Quatre semaines après les attentats contre le Pentagone et les tours jumelles de Manhattan, le peuple afghan subit les bombardements de la plus puissante armée du monde. Ce peuple qui n'a connu que guerre et oppression depuis plus de vingt ans est frappé avec la même férocité que le peuple irakien l'a été en 1991 et l'est toujours depuis dix ans. Est-ce une simple guerre impérialiste de plus après celle d'il y a deux ans et demi en Yougoslavie ? Cet article se propose d'aborder quelques aspects nouveaux de la situation mondiale révélés ou générés par les attentats du 11 septembre dernier.
Pour comprendre l'actualité de la guerre en cours et ses développements
éventuels, il est nécessaire de revenir sur la signification des attentats du 11 septembre. Au
cours de deux réunions organisées par Carré rouge, une discussion riche s'est
déroulée. Des appréciations différentes ont été exprimées,
avec un socle commun dans l'argumentation. Ce numéro en sera le reflet.
Il y a des dates charnières dans l'histoire. Le 11 septembre 2001 en est une. On peut contester la
suggestion que cette date est le véritable début du vingt et unième siècle. Mais
on ne peut pas mettre en doute le fait qu'elle marque un tournant dans les relations entre les
États et plus globalement une césure dans l'histoire du système capitaliste
mondial.
Au niveau le plus prosaïque, des centaines de millions de gens sur les cinq continents ont
été frappés de stupeur par ces attentats en les découvrant à la
télévision. Tout le monde se souviendra durablement dans quelles circonstances il a appris la
nouvelle. Quand un événement inattendu et traumatisant est vécu simultanément par
autant de personnes, il est inutile de vouloir en atténuer la portée. Comme pour la chute du
mur de Berlin, il y aura un avant et un après cet événement.
La conjonction de plusieurs éléments anciens et nouveaux en fait la spécificité.
L'aspect crime de masse est tragiquement dépourvu d'originalité. Les différents
continents du Tiers monde continuent à connaître leur lot de massacres quotidiens sans parler
des ravages provoqués par la faim et les maladies non soignées.
Que des commandos d'intégristes musulmans passent à l'action pour tuer des milliers de
civils n'a rien non plus de nouveau, si on en juge par ce que subit la population algérienne
depuis plus de dix ans. La nouveauté réside dans les moyens sophistiqués et dans les
cibles hautement symboliques atteintes au cœur de la première puissance mondiale.
Considérer le 11 septembre comme le début réel du 21ème siècle
relève autant de l'analyse que d'un choix militant. Il porte une accusation radicale sur le
système d'exploitation qui a engendré cette forme de barbarie « high-tech »,
tout en mettant en exergue les faiblesses fondamentales de ce même système.
La combinaison de connaissances techniques et scientifiques de haut niveau avec une idéologie
obscurantiste et mortifère est l'illustration achevée d'une des contradictions du
capitalisme. Il associe les résultats les plus avancés de la science avec les formes
idéologiques les plus rétrogrades. Cela vaut autant pour les réseaux de Ben Laden
formés, on ne le répétera jamais assez par la CIA, comme pour les armées du G7 :
efficacité technique permise par les progrès de la recherche dans la destruction des vies
humaines, mépris total de ces vies humaines, indifférence totale aux souffrances
infligées à autrui au nom du christianisme, de l'Islam, de l'hindouisme ou
d'abstractions vidées de tout contenu. Au nom de la Justice, de la Démocratie ou du Droit,
divinités « modernes », les États impérialistes s'autorisent toutes les
exactions. La rhétorique manipulatoire aboutit au même résultat, la croisade du
« Bien » contre le « Mal ».
New York est le lieu même des contradictions sociales du monde actuel. Avec Wall
Street, cette ville est le symbole et le lieu principal de la puissance du Capital. Une puissance qui
écrase les peuples, pillent leurs richesses, fait suer sang et eau aux travailleurs et s'offre des
gratte-ciel au gré de sa fantaisie. Pas seulement le Capital américain, loin de là.
Toutes les grandes banques, toutes les multinationales et toutes les grandes marques étaient
présentes au World Trade Center, le bien nommé.
New York est en même temps la ville du Travail qui a fait surgir ces mêmes gratte-ciel, ces
prodiges d'architectures. A New York on trouve une misère matérielle et morale colossale
qui est à l'échelle de cette mégapole. Dans bien des quartiers notamment celui de la
confection, le garment de Manhattan, les formes d'exploitation de la force de travail ne sont pas bien
différentes de celles décrites par Engels ou Marx.
