit à
considérer comme du travail les activités des pensionnés menées hors de
tout emploi. Et à en tirer toutes les conséquences quant au changement de sens du mot
travail dont est porteur le fait d'assumer comme travail des activités
délivrées du marché du travail et de la valeur travail. Nous pouvons, à
partir de l'expérience des retraités, imposer un autre fondement de la reconnaissance
sociale du travail : non plus l'emploi mais la qualification des personnes.
L'argument classique selon lequel les retraités ne travaillent pas dit
qu'ils dépendent du travail des actifs lequel serait à l'origine de la cotisation
vieillesse. Cet argument est faux. La prénotion qui veut que « les actifs financent
les inactifs », et que la cotisation sociale soit une « taxe sur le travail »
repose sur la confusion entre flux de monnaie et flux de valeur. La valeur a son support dans la
richesse produite, la monnaie est l'expression de la valeur mais non son support. Le travail des
retraités crée de la richesse à laquelle est attribuée une valeur, et
les pensions sont l'expression monétaire de cette valeur. La valeur attribuée au
travail des retraités n'a pas de mesure marchande, elle est mesurée par leur
qualification personnelle, à laquelle, comme pour toute qualification, est associé un
salaire, la pension.
L'illusion du « transfert social », en tant que transfert de valeur d'un groupe
à un autre, vient du mode de création monétaire dans nos économies
capitalistes. La forme qu'impose le capital à la création monétaire est
décisive parce que la tyrannie de la valeur travail, clé de l'extorsion du profit,
n'est possible que si la production est marchande. Ne créer de monnaie qu'à
l'occasion de l'anticipation du chiffre d'affaires des entreprises, c'est donc disposer de la force
de rappel qui en permanence impose la loi du capital. Si seules les marchandises sont l'occasion de
création monétaire, alors toute reconnaissance du travail non marchand, toute
reconnaissance du travail non subordonné à la valeur travail, a deux
conséquences. D'une part elle entraîne une hausse du prix des marchandises, qui
doivent inclure la reconnaissance supplémentaire de ce travail qui ne trouve pas sa
reconnaissance directe ; et cette hausse est en permanence dénoncée comme obstacle
à la compétitivité des entreprises en période de mondialisation de la
concurrence afin de rogner sur les « coûts du travail ». D'autre part
cette reconnaissance se fait concrètement par des « transferts »
monétaires sous forme d'impôts et de cotisations sociales qui sont en permanence
disqualifiés comme « prélèvements obligatoires ».
Cette expression de combat repose sur l'assimilation erronée des flux monétaires et
des flux de valeur. Comme la monnaie n'est créée qu'à l'occasion du prix
attribué aux marchandises des entreprises capitalistes (par le jeu des anticipations de ce
prix par les banques prêteuses à ces entreprises), celle qui mesure la valeur de la
richesse créée par les retraités transite par ces marchandises, et donc un
flux monétaire passe des titulaires d'emploi du secteur capitaliste vers les
pensionnés à travers la cotisation vieillesse. Mais il ne s'agit pas d'un transfert
de valeur : ce sont bien les retraités qui produisent la richesse à laquelle est
attribuée la valeur correspondant à leur qualification.
Le consensus sur l'existence d'un choc démographique, argument fondateur de
la réforme des retraites, s'enracine dans l'absurde conviction que nos
sociétés vieillissent et que le rapport entre les générations est un
enjeu social majeur. Or les notions de génération et de vieillesse, qui ont
évidemment un sens dans le champ de la biographie ou dans celui de la famille, n'ont aucune
pertinence dans celui de la société. Aujourd'hui, y compris dans un cadre statistique
qui fait des retraités des inactifs, nos sociétés de longue vie sont plus
productives que les sociétés à faible espérance de vie, dont les PIB
par tête sont plus faibles, ce qui détruit l'argument démographique. Et,
s'agissant de la production de la richesse, les actifs et les retraités ne sont pas dans un
rapport de génération : ils ont le même statut de salariés payés
à la qualification, sauf que les actifs travaillent en subordination à un employeur
et les retraités non.
