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Jean-Pierre Hirou (1948-2001)

Jean-Pierre Hirou, militant révolutionnaire, est décédé
samedi 3 novembre d'une rupture d'anévrisme.
Il avait 53 ans.

Nous n'allons pas faire " trop long " sur la tristesse que
provoque sa disparition. Jean-Pierre n'aurait pas aimé, avec
ce côté direct, abrupt, qui cachait beaucoup de délicatesse
et de générosité. Mais elle est tout de même terriblement
profonde et très envahissante, la douleur qui touche d'abord
sa compagne Michèle, sa famille mais aussi ses amis et ses
camarades.

Jean-Pierre avait milité à partir de 1963 au groupe
trotskyste Voix Ouvrière puis à Lutte Ouvrière jusqu'en
1979. Il avait, bien sûr, participé à tous les rudes combats
des années soixante et soixante-dix. Citons rapidement les
affrontements face aux nervis staliniens voulant empêcher
physiquement les révolutionnaires de défendre leurs idées
auprès des travailleurs ; les accrochages avec les fascistes
qui sévissaient sur les campus ou encore les luttes contre
la police nous matraquant lors des manifestations contre la
dictature de Franco. Mais avant tout, avec une belle
énergie, Jean-Pierre a fait partager ses idées à des lycéens
et à des travailleurs. Il savait, par sa pratique, que ce
n'était pas une question de recette et que ce n'était pas si
difficile que cela. Juste une question de conviction, disons
plutôt de passion et d'honnêteté intellectuelle.

Il quitta Lutte Ouvrière à la fin de 1979 en même temps que
Michèle. Rupture pénible, difficile à surmonter car ils y
avaient milité de toute leur âme. Dès lors, Jean-Pierre
s'affirma communiste libertaire, sans pour autant rejoindre
un groupe organisé. Quelle importance au fond ? Il était
toujours et plus que jamais un révolutionnaire du mouvement
ouvrier, fidèle à lui-même et à ses convictions
fondamentales.


Jean-Pierre n'aimait pas les petits chefs ni ceux qui se
prennent pour des grands chefs. L'électoralisme n'avait
jamais été sa tasse de thé. Il n'aimait pas avaler des
couleuvres ni en faire avaler aux autres. Par couleuvres,
nous voulons dire ces positions et ces pratiques
opportunistes ou douteuses, en regard de l'idéal et du
projet communiste révolutionnaire. La duplicité lui faisait
horreur.

Il critiquait fréquemment les positions politiques des
militants d'extrême gauche, aussi bien en France que dans
d'autres pays. Parfois il engageait la polémique avec excès,
en s'emportant à partir d'un mot ou d'une formulation
équivoque. Cela est infiniment moins grave que d'être
indifférent ou accommodant en matière d'idées. Ses critiques
sévères mais toujours loyales traduisaient aussi un
attachement humain très fort à ces militants qui à son avis
se fourvoyaient.

Etranger à l'esprit de secte, Jean-Pierre aimait participer
ou assister aux débats concernant l'avenir des travailleurs.
Socialisme ou barbarie, telle était toujours pour lui
l'alternative pour l'humanité. Il se rendait régulièrement
aux fêtes de Lutte Ouvrière à Presles, aux forums
libertaires bien sûr (il avait participé à celui de Daniel
Guérin) et tout dernièrement encore à un débat de Carré
Rouge et à une fête de la Ligue communiste révolutionnaire à
Rouen.

Par ailleurs, il s'en prenait inlassablement aux mensonges
et à la démagogie sous toutes ses formes, en premier lieu
ceux des serviteurs de la bourgeoisie, gouvernants et
bureaucrates syndicaux. Nous avions amorcé une collaboration
avec Jean-Pierre sur notre site, en mettant en ligne en
septembre dernier, sa critique acerbe des dirigeants du PCF
se prétendant, aux dernières nouvelles, libertaires !

Depuis plusieurs années, Jean-Pierre avait engagé des
recherches historiques sur le mouvement ouvrier et le
mouvement révolutionnaire. Il avait publié un livre très
solidement documenté " Parti socialiste ou CGT ? 1905-1914
- De la concurrence révolutionnaire à l'union sacrée "
(éditions Acratie, janvier 1995). Récemment il nous écrivait:
" Je suis toujours disposé à faire un exposé-débat sur le
sujet à Rouen, à Dunkerque ou en Navarre... " Il était à la
recherche d'un éditeur pour la traduction de son livre en
espagnol et il avait de nombreux travaux d'écriture en
projet.

C'est un militant fraternel, ayant une expérience précieuse
et de vastes connaissances, qui vient de disparaître
brutalement.

Le 7 novembre 2001
                                    Samuel Holder

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