Celles et ceux qui se placent dans le camp du monde du travail ont éprouvé plus
particulièrement un sentiment de solidarité de classe qui va bien au-delà d'une
vague compassion. Des milliers de salariés comme nous qui avaient trouvé un emploi dans le
secteur du World Trade Center ont été tués, brûlés, broyés sous les
décombres. Les survivants sont brisés psychologiquement pour le restant de leur vie. Nombre
d'entre eux qui avaient fui la misère et bien souvent le terrorisme dans leur pays se croyaient en
sécurité. A Manhattan les employés, les ouvriers, les serveurs, les
préposés au ménage venus d'Haïti, de Colombie, de Yougoslavie ou
d'Éthiopie ont été rattrapés par la machine infernale du terrorisme..
Qu'il soit terrorisme d'État ou non, il peut frapper des innocents sur n'importe quel
point de la planète. Profit et terrorisme marchent ensemble. L'un sécrète
l'autre et garantit son existence.
Le fait que le territoire des États-Unis proprement dit ait été
atteint, pour la première fois dans son histoire, là où se trouvent ses centres
financiers et militaire, constitue une humiliation pour les dirigeants de cette super-puissance. Le signe
probant de leur humiliation et de leur désarroi s'est traduit par la couardise de Bush junior et
de son entourage à réintégrer la Maison blanche au plus vite tandis que des
salariés mal payés, à savoir les pompiers de New York, faisaient preuve
d'héroïsme pour sauver des vies humaines ou secourir des blessés.
Les tapis de bombes répandus sur l'Afghanistan ne pourront pas effacer ni cette première
fâcheuse impression de dirigeants paniqués ni le sentiment d'insécurité qui
habitent à présent la population des États-Unis. C'est la forme d'agression
venue d'ailleurs, sans préavis, qui est particulièrement déstabilisante et
préoccupante quant à la fiabilité de l'armée, du FBI et de la CIA. Car par
ailleurs il y a eu bien des attentats commis par des éléments endogènes à la
société et à l'appareil d'État. On ne rappellera ici que l'assassinat
d'un président, J-F Kennedy, et dans une période plus récente l'attentat
d'Oklahoma City.
A l'inquiétude que provoque la vulnérabilité des États-Unis à des
attentats programmés hors de ses frontières, s'ajoute une forte inquiétude
d'ordre économique et sociale pour la majeure partie de la population. La ligne causale qui a
abouti aux attentats du 11 septembre a croisé la ligne causale du début de récession de
l'économie américaine dont les signes annonciateurs sont apparus en décembre
dernier.
Une semaine après la tragédie de Manhattan, les traders n'ont manifestement pas fait preuve
de sens du sacrifice pour sauver leur propre système financier. Ce manque de
« patriotisme » a entraîné pendant la semaine de reprise de Wall Street une chute
importante des actions. Les analystes ont caractérisé cette chute par un nouveau concept, le
krach lent. Les dégâts ont été atténués par l'injection dans les
circuits financiers de fortes sommes de la part des autorités fédérales. Le mythe de
l'autorégulation du système financier pour le plus grand bien de la nation et de
l'économie mondiale a été détruit en même temps que le World Trade
Center.
Les conséquences sociales sont d'emblée très importantes même si
ultérieurement le marché financier se reprenait. Les plans massifs de licenciements qui avaient
repris depuis dix mois s'intensifient. La classe ouvrière américaine est frappée de
plein fouet alors qu'elle a subi une offensive continuelle et particulièrement brutale de la part
du patronat depuis le début des années quatre-vingts (1). Les
classes moyennes peuvent également se faire beaucoup de souci pour leurs propres revenus. Elles
avaient cru au mirage des revenus en expansion permanente de leurs actions en Bourse. Ces revenus
s'effondrent alors qu'elles se sont endettées lourdement pour profiter ces dernières
années de la manne de Wall Street et qu'elles disposent d'une couverture sociale plutôt
mince (2). Il est vrai que 48 millions d'Américains n'en
avaient déjà aucune avant la baisse de la conjoncture économique.
Sans préjuger de la façon dont les classes sociales américaines réagiront dans
l'avenir, il faut déjà enregistrer comme un signe d'espoir le fait qu'un certain
nombre de jeunes et d'intellectuels ont dénoncé les manœuvres d' « union
sacrée » du gouvernement et des grands médias et qu'ils ont manifesté dans
plusieurs villes contre la guerre en criant « Pas en notre nom » (« Not in our
name ») (3). Ils expriment aussi une inquiétude face
à un danger politique auquel ils entendent s'opposer dès maintenant, à savoir une
nouvelle forme de maccarthysme, de police générale des esprits et d'étouffement des
libertés, sous prétexte commode de lutte contre « le terrorisme ».