Or, précisément, l'originalité inouïe de la retraite avec salaire
continué est qu'elle a résolu le « problème de la vieillesse » en
transformant les « vieux » en salariés. La pension comme salaire continué
est la première dénaturalisation d'ampleur d'une caractéristique biographique,
et son abstraction porte en germe un fort enrichissement de la citoyenneté. On comprend que
« le retour des vieux » (on dira seniors bien sûr) est l'horizon obsessionnel des
réformateurs, qu'ils n'ont de cesse de nourrir à nouveau la problématique
générationnelle. Car le gros du fonds de commerce réformateur depuis le
Livre Blanc Rocard est la peinture apocalyptique des déficits gigantesques que le
vieillissement démographique va générer dans les régimes de retraite en
répartition.
C'est une construction fantasmée, y compris si l'on raisonne dans les cadres statistiques
rangeant les retraités dans les inactifs. D'une part parce qu'un rapport
démographique n'est pas un rapport économique : dire que le rapport des plus de 60
ans sur les 20-59 ans va doubler n'a pas d'intérêt, dès lors que le rapport des
inoccupés sur les occupés (le seul qui ait une signification économique) va
rester relativement stable au cours des prochaines décennies. D'autre part parce que le choc
démographique repose sur le postulat d'absence de gains de productivité. Or on peut
produire autant avec un actif pour un retraité qu'avec deux actifs pour un
retraité.
Le raisonnement selon lequel le recul de la part des actifs occupés rendra impossible le
financement des retraites en répartition est aussi absurde que si l'on avait prédit
au début du 20ème siècle la famine pour la France du 21ème parce que la
part des paysans allait se réduire à moins de 3% de la population. Depuis plus de
soixante ans, nos régimes de pension par socialisation du salaire nous montrent que nous
avons assumé sans aucun problème une croissance du poids des pensions dans le PIB
très supérieure à sa croissance future. Au cours des cinquante
dernières années, les pensions sont passées de 5% à 12% du PIB, alors
qu'au cours des cinquante prochaines, elles devraient passer de 12% à 20% si l'on supprimer
les réformes menées depuis 1987 : le poids de pensions a été
multiplié par 2,4 de 1950 à 2000, il devrait l'être par 1,7 seulement d'ici
2050. A moins de fonder les calculs sur une perspective de stagnation du PIB ce qu'aucun des
réformateurs ne fait, cette décélération (alors que le discours du choc
démographique suppose une accélération fantasmée) signifie
évidemment une plus grande facilité demain à absorber la hausse du poids des
pensions, alors même qu'elle l'a été sans difficulté jusqu'ici. Cette
facilité s'explique simplement : le PIB doublant de volume tous les quarante à
cinquante ans, la progression plus rapide d'un de ses éléments s'accompagne de la
progression, et non pas de la régression, de la richesse disponible pour les autres
composantes. Dans un PIB qui augmente, il n'y a pas besoin de déshabiller les actifs pour
habiller les retraités.
La démonstration de la nocivité de l'accumulation financière,
qui n'a entraîné aucune croissance de l'investissement mais contribué fortement
à la bulle spéculative, n'empêche pas les réformateurs de continuer
à préconiser l'épargne retraite avec deux arguments. Le premier est «
l'équité intergénérationnelle » : les droits à pensions
que se constitue la génération aujourd'hui au travail seront une charge excessive
pour la génération future. Il faut donc que chaque génération, au moins
partiellement, finance ses propres pensions par de l'épargne qui sera liquidée lors
de son entrée en retraite. D'autant plus que - second argument - le travail va manquer
relativement aux besoins à satisfaire (on reconnaît là la rhétorique du
« problème démographique »), et nous serons heureux lorsque viendra la
disette d'avoir épargné des fonds que nous pourrons alors liquider pour compenser le
déficit en travail. Ces deux arguments sont faux.
