Autobiographie d'un lecteur

de Pierre Dumayet

Éditions Pauvert
223 pages

Pierre Dumayet n'aime pas le pouvoir et les hommes de pouvoir. C'est déjà une bonne raison pour lire ce livre. Ce point étant établi, nous pouvons nous plonger dans ses rencontres, ses souvenirs d'homme de télévision (“ Cinq colonnes à la une ”, “ lectures pour tous ”, etc) et ses souvenirs de lecteur acharné et malicieux de textes littéraires. Tout cela fait bon ménage avec quelques calembours de haute volée qui se sont fichés dans sa mémoire. Disons même que tout cela fait bon manège pour faire allusion à l'émission qu'il consacra au roman de Raymond Queneau “ Pierrot mon ami ” où il est question de fête foraine.

Pierre Dumayet mesure au plus court la longueur de ses phrases. Exemple : “ Je garde un bon souvenir de Mai 68. Presque tout le monde avait le même âge. Presque tout le monde avait raison. Finalement, tout le monde a eu tort. Les arbitres nous ont sanctionnés : nous étions hors jeu. Définitivement : le ballon était perdu. Pour avoir joué avec le ballon, je fus puni : privé d'antenne pendant un an. Interdit d'antenne, plus exactement. ” Pas d'amertume ni de nostalgie, ce serait trop bête.

Le lecteur Dumayet va au texte, retourne au texte, le compare à un autre et débusque des réalités insoupçonnées derrière les mots. C'est une enquête sans fin qui passe par des personnes vivantes de diverses conditions sociales qui découvrent un livre, des auteurs (vivants ou morts peu importe) et des personnages de romans qui ne finiront jamais de vivre. Cette enquête suppose une grande exigence. Il écrit page 74 : “ Décidément, il ne m'est pas facile d'être d'accord avec ce que j'écris ”.

En fait il n'existe pas de lecture fautive ou neutre d'écrivains comme Flaubert, Kafka ou Proust. Leurs œuvres portent en elles une infinité de significations. C'est l'avis de Dumayet. Nous le partageons.

Chemin faisant il nous donne envie de découvrir des auteurs peu connus ou pas assez connus comme Amos Tutuola ou Martin Buber, des poètes comme Dotremont, Tardieu ou Follain. Mais il n'insiste pas. Il sait bien que personne ne veut recevoir de conseils en cette matière comme dans bien d'autres : “ Tu devrais lire ceci, tu devrais voir cela… ”

En reposant ce livre, nous découvrons sur l'étiquette indiquant le prix et le code barre, cette mention étrange : roman francophone. Bien, comme dirait Dumayet avec un sourire intérieur, avant de passer à autre chose.

Le 3 novembre 2000

Samuel Holder

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