Le Tableau Noir

Film de Samira Makhmalbaf

Un film dont l'action se déroule dans les montagnes du Kurdistan, non loin de la frontière entre l'Irak et L'Iran, et qui plus est, réalisé par une cinéaste iranienne de vingt ans... cela faisait déjà deux bonnes raisons d'aller au cinéma ! Eh bien, on n'est pas déçu. « Le Tableau Noir » n'est pas seulement un acte d'engagement aux côtés du peuple kurde, c'est du très beau cinéma. On a la gorge serrée souvent, mais on rit aussi beaucoup parce qu'il n'y a aucun misérabilisme chez Samira Makhmalbaf. Souvent caméra sur l'épaule, en suivant au plus près deux instituteurs dans leur errance peuplée de mésaventures tour à tour tragiques et comiques, elle nous livre l'image d'un peuple chassé, bombardé, mitraillé, gazé mais ne renonçant jamais.

Les deux instituteurs portent en permanence un tableau noir sur le dos : c'est le fardeau de ceux qui escaladent les montagnes à la recherche d'enfants qui voudraient bien apprendre à lire. Mais les enfants ne sont pas des enfants : ils ont le visage de ceux qui ont vieilli trop vite, en portant au péril de leur vie des marchandises de contrebande de l'autre côté de la frontière. En échange d'un bout de pain, l'instituteur réussira seulement à apprendre à l'un deux à lire son prénom... En fait le tableau noir va plutôt servir à se protéger des balles ou des gaz... ou à servir de paravent pour qu'un des deux instituteurs puisse consommer à la va-vite son mariage, qui a été négocié en cinq minutes à flanc de montagne... par le père de la mariée ! Cette femme n'apprendra pas à lire « je t'aime » sur le tableau noir... : l'homme peut posséder son corps mais pas son cœur. Seule femme du film, elle est de ces personnages qu'on oublie pas.

Les deux instituteurs sont pathétiques, presque ridicules, dans leur acharnement à vouloir enseigner les tables de multiplication ou les lettres de l'alphabet. C'est parce que là où il vivent, la vie des enfants, des hommes et des femmes peut s'achever si vite, au détour d'un chemin, qu'il semble vain d'apprendre. D'ailleurs, les instituteurs ne sont-ils pas ceux qui ont le plus faim ? Mais rien ne dit à la fin que nos deux instituteurs vont renoncer.

Le 18 octobre 2000

MH

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