La crise du système impérialiste

Le monde capitaliste est totalement livré à lui-même depuis l'écroulement du bloc soviétique au début des années quatre-vingt-dix. Il doit faire face à des contradictions potentiellement explosives qui prennent une acuité particulière depuis l'invasion de l'Irak par les troupes américano-britanniques.

L'euphorie des bourgeoisies impérialistes volant ensemble de succès boursiers en victoires militaires, sous le masque de l'intervention humanitaire, n'aura même pas duré une décennie. Les quelques lustres pendant lesquelles leurs idéologues ont pu annoncer « la fin de l'histoire » ou «  la mondialisation heureuse » sont révolues. En mars 2000, il y a exactement trois ans, survenait l'explosion de la bulle des valeurs TMT (valeurs de technologies, médias et communications). Depuis, d'autres valeurs boursières se sont effondrées. Les grandes bourgeoisies ont à faire face à une crise de leur système prenant des formes variées et pour certaines, totalement imprévisibles. Le capitalisme est à la fois mondialisé et fracturé.

Fuite en avant

L'invasion unilatérale de l'Irak par les États-Unis entraînant dans leur sillage le Royaume-Uni a indiscutablement des allures de fuite en avant, face à une série de difficultés qui ont commencé à surgir au cours de l'année 2001. Par l'ampleur des moyens mis en œuvre, par le déploiement de troupes au sol, cette guerre s'apparente davantage à la guerre du Vietnam qu'aux diverses guerres dans lesquelles les États-Unis se sont engagés depuis 1975, seul ou avec des alliés impérialistes. La présence américaine au Vietnam avait un intérêt stratégique mais était sans intérêt économique. Elle a commencé en période de boom économique mais a provoqué la crise du dollar et s'est terminée au moment de la crise de 1974-1975. La guerre présente en Irak comporte les deux dimensions d'intérêt stratégique et d'intérêt économique pour les capitalistes américains. Elle s'engage dans une conjoncture économique globale peu florissante. Comme une fusée à trois étages, il semble que la guerre ait les objectifs suivants :

  1. s'assurer le contrôle des réserves de pétrole dans la région et offrir sur un plateau des marchés d'après-guerre à quelques grands groupes sponsorisant la clique de Bush.

  2. redonner confiance aux places boursières, à l'ensemble du système financier mondial et aux millions de bourgeois et petits-bourgeois américains, mais aussi japonais et européens, dans les capacités des USA à relancer une croissance génératrice de profits. Sans aucunement sous-estimer la dimension pétrolière du conflit, il serait réducteur de ne pas intégrer la dimension de recherche de crédibilité tous azimuts de la première puissance mondiale. Cette crédibilité a été écornée à la fois par les attentats du 11 septembre 2001, la kyrielle de scandales financiers inaugurée par celui d'Enron et par la chute des actions de grandes entreprises (réputées « trop grandes pour chuter » !)

  3. être la force militaire et politique incontournable pour régler les problèmes dans toutes les régions instables de la planète où les intérêts capitalistes, avant tout américains, risquent d'être gravement lésés. Régler les problèmes doit s'entendre dans le sens de balkaniser les régions stratégiques économiquement et militairement où se trouvent des États et des peuples récalcitrants. À l'enseigne de la lutte « contre le terrorisme », l'administration Bush entend se donner les coudées franches pour terroriser tous les peuples qui auraient pour malheur de vivre sur des ressources stratégiques et de subir une dictature ne respectant pas tous les diktats émanant de la Maison blanche.

Les attentats contre les tours du World Trade Center et la guerre en Afghanistan ont précipité une orientation de l'appareil central des États-Unis vers une économie de guerre. Ce « War Deal » reçoit un coup d'accélérateur formidable avec les « besoins » de la guerre actuelle en hommes et en matériel divers. Les dépenses d'armements payés par les contribuables et consommés par l'État creusent d'ores et déjà un déficit profond et durable. Ne trouvant pas de contrepartie en valeur sur un marché ouvert, ces marchandises particulières que sont les armements contribuent à déséquilibrer encore plus l'économie globale. D'autant plus que tous les États impérialistes ainsi que la Russie et la Chine s'orientent également vers une économie de guerre.