La monnaie déposée pour l'épargne sert à acheter des titres financiers
qui n'ont en eux-mêmes aucune valeur. Mais - et c'est l'origine de la croyance dans leur
capacité à congeler de la valeur - ils sont des titres de propriété
dotés de droits à valoir sur la monnaie en circulation le jour où ils seront
liquidés. Si la monnaie ne préexiste pas à cette transformation des titres en
monnaie, les titres ne valent rien. Or c'est le travail courant qui rend possible cette
création de monnaie préalable à la liquidation des titres. Autrement dit,
à supposer que les retraites soient assurées par l'épargne des fonds de
pensions, la vente de titres nécessaire à la transformation de l'épargne en
pensions en 2040 sera fonction de la monnaie dont disposeront alors les actifs désireux de
les acheter pour se constituer eux-mêmes des droits. Cette monnaie sera l'équivalent
de ce qu'ils auront produit par leur travail de l'année 2040. Dans ce cas, l'épargne
ne sert à rien puisque les actifs auraient pu affecter à un régime en
répartition cette monnaie utilisée pour acheter des titres. Qu'on soit en
répartition ou en capitalisation, c'est toujours le travail de l'année qui produit la
richesse correspondant à la monnaie qui finance les pensions de l'année.
L'épargne ne peut donc en aucun cas être un substitut du travail, ni permettre
à chaque génération de financer ses pensions.
Sa promotion repose en réalité sur deux choses. D'une part, la
propriété de titres permet de ponctionner de la monnaie sur le travail du monde
entier, alors que la répartition est réduite à l'espace national des
règles politiques du droit du travail : magie du raisonnement impérial. D'autre part,
comme le rendement des titres est, hors les situations de crise financière aigüe,
supérieur au taux de croissance, la rente progresse plus vite que les salaires et donc que
les cotisations pour la retraite, qui progressent moins vite que le taux de croissance : faire
valoir en faveur de la capitalisation qu'il est plus rentable d'épargner que de cotiser,
c'est avouer très ingénument que toute épargne retraite est un vol sur le
travail d'autrui, et qu'il est infiniment plus rentable d'avoir un portefeuille de titres que de
travailler.
Promouvoir la propriété d'usage suppose de s'attaquer à la
propriété lucrative, dont la pension comme salaire continué montre
l'inutilité. La propriété lucrative est défendue par les
réformateurs au nom de l'investissement, qui suppose, disent-ils, des investisseurs. Or
qu'est-ce qu'un investisseur? Le discours courant, soigneusement entretenu par le discours savant,
dit qu'il apporte un indispensable capital. Rien n'est plus faux. Un investisseur n'apporte rien.
Un investisseur qui « apporte » par exemple un million d'euros pour une entreprise n'a
pas un million d'euros en billets dans une valise, pas plus que les titres dont il est porteur ne
sont dotés, par une curieuse métaphysique, d'une quelconque valeur : ce sont des
titres de propriété lucrative qui vont lui donner le droit de ponctionner un million
sur la valeur attribuée au travail d'aujourd'hui. Un investisseur est un parasite qui a le
droit de ponctionner une partie de la valeur de la production contemporaine pour transformer les
producteurs ainsi expropriés en forces de travail et les contraindre à produire les
marchandises qu'il a décidé de produire, bref à travailler sous le joug de la
valeur travail. Un investisseur nous vole et nous aliène dans la même
opération.
Dans l'expérience réussie de la cotisation vieillesse, on a la démonstration
à grande échelle de l'intérêt qu'il y a à se passer
d'investisseurs financiers. Cette cotisation est la façon d'assurer sans épargne des
engagements massifs et de long terme, comparables à l'investissement. Sur le modèle
de la cotisation sociale, on peut parfaitement financer sans épargne l'investissement. S'il
est possible de financer la pension au plus grand bénéfice des régimes et des
pensionnés sans aucune logique d'épargne et de prêts, il est possible de
financer l'investissement de la même façon en affectant une cotisation
économique au salaire (de l'ordre de 35 % du salaire brut), prélevée sur la
valeur ajoutée comme les cotisations sociales ou le salaire direct. Cette cotisation serait
collectée par des caisses d'investissement qui financeraient sans taux
d'intérêt, puisqu'il n'y aurait pas d'accumulation privée du capital.
