Pierre Dumayet n'aime pas le pouvoir et les hommes de pouvoir.
C'est déjà une bonne raison pour lire ce livre. Ce point étant
établi, nous pouvons nous plonger dans ses rencontres, ses souvenirs d'homme
de télévision ( Cinq colonnes à la une , lectures
pour tous , etc) et ses souvenirs de lecteur acharné et malicieux de textes
littéraires. Tout cela fait bon ménage avec quelques calembours de haute
volée qui se sont fichés dans sa mémoire. Disons même que tout
cela fait bon manège pour faire allusion à l'émission qu'il
consacra au roman de Raymond Queneau Pierrot mon ami où il est
question de fête foraine.
Pierre Dumayet mesure au plus court la longueur de ses phrases. Exemple : Je garde
un bon souvenir de Mai 68. Presque tout le monde avait le même âge. Presque
tout le monde avait raison. Finalement, tout le monde a eu tort. Les arbitres nous ont
sanctionnés : nous étions hors jeu. Définitivement : le ballon
était perdu. Pour avoir joué avec le ballon, je fus puni : privé
d'antenne pendant un an. Interdit d'antenne, plus exactement. Pas
d'amertume ni de nostalgie, ce serait trop bête.
Le lecteur Dumayet va au texte, retourne au texte, le compare à un autre et
débusque des réalités insoupçonnées derrière
les mots. C'est une enquête sans fin qui passe par des personnes vivantes de
diverses conditions sociales qui découvrent un livre, des auteurs (vivants ou
morts peu importe) et des personnages de romans qui ne finiront jamais de vivre. Cette
enquête suppose une grande exigence. Il écrit page 74 :
Décidément, il ne m'est pas facile d'être d'accord
avec ce que j'écris .
En fait il n'existe pas de lecture fautive ou neutre d'écrivains comme
Flaubert, Kafka ou Proust. Leurs uvres portent en elles une infinité de
significations. C'est l'avis de Dumayet. Nous le partageons.
Chemin faisant il nous donne envie de découvrir des auteurs peu connus ou pas
assez connus comme Amos Tutuola ou Martin Buber, des poètes comme Dotremont,
Tardieu ou Follain. Mais il n'insiste pas. Il sait bien que personne ne veut recevoir
de conseils en cette matière comme dans bien d'autres : Tu devrais lire
ceci, tu devrais voir cela
En reposant ce livre, nous découvrons sur l'étiquette indiquant le prix
et le code barre, cette mention étrange : roman francophone. Bien, comme dirait
Dumayet avec un sourire intérieur, avant de passer à autre chose.
Le 3 novembre 2000
Samuel Holder