À propos d'urgence écologique, de politique de transport et de fret ferroviaire

La question des transports est sans aucun doute une question clé actuellement car à la confluence de plusieurs sujets qui nous préoccupent. Elle nous amène à nous interroger à la fois sur les contraintes imposées par le système capitaliste mondialisé et sa recherche du profit avant toute chose mais aussi sur cette urgence écologique dont nous entendons tant parler en ce moment à la veille du sommet de Copenhague sans que nous voyions poindre à l'horizon les vraies solutions et pour cause : cette crise écologique majeure est générée par le système capitaliste lui-même. Les politiques de transport sont aussi corrélées à l'aménagement du territoire, à l'urbanisme; bref, elles concernent à la fois notre vie quotidienne (qui ne s'est pas senti un jour étouffé entre deux files de camions ou malmené dans les transports en commun aux heures de pointe, qui n'a pas senti ses nerfs craquer au bout de plusieurs heures d'embouteillages ?) et les grands « problèmes de société ». Le fret ferroviaire, c'est-à-dire le transport des marchandises par trains, est de façon très consensuelle présenté comme une des solutions à privilégier pour lutter contre le réchauffement climatique.

Les transports : en tête des responsables des émissions de gaz à effet de serre

Pourquoi ?

Le récent rapport du Programme des Nations Unies pour l'Environnement confirme les pires craintes des scientifiques: les glaces signalent un réchauffement d'intensité inattendue, l'Arctique pourrait être dépourvu de banquise vers 2030 au lieu de 2100 prévu, la hausse du niveau des mers pourrait atteindre les deux mètres en 2100… C'est dire qu'il y a urgence à réduire fortement les émissions des gaz à effet de serre qui croissent comme jamais (3,5 % par an).

Or les activités de transports sont parmi les plus contributrices aux émissions de gaz à effet de serre. La Mission interministérielle de l'effet de serre nous a livré des chiffres sans appel. En France, c'est le secteur des transports qui a été le premier responsable en 2007 des émissions de gaz à effets de serre (26,6 %), bien devant l'industrie manufacturière (20,2 %), l'agriculture (19,7 %), le résidentiel tertiaire (17,7 %), l'industrie de l'énergie (13,8 %) et le traitement des déchets (1,9 %).

Comment s'en étonner ? Les politiques de transport conditionnent et organisent la façon dont les détenteurs du capital vont pouvoir réaliser la plus-value tirée de l'exploitation de travailleurs mis en concurrence au niveau mondial en réduisant au maximum les coûts salariaux. Tant pis si cela se traduit par des aberrations. Nous avons tous en tête les pérégrinations sur les routes du petit pot de yaourt aux fraises (dont les ingrédients ne sont réunis qu'au bout de 3500 km) ou des crevettes danoises, acheminées jusqu'au Maroc pour y être décortiquées à bas prix avant de prendre le chemin du retour pour le Danemark ! Le système capitaliste a ses propres logiques !!!

En ce qui concerne le transport de marchandises, deux grands moyens sont privilégiés par les entreprises, multinationales et autres : le transport maritime par conteneurs peu coûteux, vu que les marchandises sont transportées dans des navires-poubelles aux équipages de galériens que les armateurs n'hésitent pas à abandonner dans les ports si besoin est ; et le transport routier. En effet c'est au prix de la circulation d'un flux ininterrompu de poids lourds que la gestion en « flux tendu » permet aux entreprises d'économiser sur la gestion de leurs stocks ou de délocaliser différents maillons de leurs chaînes de production. C'est au prix aussi de la mise en place d'un véritable dumping social qui a débuté en France dès 1985 par la suppression de la tarification routière obligatoire et qui s'est accéléré avec l'ouverture de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale. Comme nous pouvons le lire sur le site d'Attac dans un article publié en octobre 2004 : « Contrairement au discours récurrent du lobby patronal routier, variation sur le thème ancien « Je roule pour vous ! », c'est au profit quasi-exclusif des industries productrices, et non pas des consommateurs, qu'a eu lieu la baisse relative du prix des transports routiers. »

Encore une fois les chiffres sont sans appel : En France, parmi les différents modes de transport, c'est le transport routier, en constante augmentation, qui obtient la palme dans les émissions de gaz à effet de serre : il a pesé à lui seul pour 91 % alors que les transports aérien, maritime, ferroviaire n'ont pesé respectivement que de 3,3 %, 2,1 et 0,4 %.

