Olympe de Gouges fut une féministe au temps de la Révolution française.
Cette monographie, composée de nombreuses citations d'Olympe, permet de mieux connaître
cette militante.
Le XVIIe siècle n'était certainement pas un siècle de progrès pour les
femmes. Sous Louis XIV, 10 % des femmes de provinces savaient signer de leur nom, et dans les villes les
« femmes savanes », d'origine aisée, n'étaient pas bien vues. Dans le salon
de Mme de Rambouillet, où se retrouvaient des femmes passionnées de sciences, elles
étaient soupçonnées d'être prétentieuses et frivoles, ce qui leur
valait le surnom de « précieuses ».
Au début du XVIIIe siècle les choses évoluèrent quelque peu. Jeanne
L'Héritier fut la première journaliste, et sous Louis XVI, plusieurs femmes se mirent
à afficher à la cour une apparence plus libre. Le phénomène ne touchait pas que
les femmes de la noblesse. Dans le nord, la liberté des femmes progressait aussi. Olympe, pour sa
part, habitait le sud du pays, mais jouissait d'une certaine liberté. Cela tenait à la fois
de sa richesse et de son contact avec le milieu des artistes (elle écrivit de nombreuses pièces
de théâtre, qu'elle fit jouer, quand la censure le permettait).
En 1783, Choderlos de Laclos appelait les femmes, dans son Éducation des femmes, à ne
compter que sur elles-mêmes. C'était aussi l'opinion d'Olympe de Gouges.
Dès avant la Révolution, Olympe se sentait aussi révoltée par la misère du
peuple. Politiquement elle montrait en revanche un certain conformisme. Par exemple, pour sauver les caisses
de l'État, grevées par les dettes, elle proposait un « impôt
volontaire » : c'était à chacun de donner à l'État ce
qu'il voulait...
Elle s'intéressait beaucoup à la presse, écrivait elle-même des articles, des
brochures, outil de propagande très populaire à l'époque (que l'on pense
à Sieyès). Elle écrivit aussi des pièces engagées, qu'elle ne
parvenait pas toujours à imposer aux comédiens, et qui à chaque fois la conduisait
à une bataille d'idées.
Cette militante d'une « audace inouïe » pour Sophie Mousset, ne se contenta pas
de remettre en question les statuts officiels de l'homme et de la femme. Elle écrivit une
série de textes politiques sur l'histoire des femmes et en faveur de la suppression de
l'esclavage.
Dans le domaine de la bataille, Olympe de Gouges ne manquait pas de sens de la répartie. Par exemple,
à un homme qui prétendait faussement l'avoir connue « intimement »,
elle rétorqua : « Je suis cette même Olympe de Gouges que vous n'avez jamais
connue, et que vous n'êtes pas fait pour connaître, profitez de la leçon que je vous
donne : on trouve communément des hommes de votre espèce, mais apprenez qu'il faut des
siècles pour faire des femmes comme moi. »
Comme on le voit, Olympe avait une grande estime d'elle-même, et l'auteur, Sophie Mousset,
n'hésite pas à souligner ce côté agaçant de sa personnalité.
Elle nous apprend aussi qu'Olympe soignait toujours beaucoup ses apparitions publiques et affectait une
certaine théâtralité.
La Révolution ne modifia pas ce trait de caractère. Elle lui permit plutôt de se faire
encore plus remarquer. L'Assemblée nationale adopta son projet, peu révolutionnaire
d'ailleurs, d'« impôt volontaire ». Mais surtout les événements
révolutionnaires stimulèrent Olympe, comme de nombreuses femmes d'ailleurs.
C'est ainsi qu'elle rédigea sa Déclaration des droits de la Femme et de la
Citoyenne (septembre 1791). Son article 1 était : « La Femme naît libre et
demeure égale à l'homme en droit. ». Dans le « Postambule », on
lisait aussi : « Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout
l'univers, reconnais tes droits. (...) L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu
besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est de venu injuste envers sa compagne.
Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? »
Un an après ce texte, en septembre 1792, la Révolution légalisait le divorce. Cette
nouvelle fut saluée par nombre de femmes. Parmi elles, la Veuve Ferrand la chanta. On peut
aujourd'hui trouver cette chanson, « l'Heureux décret », dans un CD
intitulé « La Révolution française : Chants et Chansons des rues et
salons », paru à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française.
Dans la Révolution, Olympe de Gouges défendait le point de vue des Girondins. C'est ainsi
par exemple qu'elle se prononça pour la république, mais contre la mort de Louis XVI. Plus
tard, elle se détacha de plus en plus nettement des chefs révolutionnaires radicaux,
n'hésitant pas à traiter Robespierre de « grossier et vil
conspirateur », entre autres. Elle manqua plusieurs fois de se faire agresser physiquement pour
ses prises de position. Elle fut finalement arrêtée, accusée d'avoir calomnié
les représentants du peuple, condamnée à mort et exécutée en novembre
1792. Au moment de monter sur l'échafaud, Olympe cria : « Enfants de la Patrie, vous
vengerez ma mort ! »
Au XIXe siècle, le nom et le combat d'Olympe furent marginalisés. Le Code Napoléon
instaura officiellement l'inégalité des sexes. Et la Restauration réhabilita
certains monastères et couvents.
Quant à la prospérité d'Olympe de Gouges au XXe siècle, Sophie Mousset note
que son nom est aujourd'hui quasiment oublié. Elle dit n'avoir trouvé que deux ou trois
pages consacrées à cette militante en Français sur internet, « plus chez les
Allemands et les Américains, plus féministes, mais pas toujours exacts. »
Ce petit livre est donc tout à fait le bienvenu.
Le 18 juin 2003
André Lepic
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