Accumulation financière, crédit bancaire, prêt à intérêt,
bourse, toutes ces institutions peuvent être remplacées en transposant pour le
financement de l'investissement l'expérience de la cotisation sociale, ce qui est
évident puisque tout investissement est financé sur la production courante. La
cotisation sociale a débarrassé notre quotidien individuel des usuriers, la
cotisation économique débarrassera notre quotidien collectif de la bourse et des
banquiers.
La réforme tente d'interrompre la montée en puissance de cette
institution salariale en modifiant le sens des régimes de retraite en répartition :
d'une pension en répartition assurant la continuation du salaire à une pension en
répartition assurant un revenu différé doublé d'une solidarité
nationale. Car ce binôme, lui, conforte les institutions du capital.
Il y a en effet deux formes contradictoires de régimes de retraite en répartition, le
régime salarial et le régime de prévoyance. La pension comme continuation du
salaire (régime salarial) repose soit sur le maintien de la qualification personnelle du
fonctionnaire, soit sur l'attribution au retraité du privé de la qualification
moyenne de ses meilleurs emplois : elle pose les personnes comme des salariés dotés
d'une capacité à produire. Au contraire, la pension comme revenu
différé (régime de prévoyance) repose sur des droits proportionnels aux
cotisations de la carrière avec un pouvoir d'achat garanti : elle pose les personnes comme
des employables dotés d'une capacité de gain.
Le cœur de la réforme des retraites vise à passer de la première
à la seconde forme de répartition. Elle dispose pour cela de trois leviers : le gel
des taux de cotisations, l'indexation sur les prix et la montée de la contributivité
entendue dans le sens de « la neutralité actuarielle individuelle » (pour
chacun, le total des cotisations de la carrière doit être égal au total des
pensions). Une cotisation dont le taux est stabilisé sur le long terme fonde en
répartition, selon un calcul strictement contributif, une pension dont le pouvoir d'achat
est garanti par son indexation sur les prix : voilà les trois caractéristiques d'un
revenu différé. Ses promoteurs savent bien que, fondé sur un calcul individuel
sans règles de compensations (comme des validations de trimestres sans cotisations) et
tenant compte des périodes de très faible salaire dans les carrières
professionnelles, il laisse sans ressources suffisantes tous ceux et surtout toutes celles qui
n'ont pu se constituer un compte de cotisations suffisant. C'est pourquoi la promotion de la
neutralité actuarielle est toujours doublée d'un plaidoyer pour une large
solidarité nationale finançant, à côté du revenu
différé, un « minimum contributif » garanti et des « prestations
non contributives » (minimum vieillesse, bonifications pour enfants). Le discours
réformateur se présente ainsi avec la double vertu de la justice de
prestations strictement contributives et de la solidarité avec les « pauvres
». Il y a là une régression considérable par rapport au salaire
continué.
Régression en matière de justice, d'abord. Faire de la pension la
contrepartie du passé de mes cotisations, et donc de mon travail subordonné, et non
de l'actualité de ma qualification (et donc de mon travail émancipé) suppose
et conforte le marché du travail, l'emploi, la marchandise, la subordination et la
propriété lucrative. Nié dans sa qualification de producteur, l'employable
prévoyant est maintenu à l'état de mineur économique, en permanence
à la merci de l'employeur qui le pose comme titulaire d'un gagne pain dont il tire un
revenu. La prévoyance est ce qui reste lorsqu'on a déshabillé le
salarié de l'essentiel, sa qualification. La multiplication des comptes notionnels s'impose
alors pour assurer une sécurité et une capacité de rebondir à un
travailleur placé, y compris à l'intérieur de son entreprise, sur un
marché du travail qui le soumet en permanence au soupçon de distance à
l'emploi qu'il occupe ou auquel il postule.