Les machines d'État redeviennent comme dans les années trente du 20e siècle, la béquille indispensable de grands groupes capitalistes à bout de souffle dans la concurrence qu'ils se sont fait entre eux et incapables de garantir éternellement des progressions de profits à deux chiffres. Investir dans les emprunts d'État, avoir accès aux commandes d'État, se faire subventionner par l'État pour éviter momentanément la faillite, se faire « nationaliser » par l'État contre fortes subventions, sont autant de moyens pour s'assurer des profits que les places boursières rendent beaucoup plus aléatoires. Dans la période précédente les États avaient agi pour supprimer toutes les barrières réglementaires ou législatives afin de faciliter la fluidité des échanges de capitaux et de marchandises. L'ensemble de ces mesures qui ont produit une économie globalisée ou mondialisée où toutes les économies nationales s'interpénétraient à l'échelle planétaire, a engendré la mythologie chez certains analystes que le rôle des États étaient en train de s'amenuiser au profit d'un fonctionnement transnational généralisé. Il n'était plus question de parler d'États impérialistes mais de « l'Empire »...On ne parlait plus de bourgeoisies impérialistes à la fois partenaires et concurrentes mais d'une « dictature des marchés » sans limites. Certains la dénonçaient comme étant l'alpha et l'oméga pour comprendre les maux engendrés par l'économie mondiale. D'autres comme Alain Minc ne cessaient de la célébrer.

Les limites à la puissance des marchés ont été exprimées par les places financières elles-mêmes ! De grandes entreprises ont eu beau clamer que leurs performances étaient excellentes, leur déficit était aussi vertigineux, ce qui n'a pas échappé à l'attention des actionnaires. Avec le début de récession des deux dernières années, les « canards boiteux » qui sont légions viennent se réfugier dans le giron de l'État qui ne peut d'ailleurs pas les sauver tous. Tous les idéologues adorateurs du libéralisme ont martelé pendant plus de vingt ans que le marché était bon et que l'interventionnisme de l'État était mauvais. L'heure a sonnée pour eux de défendre la thèse inverse qui serait d'ailleurs aussi grotesque que la précédente mais nous doutons qu'ils auront l'audace de le faire. Indépendamment des pirouettes idéologiques que pourront exécuter ces gens-là, il y a bien une réorientation des principaux acteurs du système capitaliste vers l'interventionnisme d'État à leur profit.

Le maillage de l'économie mondiale peut se déchirer

Au plan de l'analyse, la guerre actuelle en Irak est à la fois cause et effet de traits décadents du système impérialiste. Le grippage de la croissance financière entraîne un ralentissement de la croissance et en boomerang l'adoption obligatoire d'un « War Deal ». Les fissures dans le front impérialiste ne sont pas d'un type radicalement nouveau mais elles interviennent dans un contexte où les économies impérialistes s'interpénètrent fortement et où simultanément l'économie mondiale marque le pas. Le début de récession a à nouveau avivé les tensions inter-impérialistes. Mais l'hostilité des dirigeants français et allemands à cette guerre est circonscrite dans des limites relativement étroites. Concernant les liens économiques entre l'Europe et les États-Unis, il s'échangerait chaque jour 1 milliard de dollars en marchandises et 2 milliards en produits financiers. Que le flux des échanges se poursuive à un haut niveau constitue le socle des intérêts communs aux États-Unis, à l'Europe et au Japon. Mais aussi multinationale ou transnationale soit une entreprise, elle aura tendance, face aux difficultés à maintenir sont taux de profit et à gagner des parts de marché, à s'appuyer vigoureusement sur son État national. Comme l'a relevé un ancien chef économique de Total, Pascal Lorot dans « Libération » du 27 mars, « Avec le retour des « déficits jumeaux » (budgétaire et commercial), les États-Unis n'ont pas les ressources pour assurer seuls le coût de leur guerre et celui de la reconstruction du pays. Ils auront clairement intérêt demain à avoir une main-mise sur les recettes pétrolières irakiennes, c'est-à-dire à maîtriser les flux financiers générés par la reprise des exportations pétrolières irakiennes. » L'administration Bush a déjà attribué les marchés d'après-guerre exclusivement à des entreprises américaines. On est assez loin d'un libéralisme sans frontières.