Ce constat devrait inciter à passer d'urgence à la réalisation d'un transfert massif des trafics routiers et aériens vers la voie navigable, le cabotage maritime et le train, beaucoup plus sobres en énergie et respectueux de l'environnement. Qu'en est-il exactement ?

Face à l'indéniable, les promesses

En France, le gouvernement a annoncé le 16 septembre 2009 une enveloppe de sept milliards d'euros pour aider « au développement du fret ferroviaire d'ici à 2020 », afin de réduire l'impact écologique du transport routier de marchandises et en ramener une partie sur le rail. Cet engagement, présenté par le ministre de l'Écologie Jean-Louis Borloo, entre dans le cadre du Grenelle de l'environnement qui a fixé pour objectif de porter à 25 % d'ici 2020 la part des transports de marchandises alternatifs à la route, contre 14 % aujourd'hui. Les objectifs sont loin d'être ambitieux au regard de l'enjeu. Il n'est pas inutile de rappeler combien le puissant lobby routier a pesé sur les décisions (aides financières aux transporteurs routiers pour investir dans des tracteurs moins polluants, poursuite du maillage autoroutier etc…)

Parallèlement, la SNCF devra contribuer à hauteur d'au moins un milliard d'euros "dans des investissements innovants dans les cinq prochaines années", le schéma directeur de la SNCF "pour un nouveau transport écologique de marchandises" a été rendu public le 23 septembre.

On peut penser que, avec l'annonce de son « engagement », le gouvernement veuille tenter de désamorcer par avance la grogne sociale provoquée par le plan de réorganisation du fret SNCF. On peut penser aussi que le gouvernement a voulu caresser les Verts dans le sens du poil. On peut surtout estimer que les récents plans conjoints gouvernement/SNCF constituent une supercherie écologique en même temps qu'ils se situent dans le droit fil des politiques antérieures de démantèlement. Ce que nous allons tenter de démontrer maintenant.

Lutter contre le réchauffement climatique ou démanteler le service public ?

Le démantèlement du fret ferroviaire : un démantèlement programmé

Cela fait des années que le fret ferroviaire en France est en déclin. En 1974, il captait encore 46 % des marchandises transportées en France, aujourd'hui, il n'en représente plus que 14 %.

La logique de marché et de profit ayant supplanté celle de service public, l'activité fret de la SNCF est désormais appréhendée comme « non rentable » et ses déficits montrés du doigt: pour le premier semestre 2009, Pierre Blayau, le patron de la branche transports et logistique à la SNCF annonce une perte de- 600 millions d'euros. "Ce que la SNCF gagne avec le TGV, elle le perd en faisant rouler des trains de marchandises", résume-t-il.