Le régime salarial est au contraire porteur de l'attribution d'une qualification à
chaque personne, sans exception sous quelque prétexte que ce soit, avec poursuite
indéfinie du salaire. La contribution de chacun à ses ressources repose non pas sur
sa capacité à épargner une partie des gains acquis comme force de travail (la
« contributivité » des réformateurs), mais sur sa capacité
à participer à la définition des objets d'un travail libéré de
la marchandise et de la valeur travail. Son rapport à l'avenir repose alors sur l'entretien
de sa qualification et non pas sur un patrimoine susceptible de fournir un revenu alternatif
à la rémunération des emplois : en effet, la distinction entre emploi et hors
emploi, constitutive du binôme rémunération/prévoyance, est
dépassée dans le continuum de la qualification. Il s'agit là de nouveaux
continents du déploiement de la personnalité humaine à découvrir. A
l'inverse, le régime de la prévoyance nous enferme dans le passé
capitaliste.
Régression en matière de solidarité, ensuite. L'invitation à
la solidarité avec des personnes victimisées est sans doute une des dimensions les
plus perverses de la réforme. En posant des personnes comme « pauvres », «
victimes » ayant droit à solidarité, elle naturalise la disqualification des
producteurs inhérente au capitalisme. Le capitalisme fait de l'actionnaire et du «
dirigeant de grand talent » qu'il a mis à la tête de l'entreprise les seuls
acteurs, les seuls sujets de la production. Les salariés sont alors des mineurs sociaux
réduits au statut de victimes s'ils ne parviennent pas à conserver leur
employabilité : victimes des inévitables suppressions d'emplois et non moins
inévitables délocalisations, victimes d'une formation insuffisante, victimes de la
crise. Tant de victimes ont droit à la solidarité nationale, responsabilité
des pouvoirs publics. Le couple actionnaire/victime est ainsi en permanence réactivé,
naturalisé, parce qu'il est indispensable au maintien des institutions du capital. Il n'y a
pas de possibilité d'un droit de propriété lucrative ou de tyrannie de la
valeur travail sans un déni - qui définit précisément la victime- du
droit de la qualification au cœur du salaire. Alors qu'au contraire la solidarité
salariale repose sur la promotion de la qualification pour tous, fondatrice d'une solidarité
entre égaux : non pas celle des prévoyants vers ceux qu'ils vont qualifier de
pauvres, mais celle de la délibération politique dans l'attribution de la
qualification à chacun et dans le souci de son exercice effectif.
En termes revendicatifs, le développement progressiste des pensions comme
salaire continué suppose un argumentaire avec un volet négatif et un volet
positif.
Le volet négatif devrait être de refuser tout ce qui fait obstacle à la
poursuite du salaire et appuie le binôme revenu différé/solidarité
nationale :
C'est le troisième axe du volet positif. La liberté et le bonheur
des retraités au travail doivent devenir le fait de tous ceux qui sont au travail, et c'est
d'ailleurs la condition de leur maintien chez les retraités eux-mêmes. A leur exemple,
la qualification personnelle doit pour tous remplacer l'emploi comme support des droits sociaux et
économiques. On mesure combien cette proposition et la précédente
réévaluent le rôle des retraités, ce qui suppose de s'appuyer fermement
sur leur statut de salarié pour en finir avec leur traitement comme « seniors »
préconisé, lui, par les réformateurs.
La qualification personnelle, nouveau support des droits aujourd'hui inscrits dans l'emploi, est un
droit collectif (tout comme la pension, dont le montant est personnel, est un droit collectif).
Elle est déjà anticipée chez les retraités et dans la fonction
publique. Elle sera attribuée à toute personne, par exemple dès la fin du
lycée, et elle progressera sans ruptures ni reculs jusqu'à sa mort. Elle a quatre
composantes indissociables :
La qualification (et donc le salaire qui va avec) est un attribut de la personne,
elle ne peut pas lui être retirée et elle ne peut que progresser au cours de la vie.