Chaque État impérialiste est en fait à l'offensive même si ce n'est pas toujours par des moyens directement guerriers. Sans tirer un seul obus, les États-Unis se sont déjà assuré l'approvisionnement de 15% de leur pétrole par des pays africains, soit presque autant que l'Arabie Saoudite. La concurrence exacerbée entre entreprises va inévitablement de pair avec une certaine concurrence entre les États auxquels elles sont amarrées. Les canons et les bombardiers de l'armée américaine ont ouvert la voie en Afghanistan et à présent en Irak à un accès sécurisé des majors anglo-saxonnes à l'accès la manne pétrolière. La force de pénétration armée ouvre la voie si nécessaire à la pénétration des capitaux. C'est peu original par rapport au fonctionnement de l'impérialisme au début du 20e siècle. Mais toutefois, sans que les États impérialistes actuels puissent se permettre le risque de s'affronter militairement comme ce fut le cas au cours des deux guerres mondiales, on ne peut pas exclure une guerre commerciale plus vive, sous forme de subventions étatiques à ses propres capitalistes pour les rendre plus concurrentiel ou sous la forme du renforcement de barrières douanières. De telles mesures de rétorsion des États-Unis contre l'Union Européenne (qu'il faudra peut-être appeler bientôt la Désunion Européenne) pourraient plomber encore davantage l'économie allemande et française sans pour autant redonner un coup de fouet à l'économie américaine. C'est dans le cadre du G8 et encore plus de l'OMC qu'on verra si une guerre de ce type est également à l'ordre du jour. Elle peut être lancée bien avant, en particulier au travers de la stratégie d'un dollar faible aux dépens d'un euro du coup excessivement fort, ce qui pénaliserait toutes les entreprises européennes exportatrices.

Fissures dans le front des impérialistes

La France et l'Allemagne sont des impérialismes de second ordre qui mènent eux aussi le pillage d'un certain nombre d'économies du Tiers monde avec ardeur mais à une échelle forcément plus modeste que les États-Unis. Les bourgeoisies françaises et allemandes prennent également depuis des années toutes les mesures adéquates contre leur classe ouvrière respective et en préparent d'autres encore plus brutales à l'instar de la bourgeoisie anglaise et américaine. Mais elles ne se sentent pas de force à mener toutes les guerres et elles ont peur de voir leurs gisements de profits se réduire si elles laissent totalement la bride aux États-Unis. D'autant plus que les bonnes affaires liées à la guerre du Golfe et à celle en ex-Yougoslavie ont davantage profité aux trusts américains qu'aux capitalistes européens ou japonais.