Dès sa création la Communauté Économique Européenne, devenue par la suite l'Union Européenne, s'est donné pour objectifs la libre circulation des capitaux, des personnes et des marchandises et la libre concurrence. Les transports sont donc depuis longtemps dans la ligne de mire de la commission européenne qui, en en 2001, a fait paraître un Livre Blanc intitulé: « La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix ». « Il est difficile de concevoir une croissance économique forte, créatrice d'emplois et de richesses sans un système de transport efficace permettant de profiter pleinement du marché intérieur et de l'effet de la mondialisation des échanges… y est-il écrit et de brosser un tableau cynique de la situation : « Tel Janus, le ferroviaire présente une image ambivalente où se côtoient modernité et archaïsme. D'un côté les performances du réseau et des trains à grande vitesse, l'accueil des voyageurs dans des gares modernes, de l'autre l'archaïsme des services de fret et la vétusté de certaines lignes saturées, les banlieusards entassés dans des rames bondées et chroniquement en retard qui déversent leurs flots de voyageurs dans des gares parfois délabrées et peu sûres. ». « La dégradation récente de la qualité du service de fret ferroviaire place certains de ces transports en situation difficile et certains constructeurs automobiles ont suspendu les expériences ferroviaires pour revenir à la route. Outre le problème de différence d'écartement des voies, la pénurie de locomotives ou de conducteurs, la persistance de problèmes d'organisation interne et certains conflits sociaux sont à l'origine de cette évolution. (souligné par nous). Malgré les références au développement durable et les injonctions à reporter le trafic routier vers le rail, ce qui était en projet c'était bel et bien l'ouverture à la concurrence du marché des transports et sa déréglementation . Laissons aux « experts » de Bruxelles le soin de nous l'annoncer (souligné par nous) : « La revitalisation de ce secteur passe par une concurrence entre les compagnies ferroviaires elles-mêmes. L'arrivée de nouvelles entreprises ferroviaires pourrait contribuer à renforcer la compétitivité de ce secteur […] Les barrières techniques et réglementaires qui existent favorisent les compagnies existantes et freinent toujours l'entrée de nouveaux opérateurs. C'est la raison pour laquelle l'application correcte des règles communautaires en matière de concurrence jouera un rôle important afin d'empêcher des pratiques anticoncurrentielles et assurer une ouverture effective du marché du transport ferroviaire dans la Communauté.». D'ailleurs dès décembre 2000, avait été prise « la décision historique d'ouverture complète en 2008 du marché du fret ferroviaire. ». En 2005, lorsque nous avons combattu le projet de traité constitutionnel, nous avions mis le doigt sur ce qu'il tentait de cacher : dumping social généralisé, afin de contenir les tarifs en permettant aux marchandises de circuler des pays à bas coûts, sociaux et environnementaux, vers les marchés de consommation.

Le transport routier, de par son organisation (grandes ou petites entreprises privées), s'est adapté sans rechigner à la logique de la concurrence, avec son cortège de détériorations des conditions de travail et de rémunération des routiers. Il n'en est pas allé de même pour le secteur ferroviaire qui est le seul à avoir résisté à l' « ouverture ». Car il s'agit d'une part d'un secteur traditionnel de résistances et de luttes sociales et d'autre part, par définition, d'un secteur réglementé, soumis à des contraintes fortes de sécurité et qui, du fait de son ampleur stratégique et technique (complexité de la gestion et de l'entretien de l'ensemble du réseau ferroviaire) s'avère particulièrement inadapté à la gestion privée.

Malgré les vertueuses recommandations du livre blanc à « rééquilibrer les modes de transport et revitaliser le rail », force est de reconnaître qu'en France, en 20 ans, le transfert modal s'est opéré à l'envers, les marchandises allant du mode ferroviaire vers le mode routier (en 1988 : 67 % pour la route , 19 % pour le fer ; en 2008 : 81 % pour la route, 10 % pour le fer). Les trafics routiers ont doublé en volume quand les trafics ferroviaires diminuaient de 20 %.(en 1988 161,1 milliards de tonnes/km pour les trafics routiers, 52,9 pour les ferroviaires ; en 2008 : 323,3 pour les routiers, 42,6 pour les ferroviaires).

État de fait constaté par deux sénateurs… UMP, Hubert Haenel et François Gerbaud, dans un rapport remis en 2003 : « Stimulé par le développement du réseau autoroutier, soumis à une réglementation "assez peu contraignante et [...]) insuffisamment respectée", le transport routier a taillé des croupières au rail. »

Le transport routier s'est trouvé d'autant plus favorisé que, par un tour de passe-passe, on « omet » d'imputer à chaque mode de transport les coûts externes. Que sont les coûts externes ? Ce sont des coûts non pris en compte dans le prix payé par l'utilisateur d'un moyen de transport et reportés sur l'ensemble de la collectivité. L'étude sur les coûts externes des transports en Europe réalisée en 2004 (au titre de l'année 2000) par les instituts INFRAS et IWW couvre huit domaines comme les accidents, la pollution atmosphérique (dont les maladies et décès prématurés dus à cette pollution), le bruit, les changements climatiques, les dégradations du paysage. Cette étude établit que le transport routier représente 83,7 % des coûts externes totaux (hors congestion), le transport aérien, 14 %, alors que le rail et la voie navigable génèrent respectivement 1,9 % et 0,4 % de coûts externes.

