Comme toute une tendance du roman policier actuel, ce livre est avant
tout un document social. L'action se situe dans une ville anglaise industrielle,
Nottingham, au cours des années Thatcher, celles où des attaques patronales
et gouvernementales particulièrement brutales ont frappé de plein fouet les
classes populaires. Depuis elles se sont poursuivies mais c'est une autre
histoire.
Ce qui est appréciable dans ce récit qui se déroule comme un blues
inexorable, sans fioritures, c'est la qualité des notations psychologiques sur
les personnages. La réalité sociale est suffisamment terrifiante en
elle-même pour que l'auteur n'ait pas eu envie, à juste titre,
d'en rajouter par des procédés artificiels donnant de grands frissons
au lecteur.
Ceci étant l'intrigue est bien construite et tient en haleine.
L'inspecteur principal Resnick et ses collègues hommes et femmes sont à
la recherche d'un dangereux psychopathe. Ils utilisent toute la panoplie des
méthodes classiques de la police et ils ne brillent pas spécialement par
leur astuce comme dans les polars du temps jadis. Le mythe du flic justicier, fort,
intelligent et généreux a pris beaucoup de plomb dans l'aile. Resnick
n'est pas antipathique, sans plus.
Presqu'autant que les salariés des services sociaux, les policiers se prennent
en pleine figure toutes les plaies sordides créés par le chômage, la
misère, le désarroi général dans les relations humaines et en
particulier entre les hommes et les femmes. Cyniques, blasés ou
compréhensifs, tous pataugent et tout le monde se retrouve perdant quelque part.
Mais certaines personnes, comme le jeune chômeur Gary, sa femme Michelle et leurs
deux enfants, font partie de ceux à qui cette société assigne le
rôle de perdants, définitivement et sur toute la ligne. Sur ce point John
Harvey ne laisse personne se faire des illusions.
Le 14 septembre 2000
Samuel Holder