Au-delà de la posture évidente de Chirac défendant les intérêts de TotalFinaElf et d'autres entreprises françaises en Irak, la querelle entre la diplomatie française et l'administration Bush recouvre aussi des différences d'appréciation stratégiques au sein des diverses bourgeoisies concernées. Un secteur de la bourgeoisie américaine a été réticent mais pas nettement hostile à la guerre, ce qui s'est exprimé notamment dans le New York Times, du reste très tardivement. Mais dans son immense majorité la bourgeoisie américaine a approuvé la ligne offensive de Bush comme l'ont indiqué les votes au Congrès et l'attitude des grands médias qui ont enfilé leurs treillis avec enthousiasme. Ce n'est pas seulement un petit clan de capitalistes et politiciens texans irresponsables qui se sont lancés dans cette aventure. Les fameux « think tanks » conservateurs, ces associations réactionnaires par lesquelles sont passés la plupart des collaborateurs de W. Bush, sont financés par les plus grands groupes capitalistes américains. Comme le décrivait récemment l'hebdomadaire britannique « The Economist », ils rassemblent des milliers de militants qui les financent et se partagent le travail idéologique entre le pilonnage et l'investissement des médias, du Congrès ou des organes de l'appareil d'État. Conformément à la nature bouillonnante et imprévisible de l'économie capitaliste dont ils profitent, ces gens ne supportent pas le statu quo et préfèrent être constamment à l'offensive contre les travailleurs et contre les peuples avant même qu'ils puissent leur opposer une résistance sérieuse. Leur carcan idéologique est cohérent et congruent avec le monde des affaires. Mais l'arène mondiale est évidemment infiniment plus problématique que ne l'imaginent ces néo-conservateurs. George Parker dans le New York Times Magazine a ciblé les « mille et une embûches de l'après-guerre » auxquelles ces gens-là n'ont pas pensé. Le quotidien « Les Échos » du 27 mars relève dans une enquête sur l'onde de choc au Moyen-Orient provoquée par la guerre que « En attaquant l'Irak, Bush a ouvert la boîte de Pandore ».

Les positions étaient très partagées au sein même des diverses bourgeoisies européennes. La bourgeoisie française a eu une position assez homogène d'hostilité. La situation est déjà plus nuancée au sein du personnel politique allemand même si Schröder s'est rangé derrière Chirac. Un secteur du parti travailliste a exprimé sa franche hostilité à la position de Blair. L'orientation va-t-en guerre à tout crin de Bush a eu pour effet l'éclatement de l'Europe bourgeoise sur la question de l'opportunité de cette guerre. L'euro est sauf mais l'Union Européenne est mal en point durablement. Les opposants à la stratégie de Washington ne constituent pas un front uni, cohérent ni forcément durable. La Russie et la Chine ont fait preuve davantage de réserve que d'une nette opposition. Par contre le soutien du Japon aux USA est d'un faible intérêt pour eux dans la mesure où son économie marquée par une décennie de déflation ne pourra pas contribuer aux frais de la guerre comme en 1991.

La durée de la guerre actuelle et les difficultés de l'équipe Bush pour atteindre leurs objectifs trancheront bien des débats et des hésitations. Elles vont être des facteurs déterminants pour l'avenir de l'économie mondiale, comme l'a déclaré avec beaucoup de réalisme le directeur du FMI, Horst Köhler. Une guerre longue entraîne un scénario catastrophe, de récession grave selon tous les analystes économiques. On entre alors dans l'inconnu quant aux relations inter-impérialistes. Mais la résistance inattendue que rencontre les troupes anglo-américaines sur le terrain montre à quel point les pronostics sur le comportement des peuples face à l'onde de choc provoquée par cette guerre seraient complètement hasardeux. La guerre entraîne déjà des révoltes dans plusieurs pays du Moyen-Orient et des mouvements d'indignations sur tous les continents. La guerre peut dans les mois et les années qui viennent provoquer d'autres guerres en Amérique latine ou en Asie. Les guerres impérialistes peuvent doper des forces réactionnaires islamistes ou fascistes mais elle peuvent aussi faire mûrir des révolutions.

Le seul point où les États impérialistes s'accorderont toujours, ce sera pour faire la guerre à toutes les classes populaires et à employer les grands moyens pour extraire le maximum de plus-value de la classe ouvrière mondiale encore en activité. C'est sur ce front de l'exploitation que les bourgeoisies impérialistes gardent, pour l'instant, le plus d'opportunités et de marges de manœuvre. Tant que la classe ouvrière n'aura pas reconstitué un arsenal de défenses coordonnées face à leurs offensives, les guerres au Moyen-Orient, en Colombie, en Tchéchénie  ou dans d'autres régions du monde pourront faire rage et provoquer des rééquilibrages divers et variés entre les États sans que le système impérialiste ne soit menacé. La classe stratégique pour l'avenir du monde reste plus que jamais celle des travailleurs qui produisent tout et assurent tous les échanges et tous les services sur tous les continents.