Le chiffrage pour les coûts externes du fret en 2000 est le suivant :

Ainsi, chaque tonne transportée sur 1 000 Km migrant de la route vers le transport ferroviaire fait économiser 59,9 euros (base année 2000) à la collectivité. Un document de SUD Rail en tire cette conclusion : « Cette politique des transports aboutit donc à un subventionnement indirect moyen des transports routiers, payé par la collectivité de 965 Millions d'Euros par an depuis 8 ans et ça continue !»

Le démantèlement de la SNCF : la désintégration du service ferroviaire public

Dans le même temps qu'ils donnaient la priorité au « tout camion », les gouvernements qui se sont succédé se sont employés à remettre en cause le système ferroviaire public. Petite chronologie

La directive européenne de 1991 qui réclamait une séparation comptable entre l'infrastructure et l'exploitation du service ferroviaire a été appliquée à la lettre puisqu'en en 1997 une séparation entre la propriété des infrastructures (relevant de RFF) et l'exploitation (relevant de la SNCF) a été instituée. Le but étant de permettre à des opérateurs privés, moyennement redevances, d'utiliser les infrastructures ferroviaires. La date a son importance : 1997, c'est deux ans après décembre 1995 année du dur conflit des cheminots. La création de RFF est donc à la fois une soumission au dogme néolibéral mais aussi, en quelque sorte, un élément de réponse de classe « institutionnelle » à ce conflit.

En mars 2003, toujours en application des directives européennes, les trafics de fret ferroviaire internationaux sont ouverts à la concurrence. Le fret SNCF continue à être déficitaire et à subir des pertes (7,5 milliards de tonnes/km en 3 ans).

En 2004, un « plan de sauvetage », dit plan Véron, prévoit une recapitalisation 1.5 milliards d'euros, (dont moins de la moitié seront versés par l'État). Mais le versement de ces sommes est conditionné par la Commission de Bruxelles à l'obligation faite à la SNCF de réduire sa capacité de production sur le réseau ferroviaire afin de permettre l'émergence rapide de la concurrence.

En janvier 2006, la responsabilité globale de la sécurité sur le réseau ferroviaire est retirée à la SNCF et transférée à un organisme ad-hoc (Établissement Public de Sécurité Ferroviaire), Après la création de RFF, c'est la deuxième étape de la déstructuration du système ferroviaire intégré. Fin mars 2006, le marché du transport de Fret ferroviaire est totalement ouvert, la concurrence jusque là marginale prend son essor, notamment sous l'impulsion de Veolia Cargo et EWSI. Ces nouvelles entreprises bénéficient du refus du gouvernement d'étendre l'application de la réglementation du travail de la SNCF à tous les salariés du secteur ferroviaire… Le trafic fret SNCF continue à se réduire comme peau de chagrin alors que les entreprises ferroviaires privées prennent des parts de marché.

Décembre 2006, est présenté un nouveau "plan de la dernière chance" pour le Fret SNCF : 262 gares de dessertes seront fermées pour fin 2007 et les réductions d'emplois de cheminots travaillant pour l'activité Fret se poursuivront pour atteindre - 30 % sur la période 2003 à 2007.

En Avril 2008, c'est à Pierre Blayau, président de Géodis (filiale de fret maritime, aérien et de transport routier de la SNCF) ex liquidateur de Moulinex qu'est confiée la charge de piloter la toute nouvelle branche Transports et Logistique… Le trafic fret de la SNCF continue à chuter alors que les opérateurs privés se sont déjà emparés de 14 % du trafic pour les trains complets, avec des tarifs 20 % plus bas que ceux de la SNCF.

