Cet essai d'un avocat au barreau de Paris met en évidence avec beaucoup de
finesse certains aspects iniques du système judiciaire français, en particulier son
côté rouleau compresseur, qu'on retrouve par ailleurs dans le film de Raymond Depardon
10e Chambre, instants d'audience.
La problématique principale est résumée par l'auteur lui-même en ces mots :
"En dépit de retouches incessantes, le procès criminel aujourd'hui en usage
n'a pas été réformé depuis son apparition au XIIIe siècle dans un
État fanatique et religieux, où l'individu était asservi." et cette
justice repose sur le fait suivant : "Qu'elle soit suivie ou pas d'une incarcération,
la mise en accusation place la personne poursuivie pour un délit ou pour un crime dans une position
d'infériorité dont elle ne se relèvera pas."
C'est ainsi que pendant la garde à vue, l'accusé n'a pas le droit de se
défendre, il n'a pas connaissance de l'enquête qui est menée, et tout cas il
n'a pas accès aux détails de l'enquête, au contenu des témoignages. Et
pour son avocat, c'est la même chose... et cela peut durer 96 heures !
Pendant l'instruction, si l'avocat ou un conseil d'une personne mise en examen
"sollicite des vérifications supplémentaires", le juge d'instruction se
cabre. "Pour lui ainsi que pour ceux qui travaillent en amont ou en aval de la chaîne
pénale (...) la défense est supportable si elle est un principe inactif. Elle devient
antipathique si elle réfléchit, bouge et conteste", écrit Thierry
Lévy.
Pendant le déroulement de la grande majorité des procès, le contenu des
déclarations de l'accusé doivent être conformes à ce qu'il a signé
dans le procès-verbal des interrogatoires : tout le dossier est déjà écrit, et il
vaut mieux s'y conformer si on ne veut pas être soupçonné de maquiller la
vérité. Il n'est pas possible à l'accusé d'interroger lui-même
les témoins, qui bien souvent ne lui ont pas été présentés auparavant.
Cette absence de confrontation a pu conduire à des erreurs judiciaires considérables, notamment
à l'occasion de l'affaire d'Outreau.
Thierry Lévy revient aussi sur un deuxième aspect de la justice actuelle à partir de la
fausse agression antisémite du RER pour montrer l'excès de zèle dans la
défense des victimes, de certaines victimes en tout cas, qui bénéficient d'une
considération d'autant plus exagérée qu'elle se fait en l'absence de tout
débat contradictoire.
Le livre ne manque pas de remarques subtiles sur les relations inégalitaires entre juges, avocats,
plaignants et accusés. Un livre qui fait méditer assurément.
Janvier 2005
André Lepic
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