Fondements d'un combat anti-capitaliste

Les grèves et mobilisations de salariés en Europe restent pour l'instant relativement faibles et sporadiques. Ce ne sont pas les manifestations actuelles de l'activité de la classe ouvrière européenne ou d'un autre continent qui ont pu inciter Chirac et Schröder à ne pas s'engager dans la présente guerre. Les diverses manifestations du mouvement alter-mondialiste ne sont pas non plus à un niveau tel qu'elles puissent constituer une menace et inciter à la prudence ces hommes d'État. Ils ont plutôt anticipé les problèmes graves que pouvaient entraîner leur participation à une nouvelle aventure guerrière en Irak et en particulier l'hostilité de leurs opinions publiques, surtout en Allemagne. Chacun sait que Schröder n'a pu être réélu qu'en se prononçant contre la guerre. Schrôder et surtout Chirac ont saisi l'occasion pour transformer leur rivalité de tactique avec les États-Unis en bénéfice politique pour prolonger « l'état de grâce » propice à tous les mauvais coups contre les travailleurs.

Le gouvernement français et allemand n'avaient pas grand chose à glaner pour leurs groupes capitalistes dans la guerre de Bush. D'autre part leurs finances publiques ne sont pas particulièrement en bon état et ils préfèrent les consacrer au sauvetage de leurs entreprises et banques en difficulté. Cette tâche est déjà bien assez périlleuse et devra se faire au prix de nouvelles attaques contre les services publics et contre les salariés.

Pour nous en tenir au cas de la France, le profil d'homme d'État raisonnable et soucieux de préserver la paix lui sera utile pour mener la guerre sociale contre les classes populaires et en particulier contre la classe ouvrière sur le dossier des retraites. Les partis de gauche participent à cette nouvelle opération d'union nationale où le président n'est plus seulement le rempart contre l'extrême droite comme en avril 2002 mais celui contre la guerre et contre « la puissance impériale », les États-Unis.

La gauche et la droite se trouvent unies pour tresser des couronnes à Chirac et pour glorifier les vertus de l'ONU et du droit international. Comme si bien des guerres, bien des exactions impérialistes n'avaient pas déjà été menées sous le couvert de l'ONU, ou sans son aval comme en Yougoslavie en 1999, sans que ces politiciens ne s'en offusquent. Comme si l'armée française ne faisait pas la guerre en Côte d'Ivoire, sans un mandat de l'ONU ni la caution d'on ne sait quel droit international. Comme si elle n'avait pas été impliquée dans la responsabilité d'un des plus monstrueux génocides de la fin du 20e siècle au Rwanda ainsi que le président de l'époque, un certain François Mitterrand.

Les manifestations contre la guerre ne pourraient ouvrir un espace élargi pour le combat anti-capitaliste qu'en se situant en indépendance complète avec les dirigeants des partis de gauche qui sont dans un front pseudo-pacifiste avec Chirac. Il faut oser dénoncer le « droit international » actuel comme un droit des puissances impérialistes à faire ou à ne pas faire ce qui leur chantent. Le fait que l'administration Bush ait traité par le mépris l'ONU ne donne aucune légitimité pour autant comme représentant des intérêts de l'humanité. Les institutions internationales de l'ONU font parfois office de feuille de vigne cachant l'ordre mondial impérialiste. Fondamentalement, elles constituent une des composantes de l'ordre impérialiste mondial et un leurre comme facteurs de paix et de lutte contre la misère. Les seules institutions internationales dignes de ce nom n'existent pas encore. Elles seront créées par les peuples et les travailleurs du monde entier. Or l'ONU est la réunion d'États, dont aucun n'est digne de la confiance des peuples et des travailleurs et ne représentent leurs intérêts. Dans ces conditions, la glorification de l'ONU a un caractère purement charlatanesque.