La qualification personnelle est le contraire de la sécurisation des parcours
professionnels, qui laisse la portion congrue aux droits transférés de l'emploi vers
la personne puisqu'il ne s'agit que des droits liés à une certaine
sécurisation de la mobilité de travailleurs devant en permanence prouver leur «
employabilité » (les comptes épargne en matière de formation, de
pensions, de couverture santé, le droit au reclassement). Elle est également le
contraire du revenu universel. Le revenu universel (au sens de distribution universelle d'un
forfait de plus ou moins haut niveau selon les projets, disons entre le RMI et le SMIC) pose les
personnes comme porteuses de besoins qui pourraient être, pour un premier étage,
financés par le revenu d'un patrimoine collectif dont l'Etat est le gardien et sur lequel
chacun a un droit de tirage. A cet aval donné à une institution du capital aussi
fondamentale que la propriété lucrative, le revenu universel ajoute le fait que,
« premier chèque », forfaitaire, constitutif des ressources individuelles, il
appelle un « second chèque », fonction de la contribution de l'individu à
la production et donc confortera le marché du travail et la valeur travail. Le revenu
universel est ainsi l'antagoniste du salaire universel, qui lui nous délivre du
marché du travail, de la disqualification des producteurs posés comme êtres de
besoins, de la fiction du revenu, de la valeur travail et de la propriété
lucrative.
On mesure combien la qualification personnelle est créatrice d'égalité. Elle
supprime le marché du travail et donc la subordination de demandeurs d'emploi à des
employeurs, elle fait accéder toute personne au statut commun de titulaire d'une
qualification et du salaire qui lui est lié. Elle unifie par le haut les revendications des
retraités, des étudiants, des fonctionnaires, des chômeurs, des intermittents
du spectacle, des salariés du privé, dont ceux des TPE et de tous les déserts
syndicaux, des travailleurs indépendants. En particulier, elle permet de mener une action de
promotion de la fonction publique en revendiquant l'extension à tous les salariés de
la distinction entre grade et poste, ce qui veut dire, pour tous, la reconnaissance de la
qualification, l'absence de chômage, la maîtrise individuelle de la mobilité.
Tant il est vrai que c'est la production de tous les biens et de tous les services qui
mérite d'être assurée par des salariés libérés de l'emploi
et de la marchandise !
Il est temps de sortir du discours convenu du salaire identifié à la
rémunération du travail subordonné. Combattre l'argumentaire
réformateur est impossible sans une forte vision du salaire comme institution
politique qui enrichit la citoyenneté par l'attribution à chaque personne d'une
qualification personnelle et par le financement salarial de l'économie. Nous nous inscrivons
ainsi dans une tout autre perspective que le plein emploi. Notre qualification et donc notre
salaire ne doivent plus dépendre des décisions d'employeurs sur un marché du
travail. La nostalgie du bon emploi n'est pas bonne conseillère pour nous aider à
affronter la transformation des emplois en jobs qu'opère la réforme. Vaincre la
réforme ne se fera pas dans le retour à un vrai plein emploi. Car nous avons mieux
à faire qu'à renouer avec la phase progressiste de l'emploi, quand, au tournant des
années 1970, il a été la matrice du salaire socialisé, car
c'était au prix exorbitant de la subordination à des employeurs.
Il ne s'agit pas non plus de « sécuriser » la condition des travailleurs. Le
vocabulaire de la sécurité a intériorisé le fait que dans le
capitalisme les travailleurs sont des mineurs sociaux : ils sont récusés comme
étant les producteurs, et ils ont droit non pas à la direction de l'économie
mais à la sécurité du revenu et de l'emploi. L'enjeu des retraites, c'est
précisément de sortir de la revendication de sécurité du revenu et de
l'emploi pour promouvoir une nouvelle figure du travailleur en mesure de soutenir notre aspiration
commune à diriger l'économie et de sortir enfin de l'économisme de la
valeur-travail.
La qualification est ainsi un attribut politique qui enrichit la citoyenneté, au même
titre que le droit de vote. Tout comme le suffrage universel a ouvert à chacun l'âge
de la majorité politique et fondé un premier stade de la citoyenneté, la
qualification universelle ouvrira à chacun l'âge de la majorité salariale et
fondera une extension qualitative de la citoyenneté.
Avril 2010
Bernard Friot
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