Au feu !

Film franco-bosniaque de Pjer Zalica

2003, 105 minutes
Avec Enis Beslagic, Admir Glamocak, Bogdan Diklic, Sanad Basic

Les guerres qui ne font pas la une de l'actualité médiatisée ont tendance à être oubliées. C'est encore plus flagrant en ce qui concerne les après guerres qui n'ont rien de spectaculaire. Le privilège précieux des créateurs est de ne pas se conformer à cet oubli et à cette indifférence. Ce film nous conduit dans une bourgade de Bosnie-Herzégovine, Tesanj, deux ans après l'arrêt officiel de la guerre entre les armées serbes et bosniaques.

Dans les esprits, la guerre se poursuit. Une mine peut encore tuer quelqu'un qui croyait à la paix et à la réconciliation sur sa terre natale. Un père s'obstine de façon pathétique à dialoguer avec son fils disparu. La paix instaurée par les autorités et les armées occidentales d'occupation est une fausse paix, où la haine, l'amertume et le cynisme affleurent aisément dans la vie quotidienne. Mais aussi des gestes timides d'ouverture, de générosité, pour tourner la page de la barbarie, autant que faire se peut.

À l'annonce que le président américain Bill Clinton va effectuer une visite dans cette ville, les autorités locales s'emballent et s'affolent. Les corrompus qui exercent le pouvoir comme maire ou comme chef de la police peuvent en espérer des retombées lucratives et un brevet d'honorabilité facilitant la poursuite de leurs trafics. À condition que les apparences d'une vie locale honnête, pacifique et démocratique soient exhibées devant les représentants des États-Unis qui préparent méticuleusement sur place la venue de Clinton. Il faut leur jouer la comédie d'une vie « normale » dans l'entente retrouvée entre tous les habitants.

Il y a beaucoup de dossiers à détruire et de choses à cacher pour faire bonne figure, comme les trafics de contrebande, l'exploitation de travailleurs importés d'Orient ou d'Asie, l'exploitation de femmes contraintes à se prostituer parce qu'on leur a volé leurs passeports. On a là dans cette petite ville bosniaque un bon échantillon de la pourriture de la mondialisation capitaliste.

En contre-champ, il y a aussi des gens comme ces pompiers serbes et bosniaques qui finissent par se tendre la main, se parler et prendre un verre ensemble. L'un d'eux constate au passage que certaines puissances occidentales y sont pour beaucoup dans la tragédie qui a plongé dans l'horreur les peuples de l'ex-Yougoslavie. L'entente est difficile mais elle est possible entre ces hommes qui ont un travail utile à accomplir mais qui ont été terriblement manipulés.

Ce film réussit remarquablement à mêler instants tragiques, émotions délicates et scènes désopilantes à l'humour ravageur.

Le 17 mai 2004

Samuel Holder

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