Ces derniers mois, Le PS, le PC et des Verts ont signé des communiqués communs avec d'autres partenaires sacralisant la Charte des Nations Unies et « le Droit international ». Ces partis ont créé des illusions dans le pouvoir du veto de « Monsieur le Président » à garantir la paix. Ils tentent actuellement de redorer leur blason en se présentant comme des partisans de la paix. Dans une cohérence historique et politique indéniables, ces partis sont pour la paix...uniquement quand la bourgeoisie française n'a pas envie de participer à une guerre. Le mouvement anti-guerre est une divine surprise pour des partis de gauche mal en point depuis leur faillite de l'an dernier pour tenter de se remettre bien en cour dans une fraction du monde du travail et de la jeunesse. La clarification des enjeux qui se posent au mouvement anti-guerre commence par le refus d'entrer dans une union sacrée avec les partis de gauche qui pèseront sur le mouvement dans le sens du pacifisme bêlant et d'un anti-américanisme qui est une impasse. Il commence par la compréhension que l'État français n'est « pacifique » que dans la mesure où il a à perdre quelque chose dans une guerre mais qu'il est prêt à lancer son armée dès qu'il y a des profits à la clef pour ses capitalistes.

Ce mouvement ne coïncide pas politiquement avec le mouvement alter mondialiste et il s'est avéré beaucoup plus large. Mais c'est le mouvement alter-mondialiste qui a pris naissance à Seattle dans la mobilisation contre l'OMC qui a en grande partie favorisée l'émergence d'un mouvement anti-guerre à l'échelle mondiale. Entre dix et treize millions de personnes ont manifesté dans le monde le 15 février dernier. C'est la première fois qu'un mouvement d'une telle importance apparaît avant le déclenchement d'une guerre et ne fléchit pas après son commencement. Cela ouvre un espoir et renforce une conscience internationaliste chez des milliers de personnes. Cela ouvre de grandes possibilités de changer le rapport des forces entre les classes. Mais ce mouvement anti-guerre n'a pas la vocation à devenir spontanément et automatiquement un mouvement anti-capitaliste, ni en France ni dans les autres pays. Il y a le poids des diverses organisations politiques et associatives qui chercheront à le contenir dans les bornes du pacifisme et de l'anti-américanisme. Il est donc important que des marxistes révolutionnaires apportent leur contribution au mouvement qui concerne de nombreux jeunes par leurs analyses du système impérialiste et du rôle stratégique du prolétariat mondial dans sa destruction. Ils doivent concevoir la construction collective d'un parti de l'émancipation des travailleurs avant tout par en bas, sans privilégier l'apport de militants issus des partis de gauche ou du syndicalisme traditionnel fortement bureaucratisé. Plutôt que de prétendues « élites militantes », il faudra surtout des gens nouveaux, très déterminés, beaucoup de jeunes, beaucoup d'hommes et de femmes du monde du travail, sans préjugés « de gauche » et en rupture profonde avec l'ordre social actuel pour que surgisse une force anticapitaliste digne de ce nom. Cet esprit d'indépendance de classe implique de ne jamais se retrouver en position de soutenir ou de participer à un gouvernement bourgeois « de gauche » que ce soit en France, au Brésil ou ailleurs.

Un mouvement anti-capitaliste international ne peut émerger que si des travailleurs et des jeunes s'emparent à leur façon des armes de la critique marxiste et font bon usage de ce que Friedrich Engels appelait la science des connexions en parlant de la dialectique.

Certains idéologues de la bourgeoisie avaient théorisé un peu vite la fin de l'histoire. Ce qui constitue la faiblesse insurmontable des représentants des classes dirigeantes, c'est leur absence de sens de l'histoire et leur incapacité à formuler un projet pour l'humanité qui ait un semblant de crédibilité. Les révolutionnaires doivent oser dire ouvertement et sans relâche qu'un projet socialiste et communiste à l'échelle mondiale est la seule issue pour l'humanité et qu'il passe par l'éradication de la propriété privée des capitalistes  de tous les pays et la destruction des appareils d'État à leur service.

Le 29 mars 2003

Samuel Holder

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