Fin 2008, le projet du Président Pépy (Horizon 2012) prévoit d'éclater l'entreprise SNCF en branches d'activités autonomes et le lancement d'une campagne de recrutement de cheminots volontaires pour casser la réglementation du travail. La restructuration par activité a déjà d'ailleurs atteint les organismes sociaux : pour la première fois en 2008 sont institués des Comités d'Établissement SNCF par activité et non plus par régions ; apparaît un CE fret séparé de celui de la SNCF.

On assiste bien là à une privatisation programmée mais qui bien sûr ne veut pas dire son nom. En tous les cas c'est tout un réseau et des infrastructures, financés par de l'argent public, c'est-à-dire par toute la collectivité, qui est ainsi offerte aux opérateurs privés. Cela se fait habilement, par étapes. On a commencé par éclater l'entreprise de service public en deux entités mises en concurrence et à mettre en place des partenariats public/privé.

La création de RFF (Réseaux ferrés de France) a été effectuée sans traiter sur le fond la question de la dette héritée essentiellement de la quasi-absence de financement par l'État des lignes à grande vitesse dans les années 1980/1990. Un rapport de la commission des affaires économiques et de la mission d'information du sénat, déposé le 6 février 2008, est particulièrement éloquent. En voici de courts extraits : « Un constat s'impose : la France néglige depuis de trop longues années l'investissement en infrastructures de transport […] Le réseau ferré principal a été la première victime de cette raréfaction des investissements, notamment à cause d'une dette massive […] Le poids de la dette de RFF et les coûts d'entretien d'un réseau ferré à bout de souffle obèrent les capacités d'investissement de l'établissement public ». Ainsi, RFF (propriétaire des infrastructures) a des intérêts contradictoires à ceux de la SNCF (exploitation du réseau). L'actualité récente éclaire cette contradiction : la SNCF se plaint à nouveau de l'augmentation des tarifs de péage imposés par RFF. Ces péages payés par la compagnie ferroviaire pour faire rouler ses trains sur le réseau, devraient augmenter de 75 % entre 2008 et 2013. Sur dix ans, la hausse serait de 145 %. "Dans les conditions économiques actuelles, le résultat courant de TGV sera nul d'ici à trois ans si on continue dans cette voie", s'est alarmée Mireille Faugère, directrice générale déléguée en charge des grandes lignes, citée par le quotidien Les Échos. Il est clair qu'il y a là une politique d'étranglement financier de la SNCF afin d'assurer la solvabilité de RFF qui pourra ainsi financer des aménagements qui profiteront à des groupes privés.

On retrouve là le schéma qui vise à mettre les services publics en difficulté afin de mieux justifier leur privatisation. C'est ce qui est arrivé aussi pour les hôpitaux et la poste. Dans le cas de la SNCF la politique de sous-investissement a conduit à une dégradation rapide du fonctionnement du service public comme nous le montre un document de SUD Rail : « L'entretien du réseau conventionnel est délaissé et l'on assiste à un accroissement spectaculaire du nombre de kilomètres de ligne où la vitesse des trains est réduite à cause du mauvais état de l'infrastructure. Il en est de même pour le renouvellement des matériels, l'âge moyen du parc des wagons du réseau étant de 30 ans. Pire encore, l'âge moyen des locomotives diesel atteint 37 ans, et de trop nombreux trains sont encore assurés par des locomotives électriques flirtant ou dépassant les 40 années de service. »

Si les voyageurs ont de plus en plus des raisons de se plaindre des retards répétés, tout semble avoir été mis en place aussi pour dégoûter les utilisateurs du fret SNCF : gestion bureaucratique (« RFF et le gouvernement ont fait le choix de mettre en œuvre des règles d'attribution des sillons (passages) très lourdes et inadaptées au trafic de marchandises » nous signale SUD rail), , incapacité à gérer les aléas donc nombreux retards. Dans un article intitulé « Les retards de la SNCF gênent les professionnels » paru dans L'Usine nouvelle, on peut lire le point de vue des chargeurs (c'est-à-dire des entreprises utilisatrices) : « Même si nombre d'industriels utilisent encore le rail, ils sont loin d'être satisfaits des prestations de la SNCF, leur principal interlocuteur. Beaucoup ont préféré se tourner vers la route ou les opérateurs privés, après la réorganisation de 2007, qui s'était traduite par une augmentation des prix d'environ 30 %. C'est le cas de Bosch-Siemens Electroménager (BSH), approvisionné depuis cette date en trains complets par Euro Cargo Rail (filiale de la Deutsche Bahn), depuis les usines allemandes. »

