La leçon d'allemand

de Siegfried Lenz

Éditions 10/18 Domaine étranger (fév. 2001)
509 pages, traduit de l'allemand par Bernard Kreiss

En cours d'allemand, un jeune garçon est invité à rédiger une rédaction sur le thème « les joies du devoir ». L'adolescent, qui est le personnage central du livre, rend une copie vierge, ce qui lui vaut, bien sûr, une punition - il est déjà dans une maison de correction. Ce n'est pas, expliquera-t-il plus tard, qu'il n'a rien à dire à ce sujet c'est au contraire qu'il a trop à dire. Il lui faudra en effet les 500 et quelques pages du livre pour s'en expliquer.

Nous sommes en 1943. Cette date n'est pas choisie par hasard : c'est celle où S. Lenz a lui-même déserté de l'armée allemande. Le père du héros est policier, un policier particulièrement respectueux de l'ordre. Il s'agit alors de l'ordre nazi, mais il pourrait  bien s'agir d'un tout autre régime. La Prusse est proche, à tous points de vue. Géographiquement, on est à l'embouchure de l'Elbe, près de la mer du Nord, à la frontière danoise. Et plus encore dans la tête de ce policier, qui est un concentré d'ordre prussien.

Parmi ses attributions, Berlin lui a ordonné d'empêcher un peintre de peindre ! Il s'agit d'un peintre dit « dégénéré » qui habite la circonscription et qui fut, dans son enfance, condisciple du policier. Ce qui devrait diminuer son ardeur répressive ne fait que l'augmenter, tant il tient à montrer à tous, à ses supérieurs, comme à sa famille, à quel point l'obéissance est pour lui la valeur suprême, à laquelle toute autre considération doit se plier. Bien des crimes sanglants se sont parés - et continuent de se parer - de ce masque.

Le fils s'opposera à l'aveuglement imbécile et criminel de son père, passivement d'abord, puis activement. En prenant fait et cause pour le peintre traqué, l'adolescent se fera le défenseur d'un « devoir de désobéissance ».

C'est un livre admirable, tant par le thème que par le style. La forme et le fond se trouvent fondus avec une rare harmonie. La nature y bénéficie d'un traitement magnifique, on sent le vent de la mer du Nord emporter tout et courber le dos des hommes. On peut aussi, dans ce ciel pas souvent bleu, voir passer les vols de cigognes...

Il n'est donc pas étonnant que ce livre, publié en Allemagne en 1968, y ait été vendu à des millions d'exemplaires et valu à Siegfried Lenz une notoriété comparable à celle d'Heinrich Böll ou Günter Grass. Ce n'est pas le cas en France, malgré deux éditions en 1971 et 1996. Peut être cette récente édition de poche réparera-t-elle cette injustice ?

Le 12 décembre 2001

Maurice

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