Espoir et désespoir sont intimement liés dans la situation du peuple
palestinien. Il y a le désespoir qu'après tant d'années de luttes dans tout le
Moyen Orient, au Liban, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les droits
élémentaires du peuple palestinien à avoir un pays, son propre Etat, l'accès
à l'eau potable, un revenu décent, la paix et la joie de vivre lui soient
éternellement refusés. Comme au peuple kurde et à d'autres sur cette planète.
Les dirigeants israéliens fort du soutien sans faille des Etats Unis refusent ces droits
élémentaires au peuple palestinien. Ils cherchent à souder toute la population juive
d'Israël derrière sa politique abjecte et à briser le soulèvement palestinien
au moyen de son armée suréquipée.
Mais les trahisons et les reculs en tout genre d'Arafat et de ses proches sont pour beaucoup dans le fait
que les Palestiniens n'ont pas pu réaliser leurs aspirations. On perd parfois de vue ici que sur
le maigre territoire qu'ils administrent, Arafat et sa bande ont instauré un régime
répressif et corrompu. Après sept ans de négociations en trompe l'il en vue de
« la paix », les colonies israéliennes d'extrême droite ont poussé comme
des champignons avec l'aide active de l'Etat israélien. Arafat ne peut plus reculer car il a
déjà cédé sur tout ce qui était possible. Son autorité tomberait en
chute libre s'il ne donnait pas l'illusion de chevaucher la révolte actuelle. Hamas ne veut
pas plus la liberté du peuple palestinien mais cherche à capter à son profit le
discrédit d'Arafat dans la population. Le projet de tous ces bourgeois nationalistes et
réactionnaires ne va pas loin : avoir leur Etat à eux, pour exploiter leur peuple à eux
et lui mettre des chaînes made in Palestine. Leur modèle ? La dictature syrienne pour les uns ou
la dictature iranienne pour les autres. Les jeunes et les pauvres de Palestine ne seront pas preneurs ; et
cela, d'autant plus qu'ils reprennent l'initiative, ce qui n'enchante pas leurs ennemis de
tous les côtés, et qu'ils ont la sympathie de tous les pauvres du monde arabe. C'est de
ce côté qu'il y a aujourd'hui un espoir en Palestine.
La jeune génération relève le défi sur le terrain. Elle en paie
le prix avec son sang mais elle a redonné espoir aux anciens et incité des Arabes
israéliens a manifesté leur soutien dans la rue. La répression de ces manifestations a
été sanglante. Le jusqu'au boutisme de Sharon et de Barak prépare un nouveau front
dans la guerre, à l'intérieur même d'Israël où vivent un million
d'Arabes. Toutes les données politiques et sociales internes à Israël vont s'en
trouver secouées et peut-être bouleversées. Des voix, certes très minoritaires,
s'élèvent en Israël. Tel écrivain, Yitzhak Laor, dénonce la capitulation
d'une grande partie de la gauche et réaffirme dans le journal Ha'aretz qu'Israël
« n'aura jamais la paix sans un retrait complet hors des Territoires occupés ». Un
journaliste, Yoram Meltzar, dénonce l'émergence « d'un Ku Klux Klan juif
organisant des chasses à l'Arabe. » L'historien, Zeev Sternhell, déplore
qu'il y ait « trop de haine de part et d'autre » mais réaffirme que les deux
peuples sont « condamnés à vivre ensemble ». Il se prononce contre l'emprise
des religieux sur l'Etat et contre le fait qu'Israël ait une constitution religieuse. Quel
écho trouveront de telles voix de même que celles des intellectuels palestiniens qui mettent en
cause aussi bien Arafat que le Hamas ? Personne ne peut le savoir. La seule certitude est que les
Palestiniens ne renonceront jamais à la lutte pour de vagues promesses et pour des arrangements
pourris, signés dans leur dos. Leurs sacrifices ne peuvent trouver qu'une seule issue positive qui
va bien au-delà du droit d'avoir son propre Etat sur un petit territoire ruiné,
surpeuplé, invivable.
L'union des travailleurs juifs et arabes est terriblement difficile à construire. Elle
apparaît plus éloignée que jamais. Mais c'est la seule voie vers la paix et la
prospérité pour tout le monde, la seule pour sortir les deux peuples des impasses sanglantes de
plus d'un demi siècle.
Il n'y a pas plus de « communauté des juifs » qu'il n'y a une
« communauté des Arabes », une « communauté des Bretons » ou une
« communauté des Français ». Ce sont de fausses distinctions qui brouillent les
différences fondamentales, sociales et politiques. Bien des journalistes ne se sont pas privés
d'employer l'expression : « communauté des juifs de France ». Cette expression,
même si elle est accompagnée de la condamnation des actes d'antisémitisme ce qui est
la moindre des choses, fait bien l'affaire de tous ces politiciens et rabbins réactionnaires qui
s'autoproclament « porte-parole de la communauté juive ». Comme si tous les juifs
étaient religieux et sionistes. Comme s'il n'y avait pas en France et dans d'autres pays,
y compris en Israël, des juifs athées, des juifs progressistes, des juifs révolutionnaires
et, indépendamment du fait qu'ils soient croyants ou pas, des juifs partisans de respecter tout ce
à quoi ont droit légitimement les Palestiniens.
Le 20 octobre 2001
Samuel Holder
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