Poetry

Film de Lee Chang-dong

Corée du sud, 2010, 139 minutes
avec Yoon Jung-hee

Ce film qui a obtenu le prix du scénario au dernier festival de Cannes, s'ouvre par une image terrible : c'est à côté du cadavre d'une toute jeune fille dérivant sur les eaux noires d'une rivière que s'inscrit le titre du film. Où est la poésie dans un monde si dur et mortifère ? C'est la quête de cette mamie de 66 ans, au visage si lisse, au sourire si lumineux, toujours si pimpante avec ses chemisiers à fleurs et ses petits chapeaux blancs. Mais parfois une bourrasque de vent fait s'envoler le chapeau blanc et des trombes d'eau transforment ce bout de femme en une petite chose repliée sur elle-même et ravagée par les larmes du désespoir.

Mija s'affole de ne pas trouver le secret de l'inspiration pour écrire le poème demandé par le professeur de poésie. Car elle vient juste de s'inscrire à un cours de poésie, se rappelant qu'une de ses maîtresses lui avait dit, il y a très longtemps, qu'elle serait poète un jour. Alors elle essaie de trouver l'inspiration dans tout ce qu'il y a de beau dans le monde qui l'entoure : le chant des oiseaux, la couleur des fleurs, le goût des abricots mûrs tombés à terre. Mais la porte reste close car ses yeux qui paraissent si doux et innocents voient aussi tout ce qu'il y a de laid et de désespérant dans ce même monde. Ils voient la maladie qui va lui grignoter sa mémoire pour finir par l'exclure du monde à tout jamais ; son petit-fils qu'elle a tendrement élevé et qui est en passe de devenir, pas seulement un adolescent ingrat ce qui serait banal, mais un être humain odieux, fermé, sans sentiments, sans remords, ayant participé avec sa bande de copains au viol, pendant plusieurs semaines, d'une de leurs camarades de lycée, laquelle vient de se suicider en se jetant d'un pont. Mija voit les pères des copains, tout en politesse et sourires, ne montrant aucune compassion face au drame vécu par la jeune victime de leurs rejetons et qui ne songent qu'à acheter le silence de la mère et donner un prix à la morte. Elle est confrontée au vieil hémiplégique dégoûtant dont elle vient s'occuper tous les jours et qui espère l'utiliser pour prouver, une dernière fois, sa virilité.

Mija tient bon tant qu'elle peut et résiste à sa manière douce et discrète, mais elle résiste à ce monde devenu trop laid, hantée par l'image de la jeune morte et l'inspiration tant attendue lui vient enfin lorsque, abandonnant son petit-fils à son triste sort, elle fait le choix d'aller la retrouver et de confondre sa voix avec la sienne.

Le 26 août 2010

Nadine Floury

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