Le film relate l'histoire vraie et relativement récente de
l'enlèvement et de la décapitation en janvier 2002 du journaliste américain Daniel
Pearl au Pakistan. On se souvient des images de son exécution qui ont été
filmées et diffusées sur Internet. BHL, à la recherche du Mal qui ronge notre monde, en
a fait un livre...
Daniel Pearl était correspondant au Wall Street Journal et chef du bureau pour l'Asie du Sud. Il
enquêtait sur le réseau terroriste responsable de l'attentat manqué sur le vol
Paris-Miami (nous sommes aux lendemains du 11 septembre). Il a été enlevé par un groupe
djihadiste, le mouvement national pour la restauration de la souveraineté pakistanaise, qui
revendiquait la libération des détenus pakistanais à Guantanamo bay et qui
l'accusait d'appartenir au Mossad (il était de famille juive).
« Reporters sans frontières » a dénoncé, à juste titre, à
propos de cette affaire les atteintes portées à la liberté d'informer et
« la folie qui consiste à faire du journaliste le bouc émissaire de son
gouvernement ». Plusieurs de ses confrères ont présenté Daniel Pearl comme un
excellent journaliste, attaché à défendre les libertés de penser et de publier,
ce dont nous n'avons aucune raison de douter... mais que le film ne montre pas.
Michael Winterbottom, le metteur en scène, n'est pas connu comme un cinéaste à la
solde d'Hollywood, au contraire on lui doit plusieurs documentaires dénonçant la politique
américaine au Pakistan et en Afghanistan. Pour la réalisation de ce film il s'est
basé sur le livre écrit par Marianne Pearl, l'épouse de Daniel, une
française, journaliste elle-aussi. C'est la Warner Bros qui a racheté les droits sur ce
livre et ceci explique peut-être cela ...
« Le Monde » a titré à propos de ce film « la star au service d'une
cause » (Angelina Jolie, la compagne de Brad Pitt, un des producteurs du film). Mais la cause est loin
d'apparaître clairement. En prenant le parti de faire du film une sorte de thriller, avec suspense,
rebondissements, entrecoupés de scènes violentes ou intimistes, on brouille les pistes. On voit
s'agiter les policiers et hommes politiques pakistanais et américains, le FBI est là aussi,
mais à peine sont-ils égratignés, ils apparaissent de toute façon comme du
« bon côté » alors qu'on n'ignore pas dans quelles eaux troubles ils nagent
les uns et les autres . Quelques images des bidonvilles de Karachi, de Guantanamo... c'est tout pour
évoquer les causes possibles du terrorisme. Même vision simplifiée du milieu
journalistique : les bons, sensibles honnêtes et consciencieux (Daniel et Marianne Pearl et leur copine
indienne), les « mauvais », ceux qui s'agglutinent pour faire un spectacle de la douleur de
Marianne et qui regrettent qu'elle ne pleure pas à l'antenne.
Un film donc à voir, non seulement pour l'émotion qui se dégage du combat de la
jeune femme pour retrouver son compagnon, mais parce qu'il nous interpelle aussi sur le contrôle
américain des images. On se dit quelque part que Daniel Pearl méritait mieux...
Septembre 2007
Nadine Floury
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