Si vous aimez les contes animaliers, si vous êtes un enfant entre 5 et 105 ans, pas
besoin de prétexte pour aller voir « les deux frères » : une mamie à sortir
ou un petit neveu que vous accompagnez « pour lui faire plaisir ». Du plaisir, vous en
ressentirez à suivre le parcours haletant de deux petits tigres qui deviennent grands, pris entre les
griffes des humains. L'action se situe dans l'Indochine colonisée par la France, pendant
l'entre-deux-guerres. Entre les paysans qui craignent la présence des fauves, les vrais ou faux
chasseurs en mal de trophées, les directeurs de cirque, tous ceux qui ont intérêt
à exploiter les richesses de la jungle pour des intérêts directement monnayables, les
êtres humains en général ne sont pas présentés à leur avantage. Ce
sont nos deux tigres qui en convertiront certains à la cause animale et leur redonneront leur part
d'humanité. Dans ce monde en blanc, noir et gris, ce monde avec ses bons, ses méchants et
ses demis bons-méchants, la loi de la jungle est du côté de ceux qui exploitent, que ce
soit les richesses culturelles ou naturelles, ici admirablement filmées. La vie de nos deux tigres
n'est donc pas un long fleuve tranquille et jusqu'au bout, on suit ses méandres, souvent
tristes, parfois drôles. Quant à la fin...
Fréquenterez-vous encore des zoos ou des cirques avec des représentations de grands
mammifères après avoir vu ce film ? A vous de savoir. Même s'il est bon de savoir que
ce film qui est une ode à la vie sauvage n'a pu être réalisé qu'avec la
« participation » de 19 tigres, domestiqués.
Le 17 avril 2004
Laurent
Je viens de lire avec intérêt l'article de notre ami Laurent et force est
de constater que je ne partage malheureusement pas du tout son avis sur le dernier long-métrage de
Jean-Jacques Annaud...
Malheureusement, dis-je, car en allant le voir, j'étais prêt à quelques concessions
pour passer un moment de détente. Et malheureusement car, ne me faisant malgré tout que peu
d'illusion, j'espérais en mon for intérieur que le réalisateur de
« L'ours » réussirait une nouvelle fois à nous faire partager son rêve
animalier.
Or, il semble que Jean-Jacques Annaud se soit complu, cette fois, dans la facilité.
Certes, il n'était pas question de s'attendre à une profondeur de
pensée abyssale dans un tel film. Et telle n'était certainement pas l'intention de
l'auteur. Néanmoins, un scénario un tantinet moins simpliste n'aurait rien
gâché pour autant. Il semble qu'en voulant s'adresser au plus grand nombre, le
réalisateur ait galvaudé son talent. A l'instar de certains long-métrages des
studios Walt Disney, « Les Deux Frères » a une fâcheuse tendance à oublier
les différents niveaux de lecture que le 7ème Art se doit, dans la mesure du
possible, d'offrir au spectateur. Le meilleur exemple restant, encore aujourd'hui,
l'incommensurable dessin animé « Le Roi et l'Oiseau » de Paul Grimault et Jacques
Prévert, inspiré du conte d'Andersen « La Bergère et le Ramoneur ».
De ce point de vue, Jean-Jacques Annaud semble oublier qu'au-delà de l'image, le message a son
importance. A l'heure de la télévision et du DVD, l'esprit critique d'un enfant se
forge aussi à travers le cinéma.
Mais lorsque l'histoire fait défaut, l'esthétique d'un film peut
–parfois bien que rarement- suffire à lui rendre son intérêt. Las, ce ne fut pas le
cas ! Ici, tout n'est que banalité. Le cadrage fait défaut et la plupart du temps le sujet
principal –que ce soient les tigres ou bien les monuments- se trouve parfaitement centré,
« en plein dans la pastille », comme disent les photographes. Quant aux éclairages, ils ne
brillent pas par leur originalité.
Bref, Jean-Jacques Annaud semble avoir omis un détail : entre « L'Ours » et
« Les Deux Frères », des réalisateurs parmi les plus talentueux nous ont
habitué à des productions de bien meilleure facture : je veux parler en particulier de
« Microcosmos » qui, bien qu'exempt de tout scénario, était une pure merveille
du point de vue des images et du traitement de la lumière.
Alors restent les tigres. Difficile de trouver un animal plus attachant... à part
peut-être un nounours. Seulement voilà : « Les Deux Frères » pousse
l'anthropomorphisme un peu trop loin pour que l'histoire conserve son charme, et surtout sa
crédibilité. Au final, nos deux « acteurs », qui eux ne gâchent pas leur
talent, finissent par perdre leur sauvagerie qui les rend naturellement si attirants.
Je passerai d'ailleurs sur la fin qui frise le ridicule...
Évidemment, il serait injuste de ne trouver à ce film que des défauts.
Et s'il est une qualité qui mérite d'être soulignée, c'est à
coup sûr celle du dressage. Car si Jean-Jacques ANNAUD arrive –presque- à nous faire
passer des tigres pour ses peluches, ils n'en restent pas moins de dangereux fauves.
En conclusion, mon seul regret sera finalement de n'avoir pas visité les coulisses du film. Et
pour une fois le DVD présentera sûrement un intérêt accru par rapport au film en
salle : celui du « making-of » qui fait cruellement défaut au cinéma.
Achèterai-je le DVD pour autant ? Rien n'est moins sûr...
Le 3 mai 2004
Comte Zéro
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