L'obscurantisme et le fanatisme ignoble des réseaux terroristes de Ben Laden ne
doivent pas faire perdre de vue que ces gens-là ont des objectifs politiques cohérents,
contrairement à ce que disent tous les commentateurs qui parlent de comportements « absurdes,
incompréhensibles, qui défient la raison »...Les marxistes ne doivent pas renoncer
à analyser en termes de classes aucun des phénomènes politiques et sociaux, quelles que
soient leurs caractéristiques pathologiques et barbares. Ce serait laissé le champ totalement
libre aux politiciens et aux piètres penseurs brandissant les principes éthiques et moraux
éternels. Leurs discours et commentaires indignés visent à justifier les entreprises
guerrières des bourgeoisies impérialistes.
Les principaux bailleurs de fonds des Talibans et des réseaux de Ben Laden sont connus, à
savoir l'Arabie saoudite, le Pakistan et les États-Unis eux-mêmes pendant des années.
Ayant réussi son coup en Aghanistan en aidant ses amis Talibans à s'emparer du pouvoir avec
la bénédiction des États-Unis, Ben Laden cherche à concrétiser ses
ambitions dans d'autres pays. Le fait que ses ambitions outrepassent ce que les grandes puissances sont
prêtes à tolérer est un autre problème.
Ben Laden et ses semblables intégristes ne se contentent pas des positions acquises. Ils veulent
s'emparer d'autres pouvoirs comme l'Égypte, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, ceux
du Maghreb, la Palestine, etc. Ils ont une logique et un projet politique cohérent, Que leurs
agissements soient abjects n'enlèvent rien à la transparence de leurs objectifs : combiner
actes terroristes, fanatisme religieux, démagogie anti-américaine pour s'appuyer sur la
révolte des couches sociales où ils s'implantent, la dévoyer, s'en servir comme
d'un marchepied vers le pouvoir. On est dans l'imitation pure et simple de ce qui a réussi
à Khomeyni en Iran mais n'a pas été encore concluant pour les islamistes en
Algérie.
Leur recette est très proche de celle des fascistes et des nazis. Ce sont des fous dangereux pour la
société mais pas fous au point de se passer de l'argent de bailleurs de fonds capitalistes.
Ben Laden cumule le rôle politique et celui de bailleur de fonds en tant que milliardaire saoudien.
Il semble nécessaire à ce propos de faire litière des considérations de certains
sur « le terrorisme du pauvre ». Le terrorisme est toujours l'arme des riches directement ou
indirectement. Qu'il soit terrorisme d'État ou terrorisme d'une bande qui veut
accéder à un pouvoir étatique. Dans le cas de Ben Laden l'expression de
« terrorisme du pauvre » est particulièrement fausse puisqu'on est en présence
de milliardaires ou de gens ayant passé par diverses universités et ayant acquis une haute
compétence pour commettre des attentats de grande portée. L'amalgame avec les attentats
suicides de jeunes Palestiniens commandités par le Hamas est déplacé même si de
telles méthodes sont là aussi totalement étrangères au mouvement ouvrier et ne
peuvent être que condamnées par les marxistes révolutionnaires. Dans une récente
tribune du « Monde » la philosophe moraliste Canto-Sperber se refusait à prendre en compte
le contexte dans lequel une forme de violence s'exerce. Cela lui permettait de mettre dans le même
sac Trotsky et Ben Laden. Elle aurait pu y ajouter Robespierre et Spartacus. Mais justement, ne pas prendre
en compte par exemple le contexte dans lequel se trouve le peuple palestinien, dépourvu d'aucun
droit, en butte à des humiliations et à une répression permanente depuis des
décennies, c'est faciliter la tâche de Ben Laden, ce milliardaire saoudien, maîtrisant
parfaitement les rouages du système financier international, supporter des Talibans et voulant pousser
ses pions au Proche Orient et en Asie centrale. Des journalistes ont fait remarquer qu'il n'avait
jamais déboursé un centime pour soutenir la cause palestinienne.