Les plans pour sauvegarder le fret ferroviaire : une vaste supercherie

7 milliards pour privatiser

Le projet gouvernemental intitulé « Engagement national pour le fret - Relancer le fret ferroviaire pour atteindre les objectifs du Grenelle Environnement » entend mettre en œuvre « un plan d'actions jugé «ambitieux ».

Pour la mise en œuvre de cet « engagement », le gouvernement a annoncé vouloir investir 7 milliards d'euros à la relance du fret ferroviaire afin d'atteindre l'objectif de 25 % de transport de marchandises par le train en 2020 (contre 14 % aujourd'hui) et ce, dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Le gouvernement n'a pas encore donné d'indication sur le financement de ce plan à 7 milliards d'euros, il étudierait la possibilité de lui consacrer une partie du grand emprunt national.

Le titre pourrait tromper mais il ne s'agit pas de redresser (et a fortiori pas de développer) le fret national SNCF, mais dans la lignée des politiques antérieures de mise en concurrence systématique, il s'agit d'un engagement national pour le fret ….privé. C'est ce qui ressort de la lecture des différents éléments du « plan d'actions ambitieux » qu'énumère le document officiel puisqu'il est prévu que les divers projets (autoroutes ferroviaires, TGV fret, opérateurs ferroviaires de proximité...) soient développés via des filiales (de droit privé) à l'intérieur du groupe SNCF ou à l'extérieur par des sociétés privées.

En fait d'ambitions ce plan reprend pour l'essentiel des objectifs déjà contenus dans les plans antérieurs et non réalisés encore à ce jour : c'est le cas par exemple de la traversée des Pyrénées, mais aussi des travaux d'infrastructures portuaires, de la création d'un réseau à haut débit pour le Fret ferroviaire ou des contournements d'agglomérations (Lyon, Montpellier…). Loin de constituer des « innovations technologiques », nombre de ces travaux sont en projet depuis des années, il s'agit là de rattraper un retard irresponsable et les 7 milliards d'euros sont loin de couvrir tous les besoins.

La SNCF et le « fret de l'avenir »

La SNCF va investir 1 milliard pour réorganiser son activité fret. Voici ce qu'elle propose :

Penchons-nous donc sur ces divers projets :

En guise de conclusion, quelques questions et remarques

D'autres questions ne vont pas tarder à se poser puisqu'en décembre 2009, la concurrence au transport international de voyageurs sera ouverte. Rien n'empêchera plus les concurrents de la SNCF de faire rouler leurs trains sur les lignes qui relient des villes françaises à des gares étrangères.

La plupart des directions syndicales de cheminots ne remettent pas fondamentalement en question les projets de réforme qu'elles voient comme « présentant un intérêt » pour reprendre la formule de la CGT. Elles entendent s'opposer à la suppression des 6000 à 8000 emplois et s'apprêtent vraisemblablement à négocier ce qu'un représentant de la CGT a nommé un plan social.

Il y a urgence oui ! Face à cette mise en concurrence généralisée, cette rupture de solidarités qu'organise le capitalisme dans sa phase néo-libérale et singulièrement quand il se pare de « vert » pour poursuivre la logique d'accumulation qui lui est consubstantielle, face à des médias qui tentent de formater une opinion publique à grands coups de « prises d'otages des usagers », il y a urgence à mettre la question des transports, du réchauffement climatique, de la notion de service public au débat public et à ce que la population, salariés, usagers, se l'approprie. Car soyons assurés que tant que le système capitaliste imposera ses propres logiques, il n'y aura pas de vraies solutions aux menaces qui pèsent sur notre planète. Le sommet de Copenhague va bientôt, sans nul doute, nous en faire la démonstration !

le 17 novembre 2009

Christiane Fourgeaud et Nadine Floury

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