Le Ventre de l'architecte

de Peter Greenaway

avec Brian Dennehy, Lambert Wilson et Chloé Webb
118 minutes, The Belly of an architect, il Ventre dell'architetto – Grande-Bretagne/Italie, 1987


[Un de nos lecteurs nous a transmis son point de vue sur ce film qui repasse assez régulièrement dans une des salles du Quartier Latin à Paris]

Le Ventre de l'Architecte n'est certainement pas le film le plus populaire de Peter Greenaway. Et pourtant, c'est celui qui m'a conquis dès les premières images. Et surtout celui qui, d'emblée, m'a fait aimer ce réalisateur hors du commun et m'a poussé à découvrir ses autres oeuvres.

Peut-être ai-je, en fait, été séduit avant tout par l'esthétique des prises de vues, étant moi-même photographe. Et en particulier par la rigueur et la symétrie du cadrage. Une rigueur qui se comprend aisément lorsqu'on considère le thème principal du Ventre de l'Architecte : l'architecture, évidemment ; mais plus précisément le travail d'un architecte visionnaire, Etienne-Louis Boullée. J'y reviens plus loin...

Synopsis

Le scénario se résume, finalement en quelques mots :

Un architecte américain, Stourley Kracklite (Brian Dennehy), se voit confier la réalisation d'une ambitieuse exposition à Rome sur l'architecte français Etienne-Louis Boullée. Mais son obsession pour son ventre et la relation que sa femme (Chloe Webb) entretient avec un jeune amant Caspasian Speckler (Lambert Wilson) vont progressivement le hanter jusqu'à l'inauguration de l'exposition...

Mise en garde

Deux éléments peuvent déstabiliser le spectateur qui visionne pour la première fois Le Ventre de l'Architecte :

D'une part, la musique.

Composée principalement par Wim Mertens - les « additional musics » étant l'oeuvre de Glenn BRANCA.

Elle est omniprésente dans le film – comme d'ailleurs dans toutes les oeuvres de P. Greenaway – voire entêtante diront certains. Et ceci dès les toutes premières images de Rome.

Autant j'ai été immédiatement séduit par la bande originale, autant nombre de mes amis ont été déroutés par l'anachronisme qui existe entre la musique « contemporaine » de Wim Mertens et le cadre antique des vues de Rome.

The Belly of an Architect, Wim Mertens (1987) – SONY Delabel

D'autre part, les références visuelles.

Loin de moi la prétention de me livrer ici à une démonstration complexe sur les intentions de l'auteur, mais il me paraît tout de même intéressant de vous indiquer une clé de lecture. Du moins un angle qui permet d'appréhender plus facilement Le Ventre de l'Architecte.

On ne peut saisir la complexité du scénario et le travail minutieux de cadrage effectué par P. Greenaway que si l'on a la curiosité de découvrir qui était Etienne-Louis Boullée.

J'ai moi-même cherché à en savoir plus. Et j'ai trouvé un ouvrage assez abordable pour le commun des mortels, pour qui n'est pas nécessairement féru en architecture.

Boullée, Philippe Madec – Éditions F. Hazan (FH), 1989, ISBN : 2 85025 203 4

Les prises de vues

Tout le travail esthétique de P. Greenaway est basé sur la vision d'Etienne-Louis Boullée, architecte du XVIIIème siècle, auteur en particulier du salon de l'Hôtel d'Evreux, aujourd'hui Palais de l'Elysée.

E-L Boullée est ce que l'on a coutume d'appeler un « architecte visionnaire » : il dessine beaucoup, conçoit de nombreux projets, mais ne construit pour ainsi dire pas. Peut-être en raison, tout simplement de la trop grande ambition de ses projets (voir le fameux cénotaphe à Newton, ou encore son Grand Théâtre).

Toujours est-il que, dès le début, Boullée est obsédé par la rigueur, poussant l'épuration des lignes et la symétrie à leur paroxysme. Certains diront même que l'architecture soviétique s'est inspirée de l'austérité des travaux de Boullée.

Le Ventre de l'Architecte est construit sur ce modèle « boulléen », empreint à la fois de rigueur et de mégalomanie, donnant lieu aux pires rivalités et luttes d'influence.

À voir absolument. Et par pitié, regardez-le jusqu'au bout !

Biographie & filmographie

Peter Greenaway (Newport, 1942) – Cinéaste britannique

P. Greenaway étudie les Beaux Arts avant de se consacrer au cinéma. D'abord en tant que producteur, puis dès 1966 en tant que réalisateur. Il présente alors plusieurs courts-métrages dans de nombreux festivals internationaux. Jusqu'à la consécration, en 1982, avec son premier long-métrage : le fameux Meurtre dans un jardin anglais (The draughtman's contract). Au Ventre de l'Architecte (1987) succéderont les excellents

Drowning by numbers (1988), film réalisé en 100 plans, dans lequel les scènes sont systématiquement numérotées ; Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989)  ; Prospero's Books (1991) d'après La Tempête de Shakespeare; The Baby of Mâcon (1993) et The Pillow Book (1995).

Quelques références

Boullée, Philippe Madec – Éditions F. Hazan (FH), 1989, ISBN : 2 85025 203 4
Jean-Marie Perouse de Montclos (Relié, 287 pages) – Flammarion, 2002
Une exposition virtuelle de la Bibliothèque Nationale : http://expositions.bnf.fr/boullee/

F.C.

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