Que les attentats de New York aient été commandités par lui ou par d'autres
intégristes n'est pas une question fondamentale. L'essentiel est que par leur caractère
spectaculaire, une de leur fonction est d'aider au recrutement pour le compte de Ben Laden. C'est lui
qui engrange une certaine sympathie dans les pays musulmans. L'autre fonction complémentaire est
de provoquer dans les pays riches une vague raciste anti-arabe et anti-musulmane. Il s'agit d'amener
ainsi une partie de la population musulmane immigrée à considérer Ben Laden comme un
vengeur, un protecteur et un recours. Il ne faut pas perdre de vue que les attentats, indépendamment
de leur caractère sanguinaire, sont aussi une forme de pression sur les États
impérialistes et ceux qui les soutiennent pour qu'ils les laissent faire leur percée. Ils
font partie du dispositif général de maintien de l'ordre contre les classes populaires et
à ce titre, malgré les apparences, ils sont utiles aux grandes puissances qui ne se priveront
pas de négocier dans l'avenir avec eux si nécessaire comme par le passé. Pour
l'heure, quand bien même Ben Laden serait supprimé ou livré au Tribunal Pénal
International, l'option politique des intégristes ne reculerait pas pour autant ni leur pouvoir de
nuisance.
Plus généralement les mouvements intégristes qu'ils soient au pouvoir dans un pays
ou non, doivent être pensés et analysés comme des composantes nécessaires du
système capitaliste. Pour maintenir et conforter ses capacités d'exploitation du travail
humain et de pillage des ressources naturelles, il se nourrit de toutes les formes de violence et de barbarie
contre les masses populaires et en particulier contre les femmes.
Dans les pays du Tiers monde, et en particulier dans les pays majoritairement musulmans,
même sans avoir de sympathie pour les islamistes, les masses populaires partagent un sentiment commun :
la haine de la première puissance mondiale, les Etats-Unis et des régimes à leur botte.
Cette haine est fondée sur l'expérience de ces masses et par ce qu'elles vivent au
quotidien. Voilà l'élément fondamental de déstabilisation de l'ordre
impérialiste dans cette partie du monde.
Les dirigeants des États-Unis sont confrontés seuls à cette donnée et à la
complexité du monde depuis l'effondrement du bloc soviétique. Avant chaque bloc faisait la
police dans sa zone et s'il se heurtait à de graves difficultés, pouvait commodément
incriminer le bloc d'en face. A présent les ressentiments et les révoltes de toutes sortes
ont tendance à se focaliser sur les États-Unis en premier lieu et sur les autres pays du G7 en
second lieu. Ce n'est que justice. Dans un sens les attentats peuvent être utilisés par
Washington comme une diversion permettant de voir venir. Mais ça ne peut pas fonctionner durablement.
Les dirigeants du G7 doivent trouver des solutions pour maintenir un semblant d'équilibre dans le
désordre mondial engendré par leur système. Mission impossible. Le monde craque à
toutes ses coutures. L'humanité dont une grande partie ne mange pas à sa faim,
l'humanité étouffe et souffre dans tous les domaines, environnement, santé, emploi,
dangerosité des entreprises, logement, etc.
Les soucis des États du G7 sont d'un autre ordre, à l'opposé total des besoins
de l'humanité. Ils doivent tenter de restaurer la crédibilité du grand casino
boursier international. Les sommes apportées pour ce faire par les États et leurs banques
centrales seront autant de ressources qui manqueront encore plus pour répondre aux besoins des
populations. Les préparatifs de guerre et la guerre elle-même en Afghanistan ont
déjà eu un effet euphorisant sur certaines actions concernant les firmes d'armement depuis
le 11 septembre. L'augmentation est de 41% pour Raytheon, 22% pur General Dynamics, 31% pour Northrop et
25% pour Lockeed Martin. Mais d'autres firmes ne survivent que grâce à la perfusion directe
de capitaux étatiques.
Un autre problème se pose aux États-Unis où les éléments
économiques, politiques et militaires sont intimement liés. Même si les chaînes de
télévisions se gardent bien d'évoquer la question, plusieurs journaux dont
l'Express, le Figaro et Courrier international ont mis en évidence les enjeux pétroliers
qui se cachent derrière les événements en cours. L'accès aux fabuleuses
réserves d'hydrocarbures du Kazakhstan et du Turkménistan, sans compter celles de
l'Afghanistan qui ne sont pas négligeables est un enjeu majeur dans l'affrontement avec les
Talibans. Faire transiter un pipeline par l'Afghanistan ferait bien l'affaire des majors
américaines. Mais cela suppose la mise en place à Kaboul d'un pouvoir suffisamment stable,
fut-il composé de Talibans « modérés », traduisez complaisants à
l'égard des intérêts américains. L'intervention militaire vise à
susciter de telles vocations qui s'exprimeraient par la livraison de Ben Laden. Après tout les
dirigeants de Belgrade qui ont livré leur collègue Milosevic ont touché leur
récompense et sont toujours au pouvoir.
Une autre forme de « stabilité » en Afghanistan consisterait à entériner au
travers d'accords internationaux du type de ceux de Dayton pour la Yougoslavie, la partition de
l'Afghanistan en plusieurs entités, l'une d'elles étant sous protectorat du
Pakistan. A condition que la fiabilité pro-américaine du régime pakistanais soit sans
faille !
Le dossier du pétrole et du gaz naturel en Orient comporte de multiples aspects qu'il n'est
pas question d'aborder ici. Nous n'en retiendrons qu'un autre. Le problème le plus
délicat concerne le risque de déstabilisation du régime intégriste d'Arabie
saoudite. Cet intégrisme là, même s'il a financé Ben Laden, fait les
délices des firmes pétrolières et de l'administration Bush. Il faut ajouter que la
famille Bush et le vice-président Dick Cheney qui sont dans le business du pétrole ont toujours
entretenu d'étroites relations avec la monarchie saoudienne. Le parti républicain a
toujours plaidé pour des prix pétroliers élevés ce qui fait le bonheur à
la fois des émirats du Golfe persique et des pétroliers américains.
Il y a donc dans la guerre et les manœuvres américaines autour du Golfe une opération
qu'il faudrait qualifier de « profits sans limites » pour les majors...
Reste à examiner rapidement comment toutes les forces anti-capitalistes peuvent se
positionner dans le contexte international de l'après 11 septembre 2001. Des manifestations contre
la guerre ont eu lieu mais pour l'instant de faible ampleur. Cependant les événements
entraînent une politisation d'une partie de la jeunesse qui est très prometteuse. C'est
d'ailleurs des jeunes hostiles au désordre mondial capitaliste qui étaient présents
en nombre à Gênes en juillet dernier. Des syndicalistes étaient également partie
prenante. Le problème qui se pose au mouvement anti-mondialisation est celui de son renforcement au
travers d'une mutation interne. Ce mouvement deviendrait une force d'avenir s'il se
définissait avant tout comme anti-capitaliste et non contre « la mondialisation », terme
qui ne met en cause que certaines modalités du capitalisme. Les acteurs de ce mouvement seront
d'une façon ou d'une autre neutralisés ou recyclés par les gouvernants
social-démocrates, s'ils ne tournent pas le dos à l'utopie d'un capitalisme
éclairé. Le mouvement ne ferait que s'enliser si des illusions étaient entretenues
quant à la capacité de l'ONU ou du TPI à régler les injustices et à
assurer la paix. De même si ce mouvement entretenait l'illusion d'être une force de
proposition vers des gouvernants du G7 à qui il ne manquerait que « la volonté
politique » pour agir dans le bon sens ! L'actualité souligne brutalement que le
système capitaliste est globalement barbare, anti-humain et en aucune façon amendable. Des
forces de transformation ne peuvent se lever au sein du monde du travail et de la jeunesse qu'à
partir de ce constat.
Pour vivre dans un monde juste, sans terroristes d'aucune sorte, sans industriels et politiciens
irresponsables commettant des attentats contre la sécurité des être humains pour sauver
leurs profits et leurs avantages, il n'y a qu'un moyen : l'intervention consciente des masses
populaires, et avant tout du prolétariat, sur le terrain politique et social.
Le 13 octobre 2001
Samuel Holder
1. Nous renvoyons, pour des données
chiffrées et le descriptif des méthodes patronales, à l'article « Dictature
sur le prolétariat » de Rick Fantasia dans le numéro 138 de juin 2001 de la
revue « Actes de la recherche en sciences sociales » dirigée par Pierre Bourdieu
(éditions du Seuil).
2. Voir dans le même numéro 138 d'Actes de la recherche,
l'article intitulé « Une prospérité précaire, Sur les situations
financières critiques dans la classe moyenne » de Teresa A. Sullivan, Élisabeth Warren et
Jay Lawrence Westbrook. Sur la couverture médicale aux États-Unis, voir dans la livraison de
septembre de cette revue, n°139, l'article « L'« exceptionnel » système
de santé américain » de Paul Farmer et Barbara Rylko-Bauer.
3. Parmi d'autres prises de positions critiques, signalons le texte du
romancier Russell Banks publié dans Télérama n°2698 du 29 septembre 2001,
« Entre Ben Laden et Bush, des ressemblances inavouées ».
URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/en_question/2001-10-13-Humanite_en_otage.html
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