Go By Go

de Jon A. Jackson

Éditions Gallimard Série Noire (mai 2001, traduit de l'américain)
Roman, 346 pages

Ce roman noir comprend quelques ingrédients classiques : un suspense intense, du whisky qui coule à gogo, des flics privés, une jeune femme rousse très séduisante, etc. Mais cette histoire n'est pas classique. La dédicace déjà est originale : Aux travailleurs du monde.

L'action embraye brièvement en 1951 au moment où le maccarthysme et la guerre de Corée battent leur plein. Mais ensuite l'essentiel de ce roman se situe au cours de l'été 1917 à Butte, la cité des mines de cuivre dans le Montana.

1917 maintenant ! Ce Jon A. Jackson a décidément l'intention de décoiffer à outrance tous ceux qui ne veulent plus entendre parler ni de 1917 ni des travailleurs (« circulez, y a plus que des citoyens ! »). Non, l'auteur ne manque pas d'audace et son histoire est vraie, une fiction rondement menée et basée sur des faits authentiques. Examinons un peu le contexte avant de laisser chacun découvrir l'intrigue.

Le mouvement des I.W.W. (Industrial Workers of the World) a été créé en 1905 aux États-Unis. Ses militants, communément surnommés les wobblies, étaient des syndicalistes révolutionnaires prêts à organiser tous les travailleurs quel que soit leur métier, leur origine ou la couleur de leur peau. Certains écrivaient des chansons, comme Joe Hill, assassiné « légalement » en 1915.

Dans « Où va le peuple américain ? » (Julliard 1950), Daniel Guérin écrit page 134 : « En 1917, les I.W.W. atteignirent leur apogée, au moins quant au nombre des adhérents. En un an, ils étaient passés de 40 000 à 100 000. Mais l'entrée en guerre des États-Unis déchaîna contre eux une féroce répression. Toutes les forces conjointes du capitalisme, des pouvoirs publics, des anciens combattants utilisés comme milices fascistes, furent employées à les écraser. »

Parmi les saboteurs et briseurs de grève se trouvait la fameuse agence de détectives Pinkerton. Les wobblies formaient des équipes volantes toujours prêtes à aller sur place aider des travailleurs à s'organiser, à faire grève et à emporter le morceau face aux gros bonnets de l'industrie. Inévitablement des « Pinks » étaient envoyés pour les infiltrer, les espionner et préparer des traquenards contre ces militants.

Cette histoire commence donc chronologiquement en juillet 1917 après l'entrée en guerre en Europe des États-Unis et avec l'arrivée dans le Montana du jeune Goodwin Ryder, agent Pinkerton sans expérience. Sa mission de briseur de grève consiste à tisser des liens amicaux avec le leader de la grève des mineurs, Franck Little. Ce militant sympathique a perdu un œil et s'est fait durement amocher au cours de plusieurs luttes. Mais son endurance et ses convictions ne sont pas entamées d'une miette. Et c'est un orateur hors pair qui part du base-ball pour en arriver à la Révolution. Les mineurs ne comprennent pas très bien pourquoi il en a plein la vue des Russes mais pour le reste, ils ont une confiance totale dans « ce type bien ». Pas facile de trahir un homme comme ça sans prendre des risques pour soi-même.

Le 3 novembre 2001

Samuel Holder

Précisons que Franck Little, en partie d'origine indienne Cherokee, a réellement existé. Il avait l'habitude de dire à ses camarades pour plaisanter qu'il était le seul « vrai Américain » des I.W.W.

Quant à Goodwin Ryder, il n'est pas sans ressembler à un certain Dashiell Hammett, devenu à partir de 1929 le fameux auteur de romans noirs dénonçant la corruption de la société américaine (La Moisson rouge, La Clé de verre, Le Faucon maltais, etc.).

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