Habemus Papam

Film de Nanni Moretti

Italie, 2011, 102 minutes
IMDB : http://www.imdb.com/title/tt1456472/


Partager

Les critiques ont été quasi unanimes pour saluer le dernier film de Nanni Moretti et la performance de Michel Piccoli. Nous ne pouvons que les suivre. Voilà en effet un film « intelligent », drôle souvent, émouvant aussi, d'une très grande finesse dans sa satire sociale, égratignant tour à tour le monde du pouvoir, ici le pouvoir religieux, le monde de la psychanalyse, celui des médias et la religion dans ce qu'elle a de borné… C'est un film profondément humain qui n'oppose pas des « méchants » à des « gentils » et qui montre somme toute plus d'aspects positifs dans les relations sociales que d'aspects négatifs : le cardinal Melville bénéficie à plusieurs reprises de petits gestes d'aide bienveillante de la part de ceux qui l'entourent et de ceux qu'il rencontre.

Michel Piccoli nous touche profondément, il a le regard doux et perdu de celui qui est dépassé par les évènements, le sourire bienveillant et un peu triste de celui qui ne veut faire de mal à personne mais qui voudrait juste qu'on le laisse tranquille. Quel acteur extraordinaire !

Mais au-delà des situations cocasses engendrées par la situation et qui nous font rire, il y a autre chose qui explique qu'on se sent si bien avec cet « anti-pape » : il a fait dérailler la machine, il a fait ce que nous sommes nombreux à avoir eu envie de faire un jour : dire non, ne plus obéir aux règles stupides venues d'en haut, partir pour se libérer. Tout commence par un cri, un cri insolite chez ce vieux monsieur si doux mais qui sonne comme le signal d'une résistance. Et cela nous rassure. On peut donc s'échapper ! Même du Vatican, de cette communauté fermée et toute puissante et de son rituel archaïque et pesant. Tant pis si ce n'est que de la fiction, on y croit et on s'amuse à voir notre « pape qui ne voulait pas l'être » échapper comme un gamin à ses surveillants. On s'amuse de voir l'expert de la télé s'effondrer en bredouillant et avouer qu'il n'y comprend rien. Parce que nous, quelque part, nous comprenons. Nous comprenons l'attrait du cardinal Melville pour le théâtre, non celui dont il vient de s'enfuir, celui du conclave du Vatican où les rêves sont interdits, mais celui de Tchekhov où les rêves sont permis. Et à notre plus grande joie, il tient bon, il refuse de devenir le guide suprême des croyants, avouant modestement que c'est lui qui a plutôt besoin d'être guidé, non pas parce qu'il est ébranlé dans sa foi mais parce qu'il est en plein désarroi.

Nanni Moretti ne cherche pas à nous assommer de lourds messages politiques. Mais pour nous qui vivons dans une époque où les « guides suprêmes » sont omniprésents, qu'ils soient experts en religion ou en économie, pour nous dire ce qu'il convient de croire et nous imposer leur vision du monde, comme ce pape rebelle qui a ses propres doutes et ne veut pas penser à notre place nous fait plaisir. Mettre sans dessus dessous la belle machinerie huilée du pouvoir, voir la mine déconfite de ceux qui ne se remettent jamais en cause, quel beau cadeau pour cette rentrée !

Le 10 septembre 2011

Nadine Floury

Retour 1 < O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/critiques/Nanni_Moretti-Habemus_Papam.html

Retour Page d'accueil Nous écrire Haut de page