Le puits

de Liu Qingbang

Roman traduit du chinois par Marianne Lepolard
Éditions Bleu de Chine (septembre 2003)
152 pages, ISBN : 2910884783

Ce roman paru en Chine en 2001 a été adapté au cinéma par Li Yang sous le titre de Blind Shaft

Ce roman chinois se situe dans un contexte particulier, celui d’une accumulation du capital en ce début de 21e siècle s’opérant à un rythme démentiel. Ce processus est sanglant. Il provoque une décomposition rapide des rapports sociaux. La Chine actuelle est une aubaine pour les trusts occidentaux qui viennent vampiriser une bonne partie de la plus-value extorquée aux travailleurs chinois. Le mouvement de captation des richesses produites par leur travail se déclenche en amont, dans les provinces où des millions de paysans tenaillés par la misère « tentent leur chance », loin de chez eux. Certains deviennent mineurs.

Comme les journaux occidentaux le signalent parfois, les accidents mortels sont nombreux dans les mines de charbon en Chine. Les mineurs chinois revivent aujourd’hui le cauchemar qui fut celui de leurs collègues occidentaux tout au long du 19e siècle et du 20e siècle. A côté de grandes houillères où un coup de grisou ou un effondrement peut tout à coup faire des dizaines voire des centaines de victimes, la Chine compte aussi une myriade de petites exploitations privées où les conditions de travail sont encore plus abominables.

Dans les interstices du dispositif d’exploitation, quelques individus se glissent pour ramasser à leur façon une petite part du gâteau. Tang Zhaoyang et Son Jinming sont deux compères qui ont mis au point une sinistre combine. Dans le flot des paysans qui débarquent d’un train, ils repèrent une Cible, un paysan naïf et sans relations dont ils vont gagner la confiance et qu’ils vont aider à trouver du travail avec eux, dans une mine bien isolée. Après s’être fait bien voir du propriétaire de la mine en étant « réglos », chaleureux et productifs, ils tuent la Cible au fond du puits où ils travaillent et maquillent leur assassinat en accident. Il ne leur reste plus qu’à exercer leur chantage sur le propriétaire qui est très motivé pour étouffer l’affaire. Ce dernier redoute d’attirer l’attention des autorités et des journalistes. Les deux complices qui se sont fait passer pour des membres de la famille de leur victime n’ont plus qu’à empocher une grosse prime, le prix de leur silence. Ils tentent ensuite la même opération dans une autre région.

Cette histoire est d’un réalisme particulièrement sordide. Elle est menée sans ménagement. L’auteur fait ressortir sans aucun effet littéraire la brutalité et le cynisme de gens formant le menu fretin d’un système d’exploitation qui génère inévitablement des comportements inhumains. Il montre aussi le désarroi et les sentiments touchants de ces jeunes paysans qui ont du abandonner leur famille pour aller travailler et mourir dans une mine.

Le 22 février 2005

Samuel